Moïra - Tome 1 : La Malédiction des Dunn

Chapitre 22 - Partie 1 (Elisabeth)

          Le moment passé avec Sarah a été éprouvant mais informatif. J'ai maintenant toutes les cartes en main pour pouvoir élaborer un plan. Malgré ma réticence, une partie au fond de moi sait que c'est la bonne décision et que j'en suis capable. 

          Mon côté le plus sombre ne ressent aucun état d'âme. Il souhaite mettre un terme à cette mascarade, aussi bien pour moi que pour l'Olympe et le monde dans lequel nous vivons. Cependant, une autre partie ne cesse de se remémorer le serment que j'ai prêté "je ne provoquerai jamais la mort délibérément". Visiblement, il y a toujours une exception à la règle. 

          Après tout, Hadès n'est pas humain, le serment d'Hippocrate s'applique aux êtres humains. Bien sûr, ce n'est pas explicit mais sous-entendu. Du moins, c'est ce que je tente de me faire croire. Les mots "êtres humains" ne sont pas employés mais le mot "personnes" l'est. 

          Hadès est une personne. Si j'entreprends ce que j'ai décidé, je manquerai à mon devoir. Je perdrai une partie de moi-même.

          Je me sens épuisée et suis prête à dormir lorsque j'entends une voix, que je ne connais que trop bien, m'appeler. Jordan. Mon amour. Le temps que je sorte de la chambre, je l'entends crier mon prénom plusieurs fois.

— Jordan ?

— Beth !

— Jordan !

          À sa vue, je lui saute dans les bras. Après quelques secondes, il se détache pour pouvoir m'embrasser passionnément. Le baiser est impatient et frénétique mais quelque chose me dérange. Il n'est pas comme ceux de d'habitude. Il est plus agressif, plus animal. D'un sens, comment peut-il ne pas l'être ? Il pensait m'avoir perdue.

— C'est si bon de te revoir et de te serrer dans mes bras. J'ai eu tellement peur. Je croyais que je n'allais plus jamais pouvoir reposer mes yeux sur toi, me dit Jordan, d'un air soulagé.

          Il me reprend dans ses bras. Il a eu peur. Au début, je pensais également ne jamais le revoir. J'étais pleine d'incertitudes. J'imagine que lui aussi. Il a dû essayer de comprendre ce qui m'est arrivé. Ses convictions ont été ébranlées. Ça a dû lui faire un choc.

          Je regarde autour de moi. Héra m'a dit qu'Ashley était également présente lors de leur périple.

— Où est Ashley ? Elle n'est pas venue avec toi ?

— Ashley ? Non, elle nous attend aux portes des Enfers. C'était mieux. Une personne est plus discrète que deux.

— Oui c'est sûr. Jordan. Je ne peux pas partir maintenant. J'ai une tâche à accomplir. Il faut que tu t'en ailles. Si Hadès te trouve ici, il te tuera. Crois-moi.

          Il me remet une mèche de cheveux derrière mon oreille, me sourit tendrement et son front contre le mien.

— Ne te soucie plus d'Hadès. Il est parti.

— Comment ça ?

— Je l'ai jeté dans le Styx, m'assure-t-il.

— Comment as-tu su que ... ?

— J'ai fait mes recherches. Je suis un scientifique après tout.

— Mais comment as-tu ... ?

          Il me coupe la parole en m'embrassant et encore une fois, la sensation de ses lèvres sur les miennes est différente. La dissemblance va bien au delà de l'intensité des baisers. Ce n'est pas normal. Je connais ceux de Jordan par cœur. Ce ne sont pas les siens. Je le repousse violemment.