Chapitre 84

3 1 0
                                    

Enfin Nicoleï reconnaissait les abords de la mine. Deux jours de marche sous une pluie battante ! Claquant des dents, il s'arrêta et s'ébroua. Ses ailes étaient si lourdes, si gorgées d'eau qu'il lui était impossible de voler.

La pluie s'était arrêtée quelques minutes plus tôt, une bénédiction. D'un coup d'œil, il vérifia la présence des quatre petits près de lui. Plumes Violettes était là – il l'avait baptisée Scratch à sa façon de faire crisser son bec – son frère Plumes Bleues – Scritch lui, parce qu'il crissait un peu plus aiguë – grattait les feuilles mortes à ses côtés. Plumes Vertes, il ne lui avait pas encore trouvé de nom. Le plus calme des quatre, celui-là. Et pourquoi pas Vertillo ? Il était monté sur ses bottes pour être au sec et Nicoleï ressentit un élan de sympathie pour la petite boule de plumes.

Restait Grisou – Plumes Grises. Le casse-cou de la bande, qui lui donnait bien du fil à retordre. Son comportement aurait scandalisé Axel. Il était comme ce gaz dans les mines, inodore, qui pouvait exploser à tout moment. Il suivait généralement le groupe, mais il suffisait que Nicoleï le lâche des yeux deux secondes et...

Nicoleï jura et tourna sur lui-même. Vertillo piailla en tombant au sol, bouscula Scritch qui lui bondit dessus en représailles avant que Scratch ne se joigne à la mêlée générale.

Mais où était Grisou ? Nicoleï fouilla les alentours du regard tout en extirpant Scratch puis Scritch de la mêlée.

— Arrêtez donc ! dit-il comme ils s'agitaient en grondant de plus belle. Cherchez plutôt votre frère, au lieu de vous arracher les plumes.

Un grondement sourd monta de Scratch et Nicoleï sourit. À la fois pénible et adorable, celle-là. Scritch renifla – ça pouvait renifler, un oiseau ? – pour marquer sa désapprobation. Vertillo se redressa et émit un couinement outragé à la vue de la boue et des morceaux de feuilles qui maculaient son plumage. Un sifflement moqueur s'éleva et Nicoleï redressa la tête. Grisou ! Il était allé se percher sur une branche toute proche, bien trop haut pour qu'il puisse l'attraper en tendant les bras.

— Descends de là ! gronda Nicoleï. Tu dois rester avec le groupe, ou par Eraïm, je ne vais jamais m'en sortir !

Avec les épais nuages qui masquaient le soleil, Nicoleï n'arrivait pas à savoir quelle heure il pouvait bien être. Il avait faim, mais comme il avait faim en permanence depuis qu'il avait épuisé ses réserves de nourriture, ce n'était plus un repère fiable. Le ciel n'était-il pas un peu plus sombre ? Il était si fatigué, la nuit ne devait pas être loin. Fallait-il pousser jusqu'à la mine ou se reposer ? Dans la mine il ferait plus chaud, ils seraient à l'abri des intempéries, aussi... mais les mineurs, seraient-ils des alliés ou des ennemis ? Ils avaient refusé de l'aider, la dernière fois, sans toutefois le dénoncer. Depuis... il avait quand même éventré le bâtiment où ils logeaient et possiblement tué les contremaitres. Les mystérieux Bénis avaient-ils envoyé de nouveaux hommes, ou lui avaient-ils tendu un piège ?

Nicoleï éternua et frissonna de nouveau. Il avait si froid ! Et faim, aussi. Les petits se pressèrent soudain autour de lui, gagnés par une étrange excitation. Nicoleï les gratifia de caresses pour les rassurer. Il avait beau être fatigué, les oisillons comptaient sur lui. Il était responsable d'eux. Un éclair d'inquiétude le traversa comme il réalisait qu'il n'avait pas pris garde à brouiller leur piste. Les impériaux s'étaient-ils lancés à leur poursuite ? Ils avaient forcément dû constater leur disparition, les hommes qu'il avait ligotés avaient dû parler, le décrire. Ils feraient rapidement le lien avec les Mecers qui avaient été vus au village Deux. Les ailés ne couraient pas les rues, sur Niléa. Ni les forêts d'ailleurs. Il retint un gloussement et porta la main à son front glacé. La situation n'avait rien de drôle. Il devait se réchauffer, trouver comment faire un feu dans ce sol détrempé... une mission impossible. Au moins les petits ne semblaient pas souffrir du froid. Qu'est-ce qu'il aurait aimé être comme eux...

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant