Chapitre 13

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« C'est la souffrance des ombres qui sont ici, qui
peint sur mon visage cette pitié. »
- Dante Alighieri, L'Enfer.

Calliope

Trois semaines qu'il mangeait avec nous le soir. De temps en temps, Hadès restait dormir sur le canapé avant de repartir au petit matin pour gérer « ses affaires d'un mortel ennui » comme il aime les appeler.

Ce soir, sa présence ne manque pas à l'appel. Hadès est arrivé il y a un peu plus d'une heure et il m'aide à préparer le repas en attendant le retour de Pandore.

Jamais je n'aurai cru qu'il mettrait la main à la pâte, étant habitué à ce que tout lui tombe dans la main. Pourtant, c'est quelque chose qu'il fait avec nous le plus souvent possible. Je me souviens encore du premier soir où il a voulu préparer le repas tout seul. Ça a été une véritable catastrophe, et j'exagère à peine. Il était sorti de la cuisine couvert de sauce et de farine, avec un plat étrange dans les mains. L'intention a été là mais l'apparence... Je ne sais toujours pas si cela ressemblait plus à du vomit ou à une bouillie visqueuse empoisonnée. Avec Pandore, en un regard, on a décidé de commander chinois à la place mais en tournant ma tête vers Hadès, je nous ai trouvées horribles. La petite lueur de fierté dans ses magnifiques yeux bleus s'était éteinte, tout comme son humeur légère et enjouée. Il avait fait l'effort de cuisiner pour nous, et c'est comme ça qu'on le remerciait. Alors, j'ai pris une fourchette et j'ai goûté au plat empoisonné – slash – vomi. En réalité, c'était un gratin d'aubergines à la fêta, mais, entre nous, le goût y était pas du tout. Les aubergines n'étaient pas assez cuites, la sauce tomate trop sucrée et la fêta n'arrangeait rien au goût et rendait le tout très âpre. Comme une grande fille, j'ai tout avalé et souris gentiment en retour, mais au fond de moi, je me voyais déjà m'effondrer au sol, empoisonnée. Il m'a renvoyé mon sourire mais l'ambiance était plus aussi détendue qu'avant. J'allais replonger ma fourchette quand il m'a stoppée. Il s'était finalement rendu compte que son plat n'était définitivement pas comestible rien qu'à l'aspect et l'odeur. Il a alors approuvé l'idée de commander chinois et on s'est empiffrés de nems et beignets de crevettes tout le reste de la soirée. Surtout Hadès, il n'avait jamais mangé de la cuisine asiatique alors avec Pandore, on a commandé un peu de tout.

Après ce fiasco, j'ai cru qu'il allait se décourager, mais loin de là, au contraire. Le soir suivant, il a demandé à Pandore s'il pouvait cuisiner à nouveau pour nous trois. On a accepté à condition qu'on l'aide au début. C'est pourquoi, là de suite maintenant, je me retrouve seule avec Hadès dans la cuisine en train de l'aider à la préparation de keftedes, des boulettes de viande au citron, une spécialité grecque.

J'ai eu l'idée quand j'ai vu s'ouvrir une page de pub sur mon ordinateur qui vantait les délices de cette recette. Alors quand Hadès a su ce qu'on allait préparer ce soir, son visage tout entier s'est éclairé. Et bon Dieu, j'ai bien failli m'évanouir. Il est encore plus beau quand il sourit. Ses yeux bleus acier se plissent légèrement et une fossette apparaît sur le côté gauche. Le rouge aux joues, je me suis détournée rapidement et je suis vite allée chercher les ingrédients.

Notre relation aussi a évolué. Terminé le rejet et la froideur que ce soit dans ses gestes ou paroles. Désormais, il rigole avec moi et semble beaucoup plus détendu. Mais parfois, je le voyais. Ce regard rempli de tristesse et de douleur. La lueur de détresse est fugace mais je la perçoit que trop bien. J'ai exactement la même quand je repense à ma mère.

Le pire, c'est que je sais que c'est de ma faute. Du fait de ma ressemblance avec Perséphone. Je ne trouve jamais le bon moment, s'il t'en est qu'il y en ait un, pour lui dire pardon. Pardon pour tous les maux que je lui inflige et que je lui infligerais sans doute le reste de ma vie. Enfin, sans doute moins quand je serai toute fripée.

Les dieux de l'Olympe - T1 Perséphone (1ère personne) [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant