Chapitre 10 - Partie 1

31 5 51
                                    

          Cela fait deux jours que je ne suis pas sortie de ma chambre. Je suis restée allongée sur mon lit à fixer le plafond. Manger et dormir ne sont pas d'actualité. Mes seules pensées sont dirigées vers Jordan et vers cette malédiction. 

          Tante Faith a tenté plusieurs fois de m'apporter le repas, de me faire parler. J'en suis juste incapable pour l'instant. Même Charles a essayé de me changer les idées avec une partie d'échecs. Je l'ai éconduit rapidement.

          À quoi bon ? Ma vie est apparemment toute tracée. Je ne peux rien y changer. Je n'ai pas de super pouvoirs pour riposter. Je n'en ai pas pour protéger la ville, ni mes proches, ni même moi-même. 

          La seule solution est de devenir la compagne d'un monstre. Peut-être qu'il y en a une autre mais la seule à pouvoir m'aider est Madame Greenwich. Encore faut-il qu'elle y mette du sien et qu'elle arrête avec ses énigmes mais je sais que ce ne sera jamais le cas.

          Tout le monde a toujours su qu'il y avait quelque chose de bizarre chez Madame Greenwich. Chaque conversation qu'elle tenait se finissait par une sorte de prédiction. Même la plus insignifiante se réalisait toujours.

          La plupart des adultes voyaient ces "prémonitions", que j'appelle ''pressentiments'', comme le signe que Madame Greenwich avait vendu son âme au Diable. Ils n'auraient pas pu plus se tromper. 

          Apparemment, il s'agirait plutôt d'un Don de Dieu. Est-ce que cela fait d'elle un ange ? Ou l'enfant d'un ange et d'un humain ? Est-ce que c'est possible ? Qui est-elle réellement ? Tout ça n'a pas de sens, enfin pour l'instant.

          Deux jours que je ne cesse de ressasser mes pensées. Être enfermée, loin de tout échange social, me mine encore plus le moral et je n'en deviens que pessimiste. Je suis bien loin de la Beth qui se bat pour ses patients, qui cherchent des solutions aux problèmes.

          Cette prise de conscience me force à sortir de la maison. Je dois avouer que l'air frais me fait du bien, même si je me sens tout aussi oppressée. Serena avait raison. Partir d'ici était aussi un moyen d'enterrer ma culpabilité. Bien évidemment, cela aurait été sans succès.

          Lorsqu'un patient meurt, la culpabilité est présente pendant un certain temps, même si ce n'est pas notre faute, même si on a fait tout ce que l'on pouvait pour le sauver. 

          Il y a toujours cette idée que l'on aurait pu faire plus, qu'on aurait pu anticiper. Alors quand c'est notre faute... la culpabilité ne s'en va jamais. On a beau accepter notre responsabilité et nous remettre en selle, chaque patient reste avec nous. Les bons comme les mauvais.

          Ben est la deuxième personne qui est morte par ma faute, enfin sans compter mes parents. Je pense que je ne me le pardonnerai jamais. Ben était en pleine santé. Il était très doué dans son boulot. Son café marchait extrêmement bien.

          Il aurait dû avoir la possibilité de rencontrer ses petits-enfants et peut-être même ses arrière-petits-enfants. Je lui ai enlevé ce droit, juste pour satisfaire ma curiosité. On dit que la curiosité est un vilain défaut. Ça, je pense que je peux en attester la véracité.

          La maison de Madame Greenwich n'est qu'à une centaine de mètres de la bibliothèque. Je n'y suis jamais allée auparavant. La bibliothèque était toujours notre lieu de rencontre mais aujourd'hui, elle ne s'y trouvait pas.

          Sa maison est bien différente de la bibliothèque. Elle reste simple, certes, mais elle est très accueillante. Sa façade en bois, peinte en blanc, et ses volets verts restent en parfaite harmonie avec son jardin embelli par un grand chêne, un potager et de magnifiques fleurs, allant de la rose au lys blanc.

Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant