Chapitre 29

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« Qui sourit n'est pas toujours heureux.
Il y a des larmes dans le cœur qui
n'atteignent pas les yeux. »
- Jane Austen.

Hadès

Je me réveille aux côté de Cerbère. Peut-être qu'un jour je l'appellerais ma tendre Cerbère. Je sais au fond de moi que ça n'arrivera pas mais je prie tellement fort pour que ça arrive.

J'ai envie d'offrir mon amour à Cerbère, elle le mérite.

Pourtant, j'en suis incapable pour le moment. Sans doute mes sentiments changeront à la naissance de notre enfant. Pour le moment, elle reste Cerbère, la Gardienne des Enfers et la mère de mon enfant. Et le seul sentiment qu'elle me procure, c'est un profond respect.

Je sors silencieusement de la chambre pour ne pas la réveiller et me dirige vers mon bureau.

Les mots de Pandore dansent encore dans ma tête. Sa trahison envers mon intégrité et mon orgueil a eu raison de notre amitié et plus jamais je ne veux l'avoir en face.

Mais, qui lui restera-t-il quand Calliope sera partie ?

Mon cœur se serre, fragile, stupide et attaché à ces deux femmes. Toutefois, je barricade mes sentiments en pensant à ses mots. Elle a osé me dire que mon enfant est un mensonge. Que jamais il ne verra le jour.

Je pousse la porte du bureau et remarque qu'un petit-déjeuner et une ardoise m'attendent. J'ignore les petits plats sucrés et prends la tablette dans les mains.

Je contemple en silence les notes de Charon, le plus fidèle de mes compagnons. Il s'occupe de faire passer les âmes d'une berge à l'autre du Styx. En voyant les chiffres sous mes yeux, il faut croire que les âmes sont de plus en plus généreuses.

Je me tourne pour aller vers la fenêtre et mon pied glisse sur une feuille. Je la ramasse et reconnais qu'il s'agit de celle de Pandore. Je la fourre dans un tiroir et le ferme.

Je repars de mon bureau. Je passe de couloir en couloir, pousse les portes en direction du Tartare. L'air chaud me caresse le visage. Je regarde l'ardoise de Charon et me téléporte au-delà du Tartare, en direction de l'arrivée des âmes.

J'ai du boulot et rien ne doit me perturber.

* * *

Trois mois se sont écoulés depuis la visite de Pandore. L'hiver est sur le point de toucher à sa fin et je suis toujours aussi malheureux. J'ai gagné un enfant, mais à quel prix ?

J'ai perdu les deux amies qui comptaient le plus dans ma vie. J'ai hérité d'une compagne que je n'aime pas et qui m'horripile.

Je ne me vois plus gagnant dans cette histoire. Je ne pense plus qu'à Los Angeles. À Pandore. À Calliope. Je me suis rendu plusieurs fois devant la porte de leur appartement mais je n'ai jamais eu le courage de frapper. Parfois, je reste ce qui me semble une éternité et j'entends les bruits étouffés de la télé et de leur rire. J'ai aussi ressenti à plusieurs reprises de légères caresses sur un des passages que j'ai offert aux deux femmes.

Je me demande qui le touche ? Je me demande ce qu'elles deviennent. Je me demande ce que devient Calliope.

Je commence aussi à m'inquiéter de ne pas voir mes sentiments pour elle diminuer. Je commence également à regretter d'avoir banni Pandore des Enfers.

Je n'ai plus personne. Je suis seul et triste. Jamais elles ne me pardonneront. Ça en est comique. Moi qui essayait de les éloigner le plus de ma vie, j'ai maintenant envie qu'elles en fassent partie intégrante.

Je suis à la fenêtre de mon bureau, perdu dans mes pensées. Le champ d'asphodèles et d'iris n'est plus qu'une étendue de fleurs fanées.

Désolation et mort.

Voilà tout ce à quoi je suis voué de répandre. Quoi de plus normal pour le Roi des Morts. Le dieu des Enfers.

Je souffle un bon coup et pose ma tête contre le verre réparé de la fenêtre. Lasse. Voilà tout ce que je ressens. Une profonde lassitude.

Je repense à la feuille de Pandore que j'ai dissimilée dans un tiroir de mon bureau. Je traîne ma carcasse devant la rangée de tiroirs et les tire les uns après les autres. Je fronce les sourcils.

Où sont-ils ?

J'étais persuadé de les avoir mis là. j'essaie de me souvenir des paroles des Moires, de Pandore, en vain. Et je ne peux même pas contacter ni l'une ni l'autre. Les unes prendraient un malin plaisir à me tourmenter quand l'autre me claquerait simplement la porte au nez, ce qui est compréhensible.

Je commence à perdre patience quand j'entends la porte de mon bureau s'ouvrir. Je sors la tête des tiroirs et me lève pour accueillir Cerbère.

– Bonjour ma chère. La nuit a été bonne ?

– Très bien, le bébé s'est montré docile.

Je me crispe à ces mots. Docile ? Il n'est pas encore né qu'il doit déjà l'être. Ce bébé va avoir besoin de moi. Je ne peux pas l'abandonner. Je referme le premier tiroir et laisse s'envoler mes espoirs derrière-moi.

– Pourquoi es-tu parti de si bonne heure ce matin ? Tu me fuis ?

Je regarde Cerbère s'avancer vers moi d'une démarche sensuelle. Je ne peux m'empêcher de regarder son ventre ventre rond.

Ça ne peut pas être faux.

– Non, comment pourrai-je te fuir ?

Je déteste mentir.

– J'avais juste beaucoup de travail.

– Tellement de travail que tu te caches sous ton bureau ?

Je hausse les épaules. Je n'ai aucun argument pour répondre à cette légère pique.

– Tu sais, ce n'est pas avec ce comportement que tu verras ton enfant.

Je me crispe. Elle n'oserait pas me faire du chantage ?

– Comment sauras-tu tout ce qu'il lui faut si tu restes enfermé en permanence ? Et moi ? Tu as pensé à moi ? Je dois déjà le porter pendant neuf mois. Je ne vais pas en plus devoir le surveiller en permanence.

Encore et toujours elle. Quand cessera-t-elle de se soucier d'elle ? Quand arrivera-t-elle à penser aux autres ? Je serre et desserre mes poings, essayant de me calmer.

C'est donc ça ma vie maintenant ? Me souffle ma conscience.

J'essaie de faire au mieux, d'être déjà là alors que je ne l'aime pas. Je ne supporte plus sa vision. Elle me dégoûte.Sa beauté fatale est désormais répugnante. Je ne veux plus voir ce corps de femme enceinte. Je ne veux plus d'elle ici.

Je ne veux que Calliope. Mais elle n'est pas là et ne le sera jamais.

À contre cœur, je lui réponds d'une voix monotone.

– Je vais faire des efforts. Pardonne-moi.

Satisfaite, Cerbère hoche la tête et sort de mon bureau. Une fois la porte fermée, je m'affale dans mon fauteuil, les larmes aux yeux.

Je ne suis qu'un fantôme, qu'une marionnette et je dois m'y faire. Mon âme cesse de se débattre dans les flots et je coule. Les abîmes de l'océan m'accueille dans une réconfortante noirceur.

Il fallait bien que je me noie un jour ou l'autre.

Les dieux de l'Olympe - T1 Perséphone (1ère personne) [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant