Chapitre 1 - Partie 1

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          Dring, dring, dring...

          Par pitié, arrête de sonner ! Je suis en plein milieu d'une conversation importante avec mon supérieur. La vie d'un patient est en jeu. Son intervention, ses antécédents qui peuvent nous gêner durant l'opération sont plus importants qu'un maudit coup de fil ! Pourquoi ne t'ai-je pas mis en silencieux ? Ah oui ! C'est vrai ! Je suis interne et dès qu'on m'appelle, je dois répondre.

          Dring, dring, dring...

Vous devriez répondre. Cela pourrait être l'hôpital, m'intime mon boss.

Désolée, m'excusé-je en attrapant à mon téléphone.

          À la vue du nom de mon interlocuteur, je sens mon étonnement s'imprimer sur mon visage. Un bref coup d'œil et un rapide "désolée" envers mon enseignant sont suivis par mon éloignement. Alors que je décroche, je ne peux cacher la surprise qui tinte ma voix.

— Monsieur le Maire ?

— Mademoiselle Dunn, m'apostrophe-t-il. Je suis navré d'être celui qui doit vous annoncer cette terrible nouvelle mais votre tante est dans un bien triste état pour le faire. Votre père, Clark, est décédé cette nuit. Je vous présente toutes mes condoléances, dit-il solennellement. Votre père était un homme formidable et je vous assure que toute la ville vous porte dans son cœur et qu'elle est dévastée par la mort d'un membre de la plus ancienne famille fondatrice.

          À cette déclaration, aucun son ne sort de ma bouche, non par tristesse mais par soulagement. Toute la rancœur accumulée à son égard, au cours de ces dix dernières années, peut enfin s'échapper. Justice a été rendue. Il n'a eu que ce qu'il méritait. Oui, il était mon père mais ce qu'il a fait est impardonnable et indigne de la tant renommée famille Dunn, qui représente autant pour la ville.

          Mon ancêtre, Lewis Dunn, s'est installé à Kingston Springs avec sa famille en 1807. Il a reçu ces terres pour service rendu lors de la révolution américaine. Depuis, notre famille a toujours été traitée avec respect. 

— Nous allons honorer votre père lors de ses obsèques. Toute la ville sera présente et j'espère réellement que vous pourrez vous libérer, m'informe le Maire de Kingston Springs.

— Bien sûr. Ce serait un sacrilège de ne pas lui rendre hommage, réponds-je avec un subtil sarcasme dans ma voix.

          Et voilà comment dans la même journée je me retrouve de retour au bercail. 

          Je sors du taxi avec appréhension et regarde autour de moi. Rien n'a changé dans la rue dans laquelle j'ai grandi. Les bâtiments sont les mêmes. La seule différence ? Les antennes réseau. Elles sont plus sophistiquées qu'à l'époque.

          Au moins, je pourrai continuer à travailler et avoir des nouvelles de mes patients. C'est déjà ça. J'ai pris quatre jours de congés. Autrement dit, j'ai perdu quatre jours de mon internat et croyez-moi, c'est énorme quand la compétition est de taille. Seule une place de médecin sénior est à pourvoir au sein de ma spécialité, la chirurgie thoracique.

          Je n'arrive pas à croire que je sois revenue. Je paie le taxi et traverse la rue, cette longue et large avenue, où de grands arbres, majoritairement des saules pleureurs et des bouleaux, surplombent ses côtés. Ils la laissent ombragée avec quelques rayons de soleil rappelant l'arrivée de l'été. Des employés mettent en place des guirlandes lumineuses, certainement en vue de la fête du 4 juillet.

          Lorsque j'étais plus jeune, il commençait tout aussi tôt à les installer, laissant présager une magnifique fête aux couleurs de notre pays. Elle est l'une des fiertés de Kingston Springs, d'où le budget colossal qui lui est accordé. Les touristes viennent de loin pour admirer notre ville qui ressemble à un sapin de noël. Je ne peux pas les blâmer. Petite, mes yeux s'illuminaient à sa vue, me laissant rêveuse durant de nombreuses nuits. La ville ressemblait à une scène de conte de fées mais le temps m'a appris qu'il ne fallait pas se fier aux apparences.

Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant