Chapitre 23 - Partie 2 (Jordan)

7 2 4
                                    

          Toujours sous le choc de ce à quoi nous venons d'assister, aucun de nous ne bouge, le regard fixé sur l'endroit où Tisiphone a disparu. Oui elle était affreuse et repoussante mais elle nous a sauvé la vie. Si elle n'avait pas été là, nous aurions fini en pâté pour chien.

— On a été stupides de croire qu'on pouvait s'aventurer dans un lieu inconnu, où des monstres font loi, murmure Ashley.

— On n'avait pas le choix.

— Bien sûr que si. On aurait dû avoir confiance en Beth. Elle est forte. Elle aurait tenu suffisamment longtemps pour qu'on puisse se préparer. Comment peut-on la sauver si on n'arrive pas à se sauver nous-mêmes ? argumente-t-elle. On aime Beth et on est prêts à tout pour elle mais on a oublié la chose plus importante qu'on nous ait enseigné ; prendre du recul et prendre en considération toutes les variables. À présent, je comprends mieux pourquoi on ne traite jamais ses amis et sa famille. Nous ne pouvons pas être objectifs et ça peut les mettre en danger, déduit mon amie.

— Tu as raison mais on ne peut pas revenir en arrière. Aphrodite saura nous guider. Actuellement, c'est en elle que nous devons avoir confiance.

          La larme à l'œil, Ashley acquiesce avant de se remettre en route. Les sandales ailées, d'Hermès j'imagine, qui n'ont pas bougé d'un iota depuis notre arrêt soudain, se remettent en route, nous indiquant le chemin à emprunter.

          Je n'aurais jamais cru voir une paire de chaussures voler et voilà que nous n'en quittons pas une d'une semelle. Je n'ai pas eu le temps de m'extasier devant elle, ni devant le monde que nous découvrons.

          Le scientifique en moi cherche à comprendre leur fonctionnement. Sont-elles attachées par un fil invisible, tiré par un marionnettiste ? Non, cela serait moins embêtant pour Hermès de simplement apparaître pour nous aider. Est-ce la condition de l'air ou de l'apesanteur qui les fait flotter ? Non, autrement nos pieds auraient également quitté le sol.

          Lorsque toutes les hypothèses imaginables sont formulées et qu'elles sont toutes erronées, nous devons faire face à l'évidence. L'inimaginable prend le dessus et je dois accepter que la magie est réelle ; que les dieux existent.

          Certes, j'ai obtenu plus de preuves que je n'en ai réellement besoin mais je ne peux pas. Non, je ne veux pas y croire mais je le dois, je n'ai plus aucune réfutation valable. La mythologie gréco-romaine est la vraie religion, celle qui a été bafouée et laissée de côté, changée en un conte pour enfants.

— Peut-être que Cerbère était le seul obstacle auquel nous devions faire face, espère Ashley.

          J'aurais tant aimé qu'elle se taise. Suite à ces propos, j'entends un sifflement de serpent et je maudis Ashley à ce moment-là. Je ne suis pas superstitieux mais il faut avouer que mes gardes aux urgences en tant qu'interne m'ont vite appris qu'il ne fallait pas parler trop vite. Le mot "calme" était banni à notre entrée dans le service.

— Tu as entendu ça ? s'affole Ashley.

— Oui, expiré-je difficilement. Et je n'ai aucune idée de ce que ça peut être.

"Fermez vos yeux Jordan !"

          Je m'exécute aussitôt en ordonnant de faire de même à Ashley. Je sens du mouvement autour de nous et je lutte pour ne pas regarder. Comment peut-on combattre une créature si nous ne pouvons pas la voir ? Ma tête ne cesse d'aller de gauche à droite au rythme de l'agitation qui nous entoure.

"Ce sont des Gorgones. Si vous croisez leur regard, vous serez pétrifiés. En revanche, leur reflet n'aura aucun effet sur vous."

Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant