Chapitre 44

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Trisha :

Il est presque minuit quand je rentre. J'entends mon père ronfler sur le canapé.
Ma mère et lui ont dû se disputer un long moment après mon départ.
J'ai trois messages et deux appels manqués de Noah. Je n'ai pas envie de le rappeler. Je me sens trahie. Il m'a convaincu d'arrêter, mais lui s'est permis de s'immiscer dans ma vie et de mener les recherches de son côté. Je suis tellement en colère. Contre lui, contre mon père, Samuel, moi. Je n'ai pas été capable de comprendre ça. De comprendre qui était le vrai coupable. Il était sous mes yeux tout ce temps, et c'est Noah, qui ne le connais même pas, qui a compris que c'était lui.

Je commençais à aller mieux.

Ça va tout changer.

J'ai besoin de temps. J'attrape deux bouteilles d'eau et un paquet de gâteaux et monte dans ma chambre.

J'y reste enfermé deux jours, dans le noir.

À réfléchir.

Je ne pense plus au lycée, à Noah ni à mes parents qui sont venus plusieurs fois frapper à ma porte. Ce n'est pas ça qui compte actuellement. C'est Lise, et ce qu'il c'est passé ce jour là.

Je me pose beaucoup de questions, je réfléchis énormément. Lise a dû tellement souffrir. Elle a chuté de plusieurs mètres, elle est morte noyé ou bien elle a heurté des rochers. Penser à ça me donne la nausée.
Je réfléchis aussi aux conséquences. Mon père a raison, Samuel ne survivra pas à la prison. Et ce n'est pas sûr qu'il y aille étant donné ses problèmes de santé. Se lancer dans un procès ne servirais qu'à nous faire souffrir. On connaît le coupable. Lise est morte, et celui qui a fait ça est enfermé à l'hôpital, avec des remords, il souffre et ne sortira jamais.

Je finis par sortir de ma chambre.
Mes parents sont dans la cuisine. Ma mère pleure et mon père ne dit rien.

- Je veux qu'on fasse un vraie enterrement pour Lise. Avec une tombe et un cercueil, maintenant qu'on a la certitude de son décès. Et si je peux me permettre de donner mon avis, ça ne sert à rien de dénoncer Samuel. Il est enfermé à l'hôpital, il est schizophrène. Ça nous ferais juste souffrir. Il ne sortira jamais de l'hôpital de toute façon. En revanche papa, je ne pourrais jamais te pardonner de nous l'avoir caché. Si tu savais à quel point je t'en veux, à quel point je te déteste. Jamais plus je n'aurais confiance en toi. Et l'année prochaine, je veux partir. Je ne resterais pas une seconde de plus dans cette maison. J'irais faire mes études ailleurs. J'ai...

- Stop. Une chose à la fois. Pour l'enterrement, on en a déjà un peu parlé. Nous sommes d'accord. Pour le reste... On verra plus tard.

Je m'apprête à expliquer que je n'ai plus beaucoup de temps pour donner une réponse, mais je me ravise quand je vois que mes parents ne m'écoutent plus. Ils sont complètement perdus, comme moi. Ça ne sert à rien que je leur parle de mon avenir. L'important, c'est Lise.

***

- Le 12 novembre 2016, la très jeune Lise Williams nous a quitté. Aujourd'hui, son entourage a voulu lui rendre hommage.

Mes parents et mes grands parents sont là. Il y a aussi la marraine de Lise, ainsi que son mari et leurs deux enfants.
Noah est là aussi. Même si je ne lui ai pas vraiment pardonné, j'avais besoin de lui. Je tiens fermement sa main et fixe le cercueil, ainsi que la photo de Lise.
Elle était si heureuse, et c'est le souvenir que je veux garder d'elle. Une fillette heureuse, qui sourit de toutes ses dents, comme je l'ai dis la semaine dernière pendant notre cérémonie à nous.
Mon père est assis au dernier rang. Ma mère ne veut plus lui parler non plus. Il est donc assis à côté de ma grand mère et ils ne disent pas un mot.

Le cercueil de ma sœur n'est pas vide. On y a mis sa poupée préféré, son doudou qui ne quittait jamais son lit, sa boîte avec ses dents de lait et sa robe préféré. Ce sont des objets qui n'avait jamais quitté sa chambre. Je n'ai pas été capable d'y retourner, mais mon père s'en est chargé. Il lui devait bien ça.
Nous devons lui rendre hommage comme il faut et aller de l'avant.

Ma mère, mes grands parents, mon père ainsi que sa marraine disent quelques mots pour Lise. Moi, je n'ai pas envie de dire quoique ce soit. J'ai la gorge trop noué, et j'ai déjà dis tout ce que je voulais la semaine dernière. Je préfère lui dire quelques mots dans notre jardin, près de son arbre préféré plutôt que dans une église où elle n'y a jamais mis les pieds. Je lui ai déjà rendue hommage et je sais que de la où elle est, elle le sait.

Je regarde en pleurant le cercueil descendre sous terre. Ma mère me tient dans ses bras et pleure aussi. J'ai l'impression qu'elle est à deux doigts de s'effondrer. Moi qui pensait qu'elle s'était faite à l'idée, qu'elle avait tournée la page. Il faut croire que non. Elle a simplement appris à gérer ses émotions, à les cacher. Elle a fait tellement pour moi.
Quand à mon père... Je n'arrive même plus à le regarder en face. Il me faudra plus d'une semaine pour faire partir toute cette colère. Peut être même plus que toute une vie. Je ne sais pas si j'arriverais à de nouveau poser mes yeux sur lui un jour. Même si il n'y est pour rien dans les actes de son frère, nous le cacher est pour moi une énorme trahison....

Le soir, alors que Noah m'accompagne dans ma chambre, je lui demande une fois à l'étage de rentrer chez lui.

- Trisha s'il te plaît, parle moi. Pardonne moi. Je voulais juste que tu ailles mieux. Mais... Je voulais aussi t'aider.

- Je sais Noah.

- Dès que j'ai compris, je t'ai appelé. Je n'ai pas attendu, je n'ai pas gardé ça pour moi.

- Je sais.

Je soupire et le prend dans mes bras.
Je tiens toujours à lui, énormément.

- J'ai juste besoin de temps Noah. D'accord ? Je me sens nul, de ne pas avoir compris. Oui je t'en veux même si au fond je sais que c'était pour mon bien. Mais là, c'est trop. Je suis en colère contre tout et tout le monde et j'ai besoin de faire le point.

- Je sais. Quand tu seras prête... Je serais là. Appelle moi quand tu veux.

Je ne réponds rien et m'allonge sur mon lit. J'entends Noah partir et refermer doucement la porte derrière lui.
J'attrape mon oreiller, me le mets sur la tête et hurle de toute mes forces. Puis j'éclate en sanglot.
Nous venons d'enterrer ma petite sœur.
Officiellement.

En l'espace de quelques jours, tout a changé. Beaucoup trop vite pour que je puisse suivre. Pour que je puisse y voir plus clair. Encore une fois, j'ai trop de choses en tête. Encore une fois, je dois faire le tri parce que je n'arrive pas à tout gérer. C'est pour ça que je dois repousser Noah. Parce que je dois d'abord me concentrer sur moi, je dois d'abord aller mieux avant de l'embarquer avec moi.

Je dois surtout trouver le moment pour lui annoncer mon départ. Mais seulement quand j'irais mieux. Pour l'instant ce n'est pas le moment.

DisparueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant