Chapitre 18 - Partie 2 (Aphrodite)

7 2 10
                                    

          Je m'attendais à ce qu'il m'interdise l'accès à l'Olympe mais je ne pensais pas à la douleur que j'allais ressentir à ce moment-là. Tout le monde me regarde d'un air compatissant. Je n'ai pas besoin de leur pitié. Je ne suis plus la bienvenue. Très bien. Dans ce cas-là, je ne suis plus liée à la promesse que j'ai faite. Je me battrai pour Élisabeth, contre Hadès. Arès et Athéna sont peut-être les dieu et déesse de la guerre, mais je suis la déesse de l'amour et personne ne m'empêchera de réunir deux personnes qui s'aiment.

          Déterminée, je tourne les talons avec grâce, force et élégance. Je reste une déesse malgré tout. Après avoir passé les portes dorées, je descends les escaliers délicatement, ma traîne glissant sur les marches. L'escalier arrive à sa fin. Ma gorge est serrée. Mon égo en a pris un coup mais je ne laisse rien transparaître tandis que je quitte définitivement ce paradis maudit.

          Je m'apprête à sortir lorsque j'entends des pas précipités dans mon dos.

— Aphrodite ! Aphrodite ! Attends-moi !

— Déméter ? Mais qu'est-ce que... ?

— Lorsque tu es partie, j'ai dit à Zeus de me congédier également. Je lui ai dit que je m'opposerai à sa décision et que je prendrai parti pour la mortelle. Alors je suis là, prête à t'aider. Comme tu as pu le constater, je n'ai pas encore tourné la page. Je continue d'être endeuillée. Même si t'aider ne va pas me rendre ma fille, je ne veux pas qu'une autre mère soit privée de la sienne.

— Déméter... Les parents d'Élisabeth sont morts. Ils ont été tués par Hadès parce qu'ils protégeaient leur fille du pacte des Dunn.

          Déméter me regarde, interdite. Elle n'était pas au courant de cette partie-là. Des larmes dorées coulent le long de ses joues. Elle tente de me parler mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle semble suffoquer. Je nous téléporte pour l'amener au bord de l'océan. Elle adorait s'y balader avec Perséphone. Depuis sa mort, elle vient tous les jours pour lui rendre hommage, et d'un sens, chercher du réconfort.

          Je dois dire que leur plage est l'une des plus belles que je n'ai jamais vue. Une eau bleu turquoise, des galets d'un blanc étincelant et des arbres d'un vert profond, amenant des coins d'ombre sous le soleil éclatant. On pourrait croire que cette plage est irréelle. 

          Elle a été entre les mains de dieux. Certains ont de grands pouvoirs. Certains les utilisent pour embellir, d'autres pour détruire. Déméter et Perséphone ont fait des merveilles avec cet endroit.

          Assise sur un rocher, Déméter lève son visage, déchiré par le chagrin, vers moi.

— Pauvre enfant... Comment Hadès a-t-il pu... ?

— C'est ce que j'ai essayé d'expliquer à Zeus mais il ne veut rien entendre. À croire qu'il a peur d'Hadès.

— À ton avis, pourquoi l'a-t-il envoyé aux Enfers ? Ce que Zeus n'a jamais dit et ce qu'il ne dira jamais, c'est qu'il ne pensait pas qu'Hadès pouvait en sortir, ne serait-ce qu'une minute. C'est pour ça qu'il n'a pas prêté attention à mes propos au début. Comment Hadès aurait-il enlevé Perséphone alors qu'il n'avait jamais pu la voir auparavant ? Sauf qu'il a réussi à sortir. Je ne sais pas comment il a fait, mais savoir ne change rien. Il l'a vue. Maintenant que Zeus sait qu'Hadès peut sortir à sa guise le temps d'un moment, il ne cherche pas l'affrontement. Il sait qu'Hadès a des alliés aux Enfers mais également sur Terre, grâce à ses pactes. Je dois avouer qu'il a été très brillant. Il a continué d'être vénéré, même si c'était sous un nom différent, alors que nous sommes tombés dans l'oubli.

— Il reste des personnes qui croient en nous.

— Trop peu et pour combien de temps ? Nos forces s'amenuisent tandis que les humains perdent leur foi. Les seuls qui y échappent sont Zeus et Hadès. Le premier ne veut pas nous aider, le second en veut à l'humanité et à sa famille. Comment va-t-on faire pour s'en sortir ? Pour aider Élisabeth ? Pour survivre ?

— Tant qu'il y aura au moins une personne pour croire en nous, nous resterons des dieux. On sauve Élisabeth, on se sauve également. Si nous n'y arrivons pas, nous serons... aussi impuissants que les humains.

— Parfois je me demande si ce serait si mal si ça arrivait. Réfléchis-y. Les humains naissent, vivent et meurent. Ils sont dans l'empressement. Ils savent que leur vie n'est pas éternelle. Ils vivent chaque moment comme si c'était le dernier. Ce n'est pas notre cas. Nous sommes lassés.

— Tu ne devrais pas idéaliser le comportement humain Déméter. Tous ne sont pas comme tu les décris. Certains ne vivent pas. Ils endurent leur vie et ne font qu'attendre que quelqu'un la change pour eux.

— D'un sens, je ne peux pas blâmer Hadès. Il vit sa vie tel un mortel tout en étant un dieu.

— Ne me dis pas que tu le défends maintenant, Déméter !

— Je ne le défends pas ! Je le déteste du plus profond de mon cœur. Il m'a volé ma fille et il est coupable de son suicide mais... je suis également réaliste. Il est complètement différent de nous. Il s'épanouit avec les morts tandis que nous sommes malheureux au milieu des vivants. À quoi bon être des déesses si nous n'en profitons pas ?

          Je reste inerte devant les propos de Déméter. Avec sa mine décomposée, elle n'a plus foi en rien. Elle se laisse dépérir telle une humaine. Nous ne sommes pas humains, nous sommes des dieux. Je ne peux pas la laisser abandonner.

— Nous sommes en exil, certes. Tu as perdu ta fille, je le déplore. Cependant, il est hors de question que je te laisse t'apitoyer sur ton sort. Tu m'as suivie pour une raison. Aider Élisabeth. Alors reprends-toi en mains ! Arrête de pleurer et aide-moi à contacter Hermès ! Il n'était pas à la réunion. Pourquoi ?

— Malgré vos éternelles disputes, il s'est rangé de ton côté. Lorsqu'il a réalisé que tu n'y étais pas invitée, il est parti. Quel était le sujet de la dernière ?

          Déméter agit comme si nos disputes n'étaient que des idioties. Enfin, c'est ce qu'on aime leur faire croire. La vérité est que notre enfant pose énormément de problèmes sur Terre. Apparemment, il inciterait ses enfants à convertir des humains pour qu'ils changent de sexe. Évidemment, la plupart des humains ne voient pas ce nouveau groupe d'un très bon œil. 

          Hermès voudrait se débarrasser de ses partisans et enfermer Hermaphrodite. Bien sûr, je suis plutôt d'avis de laisser les humains s'accepter. Cette guerre d'opinions dure depuis des milliers d'années. Cette communauté transgenre était représentée différemment selon les siècles mais elle a bien été présente durant toutes ces années, et elle est devenue le conflit continuel entre Hermès et moi.

— Ce n'est pas important. Une idiotie, comme d'habitude. Tu es prête ?

— Oui allons sauver Élisabeth.

— Je me joins à vous.

          Je me retourne vivement vers la voix franche qui s'est adressée à nous. Elle est avec nous, prête à se battre. Malgré nos différends, Athéna reste une femme et une guerrière.

— Je suis surprise que tu ne te sois pas manifestée plus tôt.

— Zeus ne doit pas connaître mon implication, impose la déesse guerrière.

— Stratège jusqu'à la fin.

— Où allons-nous ? demande-t-elle sans porter égard à mon affirmation.

          Je les regarde avec un léger sourire puis leur prends les mains pour nous téléporter.

          Je les regarde avec un léger sourire puis leur prends les mains pour nous téléporter

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Moïra - Tome 1 : La Malédiction des DunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant