Chapitre 18

10 4 42
                                    

Allongé sur le lit de la chambre qu'il louait à l'auberge, Nicoleï observait la plume tourbillonner au-dessus de lui. Elle flottait, remontait vers le plafond, chutait, décrivait de larges arabesques. Il travaillait son Don, utilisait les Vents, cherchait à les comprendre, à les plier à sa volonté. Le Vent ne se forçait pas, au risque de se dérober. Il était libre, devait être cajolé, discrètement manipulé.

En quatre jours, il en avait découvert bien plus qu'aux côtés de Maitre Kenog. Et même s'il avait des ratés, son contrôle s'améliorait. Il avait conscience qu'il arrivait à un plafond. Bientôt, il lui faudrait s'exercer en plein air, sur de larges espaces. Peut-être réussirait-il à augmenter sa vitesse de vol, par exemple ?

Nicoleï laissa échapper un soupir. Quatre jours, déjà. Sa lettre devait avoir été remise. Mais le trajet était long, entre ici et Massilia. Si son Messager avait reçu le pli, il devait encore le trouver. Par précaution, Nicoleï s'éloignait peu de l'auberge. Il détestait rester enfermé mais ne voulait pas prendre le risque de rater son Messager.

Autre crainte, ses économies diminuaient à vue d'œil. Dans cinq jours, il ne pourrait plus payer l'auberge. Il n'aurait plus qu'à rentrer sur Massilia, la mort dans l'âme, et se faire passer un savon pour revenir tardivement sans avoir croisé son Messager en route.

Quatre jours d'inquiétude pour Axel. Il avait posé des questions, en sortant s'acheter à manger le midi. Personne n'avait vu d'ailé aux ailes mauves. Où donc son camarade avait-il disparu ? Et surtout, pourquoi personne d'autre que lui ne s'inquiétait ? L'aubergiste Amélia, à Orein, avait pris les choses avec philosophie ; ce qui l'avait poussé à quitter la ville pour venir ici. Peut-être était-elle partie prenante avec les gens qui avaient enlevé Axel. Nicoleï ne comptait prendre aucun risque. Si seulement il pouvait avoir une réponse, savoir quoi faire, il...

Un éclair de lumière illumina la pièce. Nicoleï leva un bras pour protéger ses yeux, roula sur le sol et chercha à dégainer son épée.

— Tout va bien, Nicoleï.

La voix rassurante d'Ishim. Malgré toute sa détermination, Nicoleï sentit les larmes poindre à ses paupières et se jeta dans les bras de son Messager qui l'apaisa de son mieux.

Puis le jeune Envoyé réalisa qu'il n'était pas venu seul, et se plia dans un profond salut, poing sur le cœur.

— Mes excuses, balbutia-t-il.

— Ce n'est rien.

Le Messager Itzal était là, avec cinq félins, et Nicoleï s'y était attendu. Par contre, la présence de l'autre silhouette ailée, avec son regard bleu-acier, son uniforme vert sapin et ses deux ailes blanches... c'était une surprise. Le père d'Axel, Lucas sey Garden, avait donc fait le déplacement. Le phénix sur son bras expliquait leur apparition si rapide, sans même qu'ils ne frappent à la porte.

Sa gorge se noua. La situation était-elle si grave ?

— As-tu des détails supplémentaires à nous transmettre ? questionna Lucas.

Il était le seul des trois adultes à être non armé ; c'était étrange pour un Massilien, car tous étaient connus pour se défier en duel à la moindre insulte ; mais c'était pourtant celui qui dégageait l'aura la plus intense.

Juste en le regardant, Nicoleï pouvait sentir la tranquille sérénité qui émanait de lui. Comme si rien ne pouvait jamais l'atteindre.

— Non, répondit-il. J'ai essayé de le retrouver, je le jure, mais...

— Tu n'as rien à te reprocher, Nicoleï, l'interrompit Ishim. Ce n'est pas une mission du ressort d'un Envoyé.

— Cette disparition est cependant étrange, ajouta Itzal. Et c'est la première fois que ce phénomène touche l'un des nôtres.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant