Chapitre 40

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Contrarié d'être sans cesse contredit par Nicoleï, Axel chercha à s'apaiser en optimisant sa trajectoire. Voler était toujours un moment agréable, surtout dans un cadre aussi enchanteur. Il inspira à pleins poumons. L'odeur des résineux emplissait l'atmosphère, lui rappelant la maison familiale sur Massilia, elle aussi au cœur d'une forêt de conifères. Il espérait que tout se passe comme prévu, qu'il puisse retrouver ses sœurs. Il espérait que Telclet se réveille de ce grand sommeil, surtout.

Avec effort, Axel se concentra sur l'horizon. Le vent avait forci, poussant d'épais nuages devant le soleil. La nuit tomberait plus vite, ce soir. Ils devraient optimiser leur temps. Le Rocher Brisé était bien visible, maintenant. Il était tentant de s'en servir de guide, de filer droit vers lui.

Pour l'instant, il n'en voyait rien d'autre qu'un bloc de roche brisé, avec une faille suffisamment grande pour qu'il y tienne de profil. Les arbres étaient plus rares, seule une végétation rase persistait par endroits.

Rien pour se cacher, donc, nota Axel.

Et ce qui était valable pour eux était aussi valable pour Solarys. Une pensée réconfortante, quelque part. Il balaya le paysage, chercha l'entrée d'une grotte, des traces récentes de feu... ne vit rien qui sortait de l'ordinaire. Perplexe, Axel se posa près d'un immense épicéa. Il n'y avait personne et le soulagement vint l'envahir. Redoutait-il Solarys à ce point ? Il fallait croire que oui. Il frissonna.

Nicoleï se posa à ses côtés, lui aussi dubitatif.

—On est vraiment sûr qu'il soit passé par ici ?

—L'endroit ressemble à ce que nous a décrit Tabatha, en tout cas.

Ils s'aventurèrent sur le rebord de la falaise, n'hésitant pas à marcher sur le bord vertigineux. Rares étaient les ailés à avoir le vertige et ils ne craignaient pas la chute.

—Rien ne semble avoir été dérangé, maugréa Nicoleï, clairement déçu.

Axel ne répondit pas, continua son inspection. Tout semblait normal, néanmoins... quelque chose n'allait pas. Il ramassa une branche de sapin.

—Il est venu ici.

—Comment ?

—C'est du sapin, et ici, c'est un épicéa. Regarde comme les aiguilles sont disposées sur un seul plan.

—Je sais reconnaitre un sapin d'un épicéa, merci, rétorqua Nicoleï, piqué.

—Alors que fait-elle ici ?

Nicoleï pinça les lèvres.

—En effet, c'est étrange... quel intérêt aurait-il eu à la laisser ici ?

—C'est un herboriste. Il en avait peut-être ramassé plus tôt pour l'une de ses potions ou autre. Nous ne sommes pas plus avancés, résumé Axel en se massant les tempes. Et plus nous progressons, plus nous nous éloignons des zones habitées. Je doute qu'il s'agisse d'une coïncidence.

—On fait quoi ? demanda Nicoleï, direct à son habitude.

—Inspectons les lieux, cherchons une trace, un indice, quelque chose, proposa Axel.

Ils quadrillèrent minutieusement le secteur. Les graviers qui roulaient sur le sol n'avaient gardé aucune empreinte ; par contre, l'écorce de l'épicéa était éraflée – à une hauteur suffisante pour ne pas avoir été causée par un animal – et certains rochers étaient dépourvus de terre, comme si on les avait époussetés.

—Je descends, avertit Axel.

Il attendit de voir Nicoleï acquiescer avant de sauter dans le vide, s'immobilisa en face de la paroi rocheuse. Il n'avait pas vu de passage, mais peut-être y avait-il une faille, un endroit... là. En deux battements d'ailes, Axel prit appui sur une petite saillie rocheuse, vingt mètres en contrebas, devant une ouverture étroite et sombre. Il tendit la main, fit apparaitre une flamme et aperçut un cercle de pierres et des cendres. Une couverture trouée était tassée dans un recoin. Il s'avança avec prudence, jusqu'au fond de l'étroite pièce, découvrit que deux autres boyaux prolongeaient la petite salle. L'un d'eux était clairement impraticable, avec son diamètre à peine plus grand que ses deux poings. L'autre, par contre... Axel leva la main pour essayer d'en apercevoir davantage, puis renonça. L'obscurité était trop profonde.

Il revint sur ses pas, décidé à prévenir Nicoleï. Même s'il brûlait d'envie de remonter cette piste, le faire seul était trop risqué. La caresse d'un souffle d'air sur son cou le surprit ; avant qu'il puisse se retourner, une masse cogna sa tête et tout devint noir.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant