Nicoleï se redressa et massa ses reins endoloris. Il n'avait rien trouvé de concluant, à part quelques branches de buisson cassées, confirmant que quelqu'un était bien passé par ici récemment. Il n'avait plus qu'à aller voir si Axel avait trouvé quelque chose de plus probant.
Il s'approcha de la corniche, se pencha dans le vide pour apercevoir son ami. Rien. Peut-être avait-il trouvé quelque chose ? Sans le prévenir, en plus.
Maussade, Nicoleï plongea dans le vide pour explorer la paroi. Si de loin elle paraissait lisse, de près il s'apercevait qu'elle était plein de saillies et de fractures. Nulle trace d'Axel, donc il devait bien avoir trouvé quelque chose. Nicoleï fulmina. Après tous ses laïus sur la sécurité et les précautions à prendre, il allait tout seul en exploration ? Il se moquait clairement de lui !
Ne voyant rien à proximité, Nicoleï se décala sur la gauche et descendit de quelques mètres. Il était encore bien loin du sol. Et il la vit. Une large ouverture béante. Sourire aux lèvres, Nicoleï plongea vers elle.
C'était une sacrée grotte, songea-t-il lorsqu'il eut posé le pied sur le sol. Il leva les yeux vers le plafond, constellé de stalactites, brisées pour la plupart. Quelques formes noires y étaient accrochées ; des chauves-souris ? Des silhouettes étaient peintes sur les murs, un cercle de pierre était présent près de l'entrée et plus loin, il distinguait des buches. L'endroit était donc régulièrement utilisé. Des coupelles remplies de pigments étaient empilées contre l'une des parois. Encore une activité typiquement niléenne, la peinture. Qui aurait eu l'idée d'aller décorer des grottes si loin de toute activité ?
Nicoleï fronça les sourcils. D'ailleurs, comment des terrestres auraient-ils pu venir ici ? Il retourna à l'entrée, trouva un piton profondément enfoncé dans la roche. Il avait sa réponse, ils venaient ici en escaladant. Il ne put s'empêcher de ricaner. Être un ailé, c'était quand même bien mieux.
Il piocha dans sa sacoche de quoi allumer un feu, et utilisa l'une des lampes inutilisées en espérant qu'on lui pardonne cet emprunt. C'était un cas de force majeure, il ne se voyait pas explorer ces couloirs sans lumière. Ruminant toujours contre Axel – vraiment, il aurait dû le prévenir ! – il s'engagea dans le boyau au fond de la grotte. Le plafond était suffisamment haut pour qu'il n'ait pas à se baisser, les parois lisses lui indiquaient qu'une rivière avait coulé ici, fut un temps. Le sol était inégal, avec des creux où l'eau stagnait et quelques stalagmites qui s'efforçaient de rejoindre leurs consœurs au plafond.
Il faisait presque bon ici, par rapport au froid de l'extérieur. Une chose était sure, cette grotte avait les moyens d'être un refuge confortable. Mais il doutait étrangement que les Niléens viennent s'installer durablement là-dedans. À sa connaissance, seuls les Massiliens transformaient les grottes en habitations.
Plusieurs couloirs étaient visibles de part et d'autres du chemin qu'il empruntait, la plupart trop étroits pour qu'il s'y engage. Et puis, si Axel était passé par là, il aurait certainement marqué le chemin, ne serait-ce que pour se repérer. Puisque ce n'était pas le cas, il avait dû aller tout droit.
Nicoleï se mit à siffloter pour passer le temps. Le boyau se rétrécissait, même s'il avait encore la place d'étendre ses ailes, mais il n'aimait pas l'idée de se retrouver coincé. Le sol s'inclinait doucement, comme s'il descendait dans les entrailles de la terre, formait parfois comme des marches. Il frissonna. Quelque chose lui déplaisait, dans cette grotte, sans qu'il ne parvienne à mettre le doigt sur l'origine de cette sensation.
L'écho lui renvoyait un son qu'il finit par trouver lugubre et il cessa de siffler. Il se sentait oppressé, même s'il ne s'était jamais considéré comme claustrophobe. Il ouvrit ses ailes pour se réconforter, jura en se cognant comme la paroi, bien plus proche que ce qu'il escomptait. Cette fois, la panique s'empara de lui. Axel ne pouvait pas s'être aventuré si loin, et même si c'était le cas, il n'avait qu'à l'attendre à l'entrée.
Nicoleï fit demi-tour et courut. Il n'y avait pas prêté attention, la flamme de sa lampe menaçait de s'éteindre. À l'idée de se retrouver seul, dans le noir, dans une grotte labyrinthique... il accéléra encore, trébucha sur les inégalités du sol, s'écorcha sur les aspérités des parois, motivé par une seule perspective, sortir de cet enfer avant que les ténèbres ne se referment sur lui. La lumière de la lampe vacilla une première fois et Nicoleï constata qu'il ne restait plus beaucoup d'huile. Le cœur battant à tout rompre, le souffle court, il continua sa course folle.
La flamme frémissante s'éteignit dans un virage et Nicoleï se retrouva dans l'obscurité. Il s'immobilisa aussitôt, aux aguets. Combien de temps avait-il marché, à l'aller ? Il jura en trébuchant, reprit son équilibre de justesse. Au moins, il avait la place de déployer ses ailes, là. Ce qui voulait dire qu'il n'était pas loin de la sortie. La pensée le rasséréna suffisamment pour qu'il prenne le temps de calmer sa respiration. Qu'aurait pensé le Messager Ishim en le voyant paniquer de la sorte ? Nicoleï s'empourpra. Il devait agir en Mecer. Rester calme, réfléchir.
L'entrée n'était pas loin, et il avait toujours pris le boyau le plus large, à peu près en ligne droite. D'ailleurs, s'il se concentrait, il pourrait sentir la brise à l'extérieur, et... Nicoleï sourit. Les Vents ! C'était ça, la clé. En suivant les Vents, il retrouverait son chemin. Il se concentra pour percevoir les courants qui agitaient les airs, véritables toiles d'araignées, envoya un souffle de Vent vers l'avant. Avec les remous, il était même capable de percevoir le relief du sol ! Son sourire s'élargit et la joie le revigora. Maintenant, il pouvait avancer sans trop de craintes. Ses pas précautionneux gagnèrent en assurance au fur et à mesure qu'il faisait confiance à son pouvoir. Il gardait quand même ses mains tendues devant lui, au cas où.
Enfin, après de longues minutes, il distingua la large ouverture. Il avait réussi ! Par contre, l'exploration lui avait pris beaucoup plus de temps que prévu. Le soleil se couchait déjà, parant de reflets rosâtres et dorés les nuages bas.
Et toujours aucun signe d'Axel. Un pli vint barrer son front. C'était curieux, ça. Il hésita sur la conduite à adopter. L'attendre ? Retourner en ville envoyer un message ?
Nicoleï pencha pour la première option. Il avait assuré d'obéir à Axel, mais jamais celui-ci ne lui avait ordonné de fuir, après tout.
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Les Vents du Destin
FantasiaQue faire quand vos parents ont sauvé le monde et que votre soeur a l'oreille d'un Dieu ? Axel n'a que trop conscience des regards braqués sur lui, à l'affût d'exploits à la hauteur de la réputation de sa famille. Une pression qu'il juge insupporta...