Chapitre 17

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Alexeï s'éveilla avec le début d'une nouvelle migraine. La place vide à côté de lui signifiait que Lucille était déjà levée. Rien d'étonnant à cela, elle avait toujours été matinale. Une infusion était posée sur la table de chevet ; touché, il apprécia l'attention, et huma longuement les arômes avant de vider le verre. Le goût n'était pas très agréable, mais tant que le remède agissait sur ses maux de tête, il aurait été prêt à avaler n'importe quoi.

Il glissa hors des draps, tapota les oreillers pour les remettre en forme et tira la couverture sur le lit. Un lit fait, c'était une chambre faite, disait toujours sa mère. Alexeï cligna des yeux. D'où venait cette pensée ?

— Alexeï !

Son épouse se jeta dans ses bras, et il sourit, oubliant tous ses soucis. Son parfum était un mélange de fleurs dont il ne devinait que la fragrance de la lavande.

— Cette potion que te donne Solarys te fait dormir comme un loir ! le taquina-t-elle. Allez viens, il y a du travail à faire au potager aujourd'hui.

Alexeï prit le temps de s'habiller avant de descendre. Des bottes solides et un pantalon de toile, avec une chemise de lin. Nul besoin de fioriture s'il devait arracher les carottes et sarcler les allées. Il engloutit le petit déjeuner – des œufs brouillés et du lard étalés sur une tranche de pain, cette fois – et suivi Lucille à l'extérieur. Justement, elle nouait les rubans d'un grand chapeau sous son menton et s'empara d'un large panier garni de fleurs.

— Je me rends à Niyar, aujourd'hui, l'informa-t-elle. C'est jour de marché, et j'espère bien trouver des clients. Veux-tu que je te ramène quelque chose ?

— Du poisson, peut-être ? Mais, ne veux-tu pas que je t'accompagne ?

— Non !

Surpris, Alexeï recula face à la panique qu'il lut dans ses yeux.

— Non, reprit-elle plus calmement. Le travail ne peut pas attendre, ici. Et tu sais bien que les routes sont sûres, désormais. Les Mecers sont partout.

— Oui, ils font un travail formidable, répondit-il.

Pourquoi ce mot-là titillait-il son esprit ? Comme s'il était lié à un souvenir douloureux... D'ailleurs, une douleur aiguë ne tarda pas à apparaitre sous ses doigts.

— N'hésite pas à consulter Solarys au moindre problème, rappela Lucille.

— Oui, dit Alexeï en roulant les yeux au ciel. Ne t'inquiète donc pas tant.

Elle lui offrit un vrai sourire cette fois, et l'embrassa avant de lui faire ses adieux. Alexeï la regarda marcher sur le chemin, jusqu'à ce qu'elle disparaisse au loin, puis avec un soupir, il alla chercher sa binette dans la remise et se mit au travail.

Les premiers frimas d'automne n'étaient pas loin, mais il espérait avoir encore un peu de temps avant les gelées blanches matinales. Avec l'alternance de pluie et de soleil des derniers jours, les mauvaises herbes avaient proliféré. Lucille avait raison, il y avait du travail. S'il ne trainait pas, il aurait peut-être terminé quand elle reviendrait du marché.

L'activité physique lui faisait du bien, nota-t-il comme il se retrouvait bientôt en sueur. Rangée après rangée, il sarclait, binait, arrachait. Il y avait des carottes prêtes à être récoltées, alors il alla chercher sa fourche, l'enfonça profondément dans le sol limoneux pour en extraire les tubercules oranges. Il les lia par bottes, les secoua pour en chasser l'excédent de terre. Avec les fânes, ils feraient un délicieux potage, décida-t-il. Le reste serait rangé avec les pommes de terre, dans la remise, à l'abri de la lumière.

Arrivé à l'extrémité du rang, il se redressa, massa ses reins endoloris. Dire que ce n'était que le début ! Il n'aurait pas le temps de travailler à l'atelier aujourd'hui, s'il souhaitait terminer avant la nuit. Alexeï haussa les épaules. Rien ne pressait, de toute façon.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant