Chapitre 19 - Partie 2 (Elisabeth)

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          Hadès s'assoit confortablement sur son trône et m'invite à faire de même. Je ne bouge pas. Je reste auprès de ma mère, sa main rassurante dans la mienne. 

          À la vue de nos mains entrelacées, il lève les yeux au ciel et soupire.

— Il n'y a jamais eu de premières nées féminines dans ta famille, que des hommes. N'avez-vous jamais trouvé ça étrange ? Non, bien sûr que non. Vos petits cerveaux humains n'ont qu'une vision étriquée du monde. Enfin bref, donner trop de pouvoirs aux hommes était impensable pour ton ancêtre. Elle les trouve bien trop égoïste et assoiffés de pouvoir. C'est dingue comment l'esprit peut agir sur une grossesse, s'égare-t-il. Le destin n'a pas également pas joué en ma faveur. Près de deux siècles pour obtenir une première née.

— Arrête avec ton charabia !

— Sois patiente. Tout prendra sens. Après tout, nous serons ensemble pour l'éternité. Tu auras largement le temps de comprendre.

          Je le fixe furibonde. S'il croit que je vais rester avec lui pour l'éternité, il se met le doigt dans l'œil. Je mourrai vers quatre-vingts ans, même avant avec un peu de chance. Bien sûr, je serai morte donc je finirai au Royaume des Morts, avec lui. Merveilleux. Je n'ai aucune porte de sortie.

— Je reprends, si tu veux bien. Donc, si tu connais un peu l'histoire de ta famille, tu sais que Lewis Dunn a été élevé par son père et sa belle-mère.

— Sa belle-mère ? Marianne Dunn était la mère de Lewis Dunn, le contredis-je.

— Sur le papier, oui. Disons que la déesse a bien choisi son moment pour concevoir Lewis Dunn, juste la veille du mariage de Walter et Marianne Dunn. C'est une chance que Marianne soit tombée enceinte le soir même du mariage. Un échange de bébés à la naissance et, pouf, ton ancêtre est reconnu comme leur enfant. Je dois dire que c'était un coup de Maître.

— Quoi ? Mais c'est n'importe quoi !

— Crois-tu vraiment que je te mentirai alors que je compte sur ton ascendance pour exécuter à bien mon plan ?

— Qu'est devenu l'enfant de Marianne ? lui demandé-je, réalisant que raconter des bobards ne le mènerait à rien.

— Il a grandi avec les loups comme Romulus et Remus. Cette histoire t'est familière ? Certainement. Donc, comme tu dois t'en douter, il s'en est très bien sorti. Ne t'inquiète pas.

— Walter Dunn, était-il au courant de l'échange ?

— Bien sûr que non. Il ne savait même pas qu'il avait copulé avec une déesse. Heureusement, d'ailleurs. Cela aurait rendu mon pacte avec Lewis Dunn plus difficile à obtenir, souligne-t-il d'un air faussement soulagé.

— Qui est-elle ? La déesse qui a eu une aventure avec Walter, qui est-elle ?

          Il hésite un instant avant de me donner la réponse. Héra. 

          Son petit sourire en coin démontre son amusement face à ma réaction. Troublée et désemparée, voilà ce que je suis à cet instant. Ma vie est tout simplement sardonique, digne d'une tragédie de Shakespeare.

— C'est une blague ?! Tu es en train de me dire que la déesse qui nous a mariés est la mère de mon ancêtre ? 

— Il faut dire que l'ironie de la situation est assez amusante. Elle a marié sa descendante à celui qui veut renverser son époux. Les dieux de l'Olympe m'ont un peu trop sous-estimé. Mes pièces sur l'échiquier sont positionnées depuis un certain temps. Il me fallait juste être patient. Sous peu, je pourrai dire « échec et mat ».

          Pas un seul remord, juste une envie de gagner malgré tout le mal qu'il peut affliger. Ce n'est pas une femme pour aimer qu'il souhaite mais une pour assouvir ses désirs de vengeance et de conquête. Était-ce également son plan lorsqu'il s'est marié avec Perséphone ? Voulait-il l'utiliser dans sa guerre avec Zeus ? Je ne veux pas terminer comme elle. Je dois absolument trouver une échappatoire.

— Tu as dit qu'en tant que première née j'avais accès à certains pouvoirs. Quels sont-ils ?

— Tu as le pouvoir d'éducation. C'est pour ça que les enfants t'ont toujours écoutée, que tu étais aussi douée avec eux.

— C'est ça mon grand pouvoir ? Je demande à être remboursée.

— Chaque adulte a une part d'enfant en lui Beth. Que ce soient tes professeurs, ta tante, tes supérieurs ou même tes collègues, ils n'ont jamais rien pu te refuser. N'est-ce pas ?

— C'est parce que je ne demande pratiquement jamais rien. Du coup, lorsque j'ai une requête, ils y accèdent. Il n'y a rien d'exceptionnel, ni de magique à ça. Et puis, tu parles de ma tante mais lorsque j'ai demandé la vérité à Faith, elle n'a jamais rien dit. Donc, ton hypothèse est complètement erronée.

— Dans ce cas-ci, c'était différent. Sa volonté de vouloir de protéger était plus puissant. Comme je le disais, l'amour est un pouvoir immense mais si tu veux croire à cette version, libre à toi. Cependant, tu ne feras que te voiler la face. 

— Si j'ai ce pouvoir, comment n'ai-je pas pu te dissuader de venir me kidnapper ?

          Son sourire n'est que le reflet de sa moquerie.

— Le pouvoir est encore plus fort que l'amour. On peut en hériter mais on peut également le prendre. Une fois qu'on y a goûté, on s'y cramponne et plus rien d'autre ne compte. Je mourrai avant qu'on m'en dépossède. La volonté Elisabeth... Tu ne réussiras jamais à exercer ton don à cause de ça. Et même si je ne l'avais pas, tu ne pourrais pas m'envouter parce que je n'ai aucune part d'enfant en moi. Je suis le Maître des enfers, un dieu.

          J'ai toujours su qu'il n'était pas humain, qu'il ne réfléchissait pas comme nous. Il n'a pas de conscience, ni ne s'inquiète des répercussions qu'ont ses actes. Cependant, ses dernières paroles me font froid dans le dos comme jamais auparavant. Il est le dieu des Enfers, le Maître des Morts. Il vit parmi eux. Ils n'ont aucune attente, aucune demande. Ils le servent et cèdent à ses caprices. Hadès prend ce qu'il n'est pas supposé avoir. Il m'a voulue. Il m'a prise. Il veut l'Olympe. Il fera tout pour l'avoir.

 Il fera tout pour l'avoir

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Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant