Chapitre 56

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Nicoleï atterrit en dérapant sur les graviers, jura avant de récupérer son équilibre.

—Ça va ? s'enquit Tabatha.

Il reconnaissait de l'inquiétude dans sa voix et en fut touché. Il n'était pas passé loin de la catastrophe, avec ce vol d'essai.

—Ça ne marchera pas, dit-il en secouant la tête. J'ai trop de mal à rester dans les airs, impossible de planer... ça demande trop d'efforts. Le moindre souffle me déstabilise. Je n'ai aucune envie de m'écraser, sache-le.

Elle acquiesça et Nicoleï apprécia qu'elle ne lui renvoie pas que leurs options se limitaient.

Depuis qu'ils avaient découvert ce village, deux jours plus tôt, ils campaient à proximité, cherchant à glaner un maximum d'informations sans se faire repérer. Nicoleï s'était proposé pour faire un vol de repérage. Hélas, ses essais s'étaient révélés infructueux.

Si seulement Axel ne l'avait pas mutilé ainsi...

Tabatha se leva, épousseta ses vêtements.

—Viens, on va ramasser du bois pour ce soir, et réfléchir à un nouveau plan.

Nicoleï la rejoignit, et le regard rivé au sol, attrapa les branches qui trainaient sur le sol. Ils avaient monté leur camp à bonne distance du village, refusant d'être repéré si près de leur but. Tabatha avait trouvé une crevasse dans une paroi rocheuse, devant laquelle Nicoleï était passé sans la remarquer. L'ouverture était plus qu'étroite – il raclait ses ailes contre les parois chaque fois – et l'intérieur était sombre, mais ils étaient à l'abri des éléments.

Vu comment il avait plu la journée précédente, ce refuge était une aubaine. Leurs provisions épuisées, ils avaient passé de longues heures à ramasser de rares champignons tardifs, des noix quand ils avaient de la chance et à pister du gibier. Tabatha avait tiré un lapin, qui ne leur avait fait qu'un seul repas, et avait raté des pigeons, pourtant une cible facile. Mais Nicoleï s'inquiétait que leurs activités de chasse les fasse repérer. Tabatha lui avait fait remarquer qu'ils ne pouvaient pas non plus se laisser mourir de faim.

Quand il s'était approché pour essayer de voir Axel, Nicoleï avait été attiré par l'odeur du pain chaud. Une odeur qui lui avait mis l'eau à la bouche. Voilà des jours qu'il n'avait eu l'occasion de manger un vrai bon repas !

Se concentrer parmi ces odeurs plus alléchantes les unes que les autres avait été compliqué. Nicoleï n'avait pas vu Axel, mais à l'extrémité du village, près de la forge, le vent avait soufflé sur une plume violette. Le cœur de Nicoleï avait bondi dans sa poitrine : Axel était bien ici.

Et le lendemain, après qu'ils eurent dévoré un autre lapin avec une poignée de noix, Tabatha s'éclaircit la gorge.

—Si j'allais en repérage ?

—Tu veux dire, entrer là comme ça dans ce village ?

Elle hocha la tête.

—Je sais bien que tu es Niléenne, comme eux, poursuivit Nicoleï, mais je doute qu'ils reçoivent beaucoup de visiteurs... si c'est comme l'autre village, ils vivent en autarcie. Ils n'avaient même pas d'auberge ! Et ils nous étaient clairement hostiles.

—Quel autre choix avons-nous ?

Nicoleï grinça des dents.

Il était certain qu'Axel se trouvait là, mais où exactement...

—Si tu vas au village et qu'ils te capturent, je me retrouve seul sur une planète qui n'est pas la mienne. Je ne suis qu'Envoyé, je ne suis pas censé agir seul sans supervision. Qui m'apportera de l'aide ?

Elle resta silencieuse un long moment, le regard perdu dans les braises.

—Très bien. Tu as raison. Je ne peux pas t'abandonner seul ici. J'oublie que tu n'as que seize ans. Ça doit être l'uniforme, ajouta-t-elle avec un sourire. Nous irons ensemble, en observation, à distance raisonnable. Peut-être sauras-tu grimper à un arbre ?

Nicoleï frotta son menton.

—Oui. Ça je peux faire. Mais sauf sur les rares résineux, ils n'ont pas de feuillage pour me camoufler.

—Alors on oublie. Pas de risque. Si nous sommes repérés, Solerys nous embrigadera dans son délire, et ça, c'est hors de question. Bref. On repère où vit ton ami. Et le soir, quand tout le monde dort, on l'embarque avec nous.

—S'il le veut bien, ne put s'empêcher d'ajouter Nicoleï.

—Je m'occuperai de Solerys. Comme ça, ton ami sera libéré de son emprise.

—Je l'espère.

Concernant Axel, Nicoleï se refusait à être trop optimiste. Son ami l'avait sérieusement brûlé, la dernière fois qu'ils s'étaient croisés. La peau sur son bras était encore rouge écrevisse, comme s'il avait pris un mauvais coup de soleil. Et chaque fois qu'il pliait son bras, la douleur se rappelait à lui, même si le froid aidait.

Axel était Émissaire, lui était largement supérieur. S'ils devaient s'affronter, il n'avait aucune chance.

Mais il le ferait quand même. Axel devait être ramené à la raison.

À n'importe quel prix.


Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant