Chapitre 52

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Le septième jour, la forêt s'éclaircit brusquement. Axel avait froncé les sourcils, surpris. D'après les cartes qu'il avait consultées, la forêt des Cargues s'étendait sur des dizaines de kilomètres dans sa plus faible largeur, et des centaines dans sa longueur. Ils ne pouvaient l'avoir traversée en trois jours.

Lorsqu'il avança à la suite de Solarys, Axel comprit et tous ses derniers espoirs de salut s'envolèrent.

C'était un village.

Un village comme celui où il avait vécu avec Lucille. Un village qui accueillit Solarys avec des cris de joie. Effondré, Axel s'efforça d'estimer sa population. Au moins une vingtaine d'habitations, si ce n'était plus.

Beaucoup de femmes, mais des hommes aussi, ce qui le rassura, quelque part. Des enfants, riant aux éclats. Tous bleus, tous Niléens.

Sous ses yeux, Solarys se transforma. Le guérisseur paraissait animé d'une joie sincère. Il tapotait des épaules, prenait quelques minutes pour chacun, écoutait avec gravité.

Se pouvait-il qu'il s'inquiéta sincèrement pour ces gens ? Ou tout ceci n'était-il qu'une manipulation de plus pour arriver à ses fins ?

Évidemment, Axel ne passa pas inaperçu. Ses ailes, déjà, immenses, qui attiraient l'attention comme chez tous les terrestres. Leur couleur, violet, ensuite, qui se révélait être un écho de la couleur de sa peau, de ses cheveux, de ses yeux.

Une couleur qui révélait son ascendance.

Une couleur qui révélait la puissance de son Don.

Les yeux s'écarquillaient, les murmures enflèrent, ils se reculèrent, apeurés.

Avec amertume, Axel comprit qu'il ne trouverait aucun allié, ici.

D'ailleurs, Solarys s'empressait de rassurer les villageois, affirmant qu'Axel était sous son contrôle et ne leur ferait aucun mal.

Axel avait serré les poings tout au long de sa tirade, de plus en plus furieux. L'assurance de Solarys l'ébranlait. Et comment pourrait-il s'enfuir, maintenant ?

Il fut obligé de se reconcentrer sur Solarys, qui le guidait non pas à l'écart, mais au centre du village, dans un bâtiment plus imposant que les autres qu'il devina être la maison de Solarys. Son moral descendit en flèche. Avec Solarys en permanence à ses côtés...

La porte se referma sur la foule et l'air affable de Solarys disparut.

—Alors, Axel, dit-il avec satisfaction. Commences-tu à comprendre ?

Axel refusa de lui faire le plaisir de répondre.

—Tous ces gens, poursuivit Solarys, ils sont venus de plein gré ici, avec moi. As-tu remarqué ? Non, évidemment. Tu n'es pas Niléen.

Axel fronça les sourcils, chercha dans sa mémoire de quoi pouvait bien parler Solarys. Les habitants lui avaient paru... normaux. Il n'avait pas vu de différence spécifique au village...

—Je n'ai obligé personne à venir. Sais-tu que je vivais seul, ici, au départ ? Puis j'ai sauvé quelques égarés et les rumeurs ont commencé à enfler. D'autres sont venus. M'écouter, d'abord. Puis me rejoindre. S'installer ici. Ici, loin des lois de la Fédération.

Axel sentit un frisson glacé descendre le long de son échine. C'était pire que ce qu'il avait imaginé. Pire que le village précédent.

C'était une rébellion.

—Nous avons prospéré, établi notre propre version de la justice. La trahison, par exemple, est toujours punie de mort. C'est le gage de notre survie. Nous ne pouvions laisser personne nous compromettre.

—Mais l'autre village ? ne put s'empêche de demander Axel.

—Ah, oui, question pertinente, fit Solarys avec un sourire mielleux.

Il joignit les doigts.

Les autres villages, d'ailleurs, précisa-t-il sous le regard effaré d'Axel. La forêt est grande. Tu croyais que quelques Mecers allaient tous nous trouver ? Ces villages travaillent pour nous. Certaines personnes... Certaines personnes ont cru pouvoir nous escroquer, alors il a fallu leur montrer que je ne rigolais pas. Je doute qu'ils se souviennent de quoi que ce soit, maintenant. Mais ce sont surtout des hommes qui m'ont rejoint en premier lieu. Si nous voulions prospérer... il nous fallait des femmes. Des épouses. Quelques gouttes d'amphigor suffirent à les convaincre de nous rejoindre.

Axel fut écœuré. C'était là la base des enlèvements.

—Mais pourquoi ne pas les avoir... enrôlées, comme les autres ?

Solarys haussa les épaules.

—Nous manquions de temps. Et puis, qui aurait voulu suivre un étranger au cœur de la forêt des Cargues ?

Il marquait un point, songea Axel.

—Qu'allez-vous faire de moi ? finit-il par demander.

Solarys leva sur lui un regard scrutateur.

—M'assurer que tu ne puisses pas t'enfuir, cette fois.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant