Comment Perséphone peut-elle être présente? Elle commence à parler. Sa voix est pleine de douceur mais aussi de caractère.
— Tu dois y retourner ! Bats-toi ! Bats-toi pour nous ! Bats-toi pour toutes celles qui pourraient être à notre place ! Bats-toi pour tout ceux qui sont prisonniers sans le savoir !
— Je ne sais pas si j'en suis capable. Si j'y retourne, je serai immortelle. Je passerai ma vie à perdre tous mes proches.
Héra se tourne vers Perséphone, sans la voir. Elle fronce les sourcils. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe. Elle ramène son regard vers moi. Je dois passer pour une folle à regarder parler une personne invisible, et lui répondre.
— Tu es forte Élisabeth, bien plus forte que moi. Tu surmonteras tout ça. Le temps presse. Hadès doit être arrêté. Tu es la seule à pouvoir y arriver.
— J'ai tenté de me transformer. Je n'y suis pas arrivée.
— Beth ? À qui parles-tu ?
— Je serai avec toi Élisabeth. Je t'aiderai. Retournes-y.
Sans prêter attention à Héra, je suis la consigne de Perséphone. Lorsque ma tête remonte à la surface, je vois Hadès au bord des marches. La main était la sienne. L'enfoiré ! Il me regarde avec stupéfaction alors que Gabriel me regarde avec incompréhension. Lorsque je regarde autour de moi, tous les gens présents partagent les mêmes expressions.
Je regarde mes mains pour la troisième fois. Ce ne sont plus les miennes. Les doigts sont longs et fins, comme ceux des pianistes, accompagnés d'une paume dépourvue de plis de flexion. Merci Perséphone. Maintenant, il est temps de jouer la comédie.
— Hadès ?
— Perséphone ? Comment ?
Il est perturbé, je le vois bien. Il s'apprête à avancer vers moi lorsque Gabriel l'en empêche et lui montre l'eau. Les sentiments de tristesse et de pitié que j'avais pour lui ont officiellement disparu. Ils me donnent du fil à retordre mais je ne laisse rien transparaître et me dirige vers Hadès. Il s'est reculé. Son regard a changé. Il est méfiant. Merci, merci beaucoup Gabriel. Il n'aurait pas pu se taire celui-là ?
Je remonte les marches, une à une. Je prends un air désolé. Je compte lui montrer que Perséphone s'en veut et qu'elle a des sentiments pour lui, même si c'est entièrement faux. Enfin, je vais improviser. Je vais me battre à la déloyale et user de manipulation. Je vais le faire perdre à son propre jeu. Ses sentiments pour Perséphone sont la seule chose qui peut m'aider à l'arrêter.
— Je n'ai pas beaucoup de temps Hadès mais je devais te parler, t'expliquer, le supplié-je du regard.
— M'expliquer ? M'expliquer quoi ? Pourquoi tu t'es suicidée ? Je t'ai rendue si malheureuse ? Je t'ai tout donné Perséphone. Tout. Même si je sais que, au début, tu me détestais, tu m'as aimé. J'en suis sûr. On a passé d'excellents moments et après tu as décidé d'adopter Sarah et je t'ai dit oui parce que je me suis dit que tu voulais qu'on ait une famille. J'étais heureux mais un an plus tard, tu as tout envoyé valser. Alors, pourquoi ? se lamente-t-il.
Je regarde Hadès, la gorge nouée. Même s'il n'a pas agi de la bonne manière, il a aimé Perséphone. Elle a été son grand amour. Une voix chuchote dans ma tête. 'Je sais que ce n'est pas facile pour toi Élisabeth mais tu dois le faire. Hadès m'aime mais ça ne change rien à qui il est.' Je suis bouleversée mais Perséphone a raison. Je dois cesser de penser comme une humaine. Je dois penser comme les divinités.
— C'est vrai. Tu as tout fait pour que je sois heureuse, que je sois comblée. Malheureusement, ça n'a pas suffi. Je pensais que, avoir Sarah dans ma vie, j'irai mieux mais ce n'était pas elle le problème. Elle m'a aidé au début. Je me sentais bien mais ce n'était pas suffisant. On a passé de très bons moments mais la vérité est que, à ce moment-là, je n'étais pas tombée amoureuse de toi.
Je laisse couler une larme et m'approche d'Hadès pour lui passer ma main dans les cheveux et coller mon front au sien. Ces gestes me répugnent mais je dois le faire.
— Mais tout a changé. Mourir m'a fait prendre conscience des choses et je regrette Hadès. Je regrette sincèrement de m'être suicidée et de t'avoir perdu. Tu me manques tellement.
J'ouvre les vannes. Je ne pense qu'à Jordan, ce qui se passerait si je le perdais, mais également à ce que j'ai déjà perdu et je pleure toutes les larmes de mon corps. Je sens Hadès me prendre dans ses bras et me serrer fort. Je sais que c'est le moment. Perséphone le sait également. On s'apprête à rassembler toutes nos forces pour amener Hadès dans le fleuve mais un bruit nous interrompt.
Je tourne la tête vers la source et je vois Ashley et Jordan. Hadès semble surpris. Je suis contente de les voir mais, sans réfléchir, Perséphone et moi sommes d'accord. On n'aura pas d'autres chances. C'est maintenant ou jamais.
L'attention d'Hadès et de Gabriel détournée et leur surprise, à la vue de mon petit-ami et de ma meilleure amie, nous laissent une marge d'action plus large. Ils ne se concentrent pas sur nous. Perséphone et moi unissons nos forces, psychique et physique, pour emporter Hadès dans notre saut.
Mon geôlier ne réalise que trop tard ce qu'il est en train de se passer. Il peine à se débattre dans la seconde qui précède notre contact avec l'eau du Styx. Son regard, que je croise pour la dernière fois, est empli de haine.
Au moment où mon corps est recouvert entièrement par l'eau du fleuve, je me sens seule. Perséphone n'est plus avec moi. Je suis de nouveau dans ce cadre idyllique, où nous avons échangé pour la première fois. Avec ce qu'il s'est passé, ce petit bout de Paradis ne m'apparait plus aussi parfait que tout à l'heure. Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et Perséphone se retrouve devant moi.
— Merci Élisabeth. Merci pour tout.
— Merci à toi. Est-ce que tu es en sécurité ici ? Hadès est dans ton monde maintenant. S'il cherche à se venger, que t'arrivera-t-il ?
— Ne t'inquiètes pas pour moi. Ici, nous ne sommes qu'une pale copie de nos âmes. Nous n'avons aucun pouvoir. Tu es la seule raison pour laquelle j'ai pu t'accompagner. Tu as été le vecteur et, malgré ce que tu penses, un vecteur très puissant. Si tu as réussi à prendre mon apparence, ce n'était pas grâce à moi, c'était grâce à toi-même. Tu avais juste besoin de croire en toi. Je n'étais qu'un soutien moral. Tu as réussi par toi-même Élisabeth. Il faut que tu y retournes maintenant. Une nouvelle vie s'offre à toi.
— Oui, je suppose. Je ne sais pas ce qui m'attend maintenant. J'imagine que pas mal de choses vont changer.
— Le changement a du bon Élisabeth, m'assure-t-elle.
— J'ai été heureuse de te rencontrer même si les circonstances n'étaient pas les meilleures.
— Moi de même. Juste une chose. Dis à ma mère que je l'aime, qu'elle n'a rien à se reprocher et que je suis désolée, veux-tu ?
— Je lui dirai.
Un dernier sourire échangé alors que la fureur d'Hadès se fait entendre par un puissant rugissement. Je regarde Perséphone, inquiète pour elle. Elle lève les yeux au ciel, me sourit et me dit de rentrer chez moi. Malgré mes réticences, je fais ce qu'elle me dit. Contrairement à moi, elle ne semble pas effrayée mais heureuse et satisfaite d'elle-même, de ce qu'on a accompli.
VOUS LISEZ
Moïra - Tome 1 : La Malédiction des Dunn
FantasiKingston Springs, petite ville tranquille du Tennessee, est mon pire cauchemar. Malheureusement pour moi, elle est ma prochaine destination. Je pensais n'y faire qu'un aller-retour mais me voilà embarquée dans l'histoire rocambolesque de la ville. E...