Chapitre 80

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Nicoleï s'éveilla, frictionna ses bras glacés tandis qu'un nuage de condensation s'échappait de ses lèvres.

Il avait si froid !

Si seulement Axel avait été là.

Lui, il aurait claqué des doigts et de belles et hautes flammes seraient apparues, auxquelles il aurait pu se réchauffer.

Frissonnant, il glissa une main dans son sac et attrapa une pomme. Elle était froide, elle aussi, mais délicieusement juteuse et sucrée.

Un en-cas revigorant.

L'aube parait la forêt de reflets mordorés, avec le soleil qui jouait au travers des nuages gris pour allumer ça et là quelques reflets colorés au milieu du brouillard qui s'élevait doucement.

Un paysage qu'il aurait trouvé magnifique et enchanteur s'il n'avait pas eu connaissance des horreurs qui s'y tramaient. Les pauvres bêtes dont il avait ouvert l'enclos s'étaient-elles échappées ? Il l'espérait. Les animaux devaient être libres, non enfermés, et si les habitants du village leur couraient après, cela lui fournirait une diversion bienvenue.

Nicoleï se laissa tomber au sol et s'approcha de son objectif. A la lueur du jour, il discernait mieux les alentours. La bouche béante de l'entrée de la mine ; le tas de gravats à sa gauche ; les baraquements sommaires sur la droite, dont les cheminées laissaient échapper de minces volutes de fumée.

Au moins, ils avaient dormi au chaud, eux.

Et puis il les vit. Ils émergeaient des baraquements, avançaient de façon plus ou moins mécanique, une pioche sur l'épaule, un sac à la main. Contenait-il leur déjeuner ? Non, ils en sortaient des casques. Comment avaient-ils pu fabriquer ça ici ? Nicoleï fronça les sourcils. Les mineurs des Douze Royaumes travaillaient en majorité sur M-555. Les Cinquiens étaient les meilleurs dans ce domaine. Chaque mine était encadrée par un Maitre des Souterrains, possédant le Don de la Terre, qui détectait les filons les plus prometteurs, de métaux précieux ou courants mais utiles, de charbon et décidait où placer les poutres de soutènement.

Nicoleï était fasciné par les forgerons et s'était longuement renseigné sur eux. Avant que cette envie de devenir forgeron ne soit supplantée par celle de devenir Mecer. Entrer dans une mine avec un simple casque, sans superviseur, lui paraissait dangereusement proche du suicide.

Une question demeurait. Ces gens étaient-ils sous l'emprise des Bénis, comme l'avait été Axel, comme l'étaient ses collègues ?

En tout cas, ils formaient une ligne bien docile. La moitié avait déjà disparu dans la mine alors que Nicoleï hésitait encore. Ceux qu'il avait écoutés avaient-ils raison ? Parce que les gens qu'il voyait là n'avaient rien de rebelles. A ses yeux, ils ressemblaient plutôt à de gentils petits moutons.

Puis il remarqua deux hommes qui se détachaient des autres. Pas deux hommes. Un homme et une femme. Ils discutaient, leurs paroles emportées par le vent, ne portaient pas de casque et au contraire des mineurs, paraissaient décontractés.

Nicoleï comprit rapidement pourquoi.

Une matraque et une épée pendait à leur ceinture. Des contremaitres ou des superviseurs... il ne connaissait pas le mot exact mais ils étaient certainement là pour encadrer les mineurs. Et doucher toute tentative de rébellion.

Ils seraient donc ses cibles prioritaires. Serait-il capable de les éliminer à lui tout seul ? Il tapota machinalement la poignée de son arme. Impossible de connaitre leur niveau à l'avance. A un contre deux, il n'avait aucune chance, s'ils étaient du niveau d'un Émissaire.

Il devait les séparer.

Nicoleï s'accroupit au milieu des buissons. Il lui fallait une diversion. De la main, il fouilla la masse des feuilles mortes. Si seulement il pouvait trouver quelque chose d'utile... mais il n'y avait que des brindilles, des feuilles à moitié décomposées, juste bonnes à faire de l'humus...

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant