Moïra - Tome 1 : La Malédiction des Dunn

Chapitre 13 - Partie 1 (Jordan)

          Je savais que ce n'était pas une bonne idée qu'elle reste à Kingston Springs. Tout a changé pour elle, ainsi que pour nous quand elle a décidé d'y aller. Elle avait réussi à laisser derrière elle tous les mauvais moments qu'elle avait endurés quand elle était jeune. Bien sûr, elle pensait toujours à sa mère, surtout lorsqu'on évoquait les sujets du mariage ou des enfants. Elle aurait aimé qu'elle soit là pour les évènements importants de sa vie.

          Le jour où je l'ai rencontrée était le jour des résultats de choix des internats. Alors qu'elle devait fêter son admission à John Hopkins avec Ashley, les parents de cette dernière avaient débarqué sans prévenir. Ils avaient, bien sûr, proposé à Beth de dîner en leur compagnie mais elle avait refusé. La famille, c'est important surtout lorsqu'elle est encore là.

          Je suis heureux qu'elle ait refusé, même si on se serait quand même rencontrés à l'hôpital. Les choses auraient peut-être été différentes au vu des circonstances. Nous n'aurions peut-être pas pris le risque d'être confrontés au regard des autres sans se connaître. C'est Beth qui en a le plus subi les conséquences. Les autres parlaient derrière son dos, évoquant notre relation et comment elle était pistonnée pour être sur les meilleures interventions. La vérité, c'est qu'elle bossait dur et les autres en étaient jaloux.

          Même si elle a décidé de me quitter, même si elle a dit qu'elle ne m'aimait plus, je ne peux y croire. Tout allait parfaitement bien entre nous. Elle était censée revenir à Baltimore. Quelque chose ne va pas et je parie que ça a un lien avec les histoires sur la famille de Beth. Je ne suis pas croyant. Je ne l'ai jamais été. Habituellement, je balaie d'un rire ce genre d'histoires loufoques. Il en est de même pour Beth, sauf à présent. Je ne crois pas en Dieu mais je crois en Beth. Si elle est autant perturbée par cette histoire, c'est qu'il y a une raison.

          Je suis sur le perron de la bâtisse des Dunn. Je sonne et, quelques secondes plus tard, Charles, le majordome, m'ouvre la porte et m'invite à entrer.

— Monsieur Rothermere. Quel plaisir de vous revoir mais je dois vous avouer que ce n'est pas le meilleur moment, se confond en excuse Charles.

— Appelez-moi Jordan. Quelque chose ne va pas avec Beth. Je suis venu la voir pour discuter.

— Je suis désolé Monsieur Rothermere. Mademoiselle Dunn n'est pas là. Elle est partie très tôt ce matin.

— Où ça ? m'étonné-je.

— Mademoiselle Dunlop va vous faire part de ce qu'elle sait. Elle se trouve dans la chambre de Mademoiselle Dunn, m'informe-t-il.

— Merci Charles.

          Je monte les escaliers blancs avec empressement. Je ne comprends pas pourquoi Beth serait partie et surtout où. La seule raison pour laquelle, elle n'est pas à Baltimore c'est qu'elle souhaitait rester ici. Tout cela n'a aucun sens. Je rentre dans la chambre de Beth. Ashley est allongée sur le lit, les larmes aux yeux, regardant son téléphone.

— Ashley ? m'inquiété-je.

— Jordan ! Elle est partie sans me dire au revoir, s'effondre Ashley.

— J'étais sûr que quelque chose se tramait. Raconte-moi tout dans les moindres détails. Et surtout dis-moi où est allée Beth, la pressé-je.

— C'est une longue et incroyable histoire et pas dans le bon sens du terme crois-moi.

— J'ai tout mon temps.

— D'accord mais tu dois garder l'esprit ouvert.

          Plus l'histoire se déroulait, moins j'en croyais mes oreilles. Lorsque les amis de Beth nous avaient raconté la légende de la malédiction des Dunn, je l'avais prise à la légère. Pour moi, il était tout à fait inconcevable que cela puisse être la réalité. Il semblait s'agir juste d'une histoire qui effrayait les enfants. Le Diable n'est pas quelqu'un de bien. Il est vicieux, indigne de confiance et manipulateur. Il était question de tourner les enfants vers Dieu, que leurs actes soient bons. Madame Greenwich leur racontait cette histoire et le dimanche, le sermon du Révérend complétait leur éducation.