Chapitre 63

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Les épaules d'Axel s'abaissèrent et Lucas se tendit. Satia avait beau l'avoir prévenu que tout se passerait bien, il n'arrivait pas à se défaire d'un sombre pressentiment.

Tu t'inquiètes trop, fit Iskor.

Tu les as trouvés ?

Oui. J'attends que vous en ayez terminé avant de vous les amener.

Lucas reporta son attention sur son fils et son épouse. Axel luttait contre lui-même, c'était évident. Satia avait trois ans de plus lorsqu'elle s'était transformée la première fois et il s'agissait de circonstances exceptionnelles où sa vie avait été en jeu.

Là... Axel était face à un ennemi intérieur plus complexe. Son manque de confiance, son désir de vouloir se conformer à ce qu'il croyait être son destin, son admiration pour Surielle, sa sœur ainée, son envie secrète d'être exceptionnel, lui aussi. Se sentir aussi impuissant à lutter contre Solerys avait du être terrible pour son estime.

D'après Satia, se transformer était le seul moyen pour lui de se purger de toutes les drogues et poisons que ce Solerys avait pu lui faire ingérer.

Lucas se força à rester concentré sur Axel. Il avait trop envie de tuer Solerys pour se faire confiance.

Je retiendrai ton bras, tu sais ?

Sous le commentaire amusé d'Iskor, Lucas discernait sa rage froide contre le traitement imposé à Telclet.

Comment va-t-il ?

Séliak attend le feu vert de Satia pour agir. Son Lié doit d'abord résoudre ses problèmes avant de le soutenir.

Lucas partageait cet avis. Ils auraient besoin de temps, tous les deux, pour digérer ce qui leur était arrivé. Des épreuves qui les rendraient plus forts, même si Lucas aurait préféré qu'elles leur soient épargnées.

Le front plissé par la concentration, Axel avait fermé les yeux. Son corps était raide et Satia tenait toujours ses mains, comme pour le rassurer et l'encourager. Elle avait toujours veillé sur leur fils avec une attention particulière, lui transmettant ses connaissances avec patience, méthode et bienveillance. Axel avait su lancer une boule de feu bien avant ses premières leçons d'escrime et il devait avouer qu'il en avait été le premier vexé.

Un brusque appel d'air et Lucas sourit, soulagé. Axel avait réussi, s'embrasant comme sa mère, des pieds à la pointe des ailes. C'était un spectacle impressionnant, l'inspiration brève des Niléens près de lui en témoignait.

— Eraïm, murmura Kenog. Tous les utilisateurs du Feu peuvent faire ça ?

— A ma connaissance, c'est réservé à ceux chez qui le Don s'exprime pleinement, répondit Lucas.

— Il n'y a rien de similaire dans les Vents.

— Se transformer en courant d'air aurait bien des avantages. J'ai entendu dire que les plus grandes Maitres des Vents savaient se déplacer comme des ailés en se laissant porter par les Vents.

— Vous êtes bien renseigné, Veilleur. C'est une capacité qui demande un long apprentissage et une concentration sans faille. Ce n'est pas inné comme ce Feu.

— Il lui faudra du travail avant de réussir à garder sa forme ardente plus de quelques secondes, répondit Lucas.

Il se figea. Quelques secondes, oui, c'était le résultat auquel s'attendait Satia.

Sauf qu'Axel était toujours enflammé.

Il y a un problème, transmit-il à Iskor.

Ses émotions le submergent, confirma le phénix.

Un rugissement s'échappa de la gorge d'Axel, qui fit volte-face vers la maison en flammes.

Quelque chose ne collait pas, décida Lucas.

Satia peut faire quelque chose ?

Non, les toxines de Solerys ont été réduites en cendres. Le choc de réaliser à quel point il a été manipulé et comment il aurait pu l'éviter lui a fait perdre le contrôle.

Nous ne pouvons plus attendre. Dis à Séliak de soigner Telclet. Lui seul lui permettra de recouvrer la raison.

J'espère que tu as raison, marmonna le phénix. Je n'aimerai pas devoir le blesser.

Lucas sentit un frisson glacé descendre le long de son échine. Les flammes redoublaient d'intensité et une partie du toit s'effondra avec fracas.

Quel était le but d'Axel ?

A côté de Maitre Kenog, Solerys avait pali.

— Où sont les villageois ? demanda Lucas.

— Nous n'en avons vu aucun durant notre combat, répondit Kenog comme Solerys, le regard fixé sur les flammes, ne répondait pas.

Lucas hésita. Il lui serait facile d'aller vérifier d'un battement d'ailes, sauf qu'il répugnait de laisser Solerys à la seule garde de Maitre Kenog.

Satia s'approcha, fit disparaitre ses flammes avant de s'envelopper dans la cape qu'il lui tenait prête.

— Vas-y, je garde un œil sur Solerys.

— Et Axel ?

Elle pinça les lèvres.

— Il ne m'écoutera pas. Il a pris conscience que s'il avait su tout ça, il aurait pu briser l'emprise de ce Solerys bien plus tôt. Il est très en colère, et une partie de sa colère est dirigée contre moi.

Il y avait de la tristesse dans sa voix. Avec douleur, il l'enlaça.

— Tu ne pouvais pas savoir. Et tu ne peux le protéger de tout.

— Je sais. C'est juste tellement... difficile de le voir souffrir ainsi.

Lucas refusait de la peiner davantage ; il posa néanmoins sa question.

— Et s'il ne parvient pas à se reprendre ?

Elle releva ses yeux violets vers lui et son cœur se gonfla d'amour. Elle était la meilleure chose qui lui soit arrivé, avait bouleversé le cours tranquille et bien défini de sa vie. Elle posa une main sur sa joue.

— S'il n'y arrive pas, j'interviendrai.

A l'intonation de sa voix, Lucas comprit qu'il n'aimerait pas.



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