Chapitre 8

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Il murmurait, vidant visiblement son cœur face à l'animal, tandis que Pattenrond ronronnait fortement — si fort qu'Hermione ne pouvait pas entendre les paroles que son camarade prononçait à mi-voix — tout en se frottant contre lui.

Drago Malefoy pleurait et se laissait consoler par Pattenrond. Les larmes roulaient sur ses joues, sans sanglots, et ses yeux étaient rouges et gonflés. Sa posture — épaules basses, regard fuyant — hurlait tout son mal-être. Et l'animal semblait faire tout son possible pour l'aider, frottant sa large tête contre lui, passant sa langue râpeuse sur ses joues humides, laissant échapper de temps à autre un miaulement rauque, comme pour répondre à ce que le jeune homme disait. Comme pour le rassurer.


Hermione aurait pu entrer et intervenir. Surprendre Drago Malefoy en position de faiblesse, pour lui faire payer ces années de disputes, les insultes à répétitions et ses regards méprisants. Ce serait une basse vengeance, mais tellement délectable que de voir son visage se décomposer face à elle, que de voir l'humiliation infligée...
Elle aurait pu lui dire que le chat qu'il caressait avec tant de douceur et de tendresse lui appartenait. Hermione avait toujours pensé que Malefoy n'aimait pas les animaux, qu'il était une petite brute sans cœur. Pourtant, il avait des gestes tendres et doux avec Pattenrond, il semblait habitué à côtoyer des animaux, parce qu'il ne faisait pas de gestes brusques, il le laissait venir à lui et il semblait trouver d'instinct les points où le chat adorait être gratouillé.

Cependant, malgré elle, Hermione était fascinée de le voir autrement. Il avait l'air humain, fragile. Doux même. Son chagrin lui donnait envie de le consoler, de le protéger. D'entrer doucement dans cette pièce, sur la pointe des pieds, pour aller le prendre dans ses bras et lui assurer que tout irait mieux. Peut-être pas tout de suite, mais que ça viendrait. Qu'il serait de nouveau heureux. Elle ne pensa pas un seul instant qu'il était étrange de vouloir enlacer le jeune homme qui l'avait tant insultée, par le passé, pour le réconforter.
La guerre était passée sur leurs anciennes disputes, elle avait gommé les différences. Finalement, ils étaient tous des survivants, ils partageaient le même traumatisme.


Soudain, sans qu'elle ne puisse l'éviter, le souvenir du jour où Bellatrix l'avait torturée lui revint en mémoire, la faisant vaciller. C'était son pire souvenir, c'était ce qui revenait le plus souvent dans ses cauchemars.
Ce jour-là, terrorisée, souffrant terriblement suite aux Doloris lancés et aux entailles que la cinglée lui infligeait, elle avait croisé le regard horrifié de Drago. Elle avait lu dans son regard sa peur, mais également sa culpabilité de la voir être agressée sous ses yeux.
Il n'avait pas pris plaisir à la voir au sol, hurlant et pleurant, se débattant, mais refusant de trahir son ami. Il semblait prêt à être malade... ou à se jeter devant elle pour la protéger.
Pour tenir, elle n'avait pas quitté ses prunelles grises des yeux. Elle avait puisé sa force dans sa présence, alors qu'ils n'étaient pas amis. Son regard était la seule chose qui ne soit pas hostile à cet instant dans la pièce et elle s'y était accrochée, désespérément.

Elle ne l'avait jamais avoué, bien évidemment. Comment aurait-elle pu dire qu'elle n'avait pas craqué uniquement parce que Drago la fixait, avec cet air torturé, et qu'il lui avait donné la force de tenir malgré la folie terrifiante de Bellatrix ?

Hermione cligna des yeux et recula d'un pas brusquement, aussi silencieusement que possible, troublée. Le cœur battant, elle glissa un dernier coup d'œil dans la salle, observant Drago livrer tous ses secrets à son chat, puis elle s'éloigna lentement, sans se faire remarquer, l'esprit en ébullition, emplie d'une émotion qu'elle n'arrivait pas à décrypter.

Comme toujours lorsqu'elle se posait des questions, elle alla s'installer dans la bibliothèque — l'endroit de Poudlard où elle se sentait le mieux — et elle prit un livre au hasard sans même en regarder le titre. Puis, elle l'ouvrit et tourna lentement les pages, sans pour autant en lire une seule ligne. Le bruissement du papier épais, l'odeur des pages et de l'encre suffisait à la réconforter, à la faire se sentir en sécurité. Elle se perdait dans ses pensées, les sourcils légèrement froncés, essayant de comprendre ce qui l'avait autant troublée et décidant malgré elle qu'elle devait faire quelque chose — sans vraiment savoir quoi encore.


Le soir même au dîner, Harry l'entraîna sans surprise à la table des Serpentard comme si ça devenait une nouvelle habitude. Elle se retrouva face à Drago et elle se rendit compte qu'elle le voyait différemment désormais. Comme si le découvrir plus tôt sans son masque de froideur habituel lui avait offert la capacité de mieux le décrypter, de le comprendre.
D'un coup, elle se rendit compte de sa façon de se raidir dès que quelqu'un s'approchait d'eux comme s'il craignait être agressé — ça lui était probablement déjà arrivé, à cause de son nom ou de la marque qu'il portait sur son bras. Elle voyait ses regards inquiets, sa façon de frotter son bras marqué comme pour effacer ses erreurs. Elle nota qu'il mangeait peu, remuant plus la nourriture qu'autre chose, comme Harry le faisait à une époque, lorsqu'il allait si mal qu'elle avait eu peur de perdre son meilleur ami, son presque frère.

Drago Malefoy donnait le change auprès de ses amis, offrant de temps à autre des sourires supérieurs, et répondant à leurs questions par des grognements agacés, apparaissant comme le parfait héritier prétentieux. Il se comportait comme il était autrefois avec cependant une différence majeure : il tenait clairement un rôle et il se forçait, essayant dès que personne ne le regardait de se faire oublier.


Elle mangea en silence, le front plissé, en pleine réflexion. Elle avait conscience des regards interrogatifs de Harry et des autres Serpentard, mais elle ne s'en préoccupa pas.
La jeune femme ne savait pas pourquoi le mal-être de Drago Malefoy — l'insupportable blondinet qui l'avait traitée de sang-de-bourbe — la touchait autant. Mais elle se rendait compte qu'elle avait envie de l'aider. Qu'elle avait besoin de l'aider.

Après tout, elle avait toute confiance en Pattenrond — durant leur troisième année, il avait eu raison de faire confiance à Sirius et de pourchasser Croûtard — et si son chat allait le réconforter c'était que Drago méritait une nouvelle chance.
D'ailleurs, elle était fermement convaincue que tout le monde méritait une seconde chance. Elle ne pouvait pas juste oublier ses convictions parce qu'il s'agissait de Malefoy : il l'avait autrefois insultée, mais elle avait su se défendre en le frappant.

Se reconstruireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant