Chapitre 3

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Ils émergèrent à la Porte du huitième Royaume, Niléa. Ici, les poteaux étaient en marbre bleu, minutieusement sculptés d'oiseaux prenant leur envol autour de lianes délicates ; le linteau était de bois brut, frappé d'une rosace à huit pétales minutieusement entrecroisés. Située près de la ville de Tikal, la Porte avait été l'enjeu de nombreux combats lors de la guerre qui avait opposé la Fédération et l'Empire. Aujourd'hui, les lieux étaient plus calmes, et les deux Mecers s'offrirent une pause déjeuner près d'un méandre de l'Emenein.

Le soleil était haut dans le ciel, réchauffant agréablement l'atmosphère en ce début d'automne. Axel inspira longuement. Chaque planète avait une odeur particulière, subtile. Ici, c'était une douceur florale. L'humidité qu'il percevait était liée aux abords du fleuve.

— Avons-nous une destination ? questionna Axel.

— Orein, répondit Itzal. Nous allons franchir les montagnes qui forment la Colonne, puis la forêt des Cargues au sud. La ville d'Orein est située dans une grande plainte, où serpente la rivière Ys. Si le temps se maintient, nous en aurons pour cinq ou six journées de vol.

Voler était un plaisir enivrant, sans cesse renouvelé. Les deux premiers jours, ils survolèrent un paysage de plaine, parsemé de quelques collines, et de touffes d'arbres qu'on pouvait à peine appeler bosquets. Vu du ciel, les paysages apparaissaient sous un autre jour ; plus immenses, plus ouverts. Quelques nuages de basse altitude s'effilochaient paresseusement. N'étant pas pressés par le temps, ils les contournaient, pour éviter de se mouiller les plumes.

Le troisième jour, ils firent face aux premiers contreforts de la Colonne, après avoir campé en bordure de la route du Passage. En chemin, ils survolèrent une caravane de marchands, qui serpentait sur les chemins escarpés menant à l'un des cols qui permettaient de gagner le côté sud de la Colonne. Les guetteurs les aperçurent, et leur firent un signe de main qu'ils leur retournèrent. La plupart des Massiliens présents sur le sol niléen appartenaient au corps des courriers de la Fédération, distribuant nouvelles officielles en provenance directe de Sagitta, et courrier privé pour les marchands ou les familles éloignées. À pieds, traverser la Colonne leur aurait pris plusieurs jours. Grâce à leurs ailes, ils réduisirent ce temps à une grosse journée. L'altitude pouvait s'avérer traitre, lorsqu'on surplombait les crêtes les plus hautes ; malgré leurs capacités, les ailés ne supportaient pas mieux que les autres humains la raréfaction en oxygène.

La forêt des Cargues leur fournit un abri pour leurs nuits. Il était toujours plus agréable de dormir calé contre le tronc d'un arbre plutôt qu'au sol. Les bruits des animaux en chasse avaient toujours eu quelque chose de rassurant, pour Itzal. Une impression de normalité. Les Massiliens se sentaient toujours mieux perchés dans les hauteurs, et pour la première fois depuis leur arrivée sur le sol niléen, Axel passa une nuit réparatrice.

Au réveil, ils avalèrent un rapide petit déjeuner. Des biscuits secs de voyage, qu'ils agrémentèrent de quelques baies comestibles glanées dans les arbustes aux alentours. Après s'être désaltérés aux abords d'un ruisseau, ils reprirent leur route, à pieds dans un premier temps. Marcher en forêt était toujours agréable, et ils s'étaient trop éloignés de leur clairière d'arrivée pour la rejoindre. Quant à gagner les cieux, c'était pour l'instant impossible, la canopée trop resserrée leur interdisait de prendre leur envol.

Bien loin des forêts de résineux de Massilia, la forêt des Cargues était constituée d'essences plus communes et plus adaptées à un climat continental. Trouvant toujours prétexte à l'enseignement, Itzal lui demanda de nommer celles qu'ils croisaient. Chênes, hêtres, charmes, frênes... Axel fut presque déçu lorsqu'ils quittèrent les frondaisons pour reprendre leur envol. Ils couvrirent pourtant dix fois plus de distance en une heure de vol qu'à pieds.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant