Chapitre 18 - Partie 1 (Aphrodite)

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          Hadès est allé trop loin. Encore. Je l'avais prévenu. J'avais prévenu Zeus que cela se reproduirait. Bien sûr, on ne m'écoute jamais. Après tout, je ne suis que la déesse de l'amour et de la beauté. Je ne contrôle ni les éléments, ni le Ciel, ni les Océans, ni les Enfers. Je n'ai aucune importance, tout comme Élisabeth, qui n'en aura aucune pour Zeus. Comment pourrait-elle en avoir ? Elle est mortelle, Hadès est un dieu et le frère de Zeus. Elle n'a aucun poids face à lui.

          Je me rappelle très bien la première obsession d'Hadès. Perséphone. Jeune fille innocente dont la vie a été chamboulée par un dieu qui croit que tout lui est dû. Tout comme Élisabeth, Perséphone était tombée amoureuse d'un mortel. Elle ne voyait que par lui. Ils se rencontraient près des plaines de Nysios, sous un olivier.

          La douceur, le respect et l'amour, qui émanaient d'eux, remplissaient mon cœur de satisfaction. Leur amour faisait partie de mes plus beaux accomplissements, mais Hadès a tout gâché. Pas une once de remords. Il est simplement un enfant capricieux, qui se fiche des conséquences sur la vie des autres. 

          Cela n'arrivera plus. Je mettrai tout en œuvre pour qu'il ne brise pas Élisabeth. Sa flamme ne s'éteindra pas comme celle de Perséphone. Elle est bien plus forte. C'est une guerrière. Hadès ne gagnera pas, même si je dois briser les lois de l'Olympe en aidant des mortels. Il veut la guerre, alors il l'aura !

          L'Olympe... La plus haute montagne au monde. Je me souviens très bien de la première fois où j'ai accédé à son sommet. Quand les mortels l'observent, ils ne voient qu'une simple montagne ennuagée. Pour nous, un interminable et magnifique escalier en or massif prend place de la terre au ciel. 

          Lorsque nous atteignons les nuages, une cité féérique apparaît. Y marcher revient à flotter. Tout y est lumineux. Il n'y a ni pluie, ni vent, ni neige. Le soleil brille de milles feux sans nous blesser. Nous sommes entourés d'arbres et de plantes d'un vert pétillant : cadeau de Pan, dieu de la nature. 

          Quand les humains ont voulu décrire leur Paradis, ils n'étaient pas si loin de la vérité. L'Olympe est le Paradis, mais seulement en apparence. Il n'accueille aucun mortel. Tout n'est pas joie et bien-être mais plutôt loi, manipulation et pouvoir. Pouvoir que Zeus détient.

          Je me dirige vers la salle circulaire. Il n'y a personne en dehors. Ils doivent tous être en réunion. Encore une qui a lieu sans moi. Même si je ne suis « que » la déesse de l'amour et de la beauté, je mérite une voix dans les décisions à prendre. Après tout, je suis la fille d'Ouranos. Je suis bien plus ancienne que tous ceux qui se trouvent dans cette salle. Mon énervement passe un nouveau cap à cette réalisation. Je pousse avec violence les deux grandes portes en or macif, aux moulures délicates.

— Je suppose que c'est une réunion de dernière minute, si je n'y ai pas été conviée.

          Zeus, scrutant mon entrée, sourit à ma colère non dissimulée. Cela l'amuse. Mes tentatives d'avoir une place plus importante dans la hiérarchie sont son attraction favorite. Il ne pense pas que j'ai ce qu'il faut pour diriger. Il a tort.

— Je ne pensais pas que la résolution d'une guerre t'intéresserait Aphrodite. Tu préfères plutôt les déclencher si je me souviens bien, me titille Zeus.

— Pâris a fait son choix. Il a choisi l'amour et la beauté plutôt que la victoire ou sa souveraineté. C'est ce qui rend les mortels si humains. Tu le sais tout aussi bien que moi Zeus. L'amour vaut la peine de se battre mais il a toujours des conséquences. C'est à eux de savoir s'ils sont prêts à les assumer. Donc oui, j'ai joué ma part dans cette guerre mais je ne l'ai pas déclenchée, et je n'ai pas été la seule impliquée, si je me souviens bien.

Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant