Amélia
C'est agitée que j'attends dans la file qui me semble interminable. Ma cheville me lance, c'est bien ma veine, j'ai dû me prendre les pieds dans le tapis. Je ne sais même pas comment je suis tombée de tout mon long sur ce type, hyper canon, mais à l'attitude exécrable. J'avoue que son regard noisette m'a hypnotisée quelques secondes mais j'ai vite repris mes esprits.
"Mademoiselle ?
Je me tourne vers une dame qui m'interpelle.- Oui, excusez-moi, j'étais un peu ailleurs.
- Pas de soucis. Je me demandais si vous ne vouliez pas vous assoir en attendant votre tour. Vous paraissez avoir mal au pied.
Je souris à cette adorable femme qui veut me venir en aide. Têtue et fière comme je suis, je décline sa gentille proposition.
- Merci, ça ira. Je n'ai pas levé les pieds suffisamment, me suis foulée la cheville maladroitement et me voilà avec une douleur vive et handicapante... Les vacances commencent bien.
- Comme vous voulez. Vous voyagez seule ?
- Oui.
Je regarde autour d'elle, ne voyant personne, je lui pose la même question :
- Et vous ?
- Oh non. Je suis accompagnée par mon mari et mon fils. Ils attendent un peu plus loin, pas besoin d'être tous agglutinés ici.
- Ils ont de la chance.
- Croyez moi, j'ai la chance de les avoir.
Un léger pincement au cœur me titille, quand je rencontre toutes ces familles idéales dont on rêve. Cela me fait chaud au cœur de constater qu'elles existent et en même temps j'en suis jalouse.
- Je m'appelle Magalie et vous ?
- Amélia. Enchantée de faire votre connaissance.
- Moi de même.La gentillesse de cette femme est surprenante. J'ai toujours tendance à me méfier des gens mais, avec Magalie, c'est différent... Pour la deuxième fois de ma vie, je sens que je peux lui faire confiance.
Il y a dix ans, un couple m'a secouru alors que j'attendais ma mère, dehors, en pleine nuit. Elle était occupée avec d'autres hommes et m'avait demandé de rester devant l'entrée de l'immeuble pour me "protéger". Ce couple bienveillant a rapidement compris ma situation et m'a accueilli chez eux. J'ai passé plus de temps en leur compagnie qu'avec ma mère, et c'était tant mieux.
- D'où viens-tu, toute emmitouflée comme ça ?
Je lui adresse un sourire sincère.
- De Lille. Ça se voit, non ?
Magalie rit doucement.
- Oui, c'est assez flagrant. J'aurais pu le deviner.Je l'observe : teint hâlé, vêtements légers et accent du Sud des plus prononcés. Je lui lance :
- Vous êtes du Sud, non ?
- Oh que oui ! Je ne pourrais jamais quitter cette région.
- Je comprends tout à fait. Le Nord, ce n'est pas le même climat.
- C'est sûr !
Nous discutons, le temps passe plus vite et j'en oublie presque ma cheville. Heureusement, la douleur ne s'aggrave pas.
Deux heures d'attente encore. J'ai hâte de rejoindre ma cabine, de prendre une douche et de me reposer un peu avant d'explorer ce grand bâtiment.Accompagnée de Magalie qui s'inquiète pour ma cheville, je me présente enfin à l'accueil. Je pose le pied par terre, mais j'ai quand même un peu mal. Nous récupérons nos pass et apprenons avec plaisir que nos cabines sont côte à côte. Cette croisière commence bien. Je ne serai pas seule à bord de ce grand navire.
- Amélia, suis-moi, je vais te présenter mes hommes. Si tu as besoin, appuie-toi sur moi pour soulager ta cheville.
Moi, têtue ? Pas vraiment !
- Merci, je peux marcher jusqu'à ma cabine pour me reposer un peu.
- Je comprends. Tu t'es levée tôt ce matin.
- Oui, c'est vrai.On papote tranquillement jusqu'à retrouver les hommes de Magalie. Je ne fais pas vraiment attention à ce qui se passe autour de moi, trop occupée à rire avec elle. Encore une fois, je manque de tomber. Je bute sur un fauteuil et je vacille. Quelqu'un me rattrape. Décidément, ce n'est pas mon jour. Je devrais faire plus attention.
- C'est peut-être la journée des connards mais en tant que tel, deux fois que je t'empêche de tomber. J'espère que cela ne deviendra pas une habitude.
Je me raidis à l'intonation de la voix et tourne la tête pour mieux dévisager mon sauveur... Et merde le même type que tout à l'heure.
- Je remarque que vous vous êtes déjà rencontrés.
Je regarde Magalie. L'homme à ses côtés s'amuse de la situation. Moi, je suis vexée d'être aussi gauche. Je me redresse. Magalie m'invite à la prudence, mais ma cheville tient bon, heureusement. C'est alors que je réalise avec stupeur que ce type que j'ai traité de « connard » tout à l'heure est son fils.
Comment un garçon aussi sec et désagréable peut-il être son fils ? Je ne sais quoi répondre, trop embarrassée vis-à-vis de Magalie que j'apprécie beaucoup.
– Je vous présente Amélia, sa cabine est à côté de la nôtre, dit-elle.
Son mari me serre la main.
– Enchanté de faire ta connaissance, moi c'est Étienne.
– De même.
Il examine mon pied.
– Ta cheville va bien ?
– Oui, merci, rien de grave, juste une petite foulure.
– Je te le souhaite, ce serait dommage de rester cloîtrée dans ta cabine.
– C'est vrai. J'ai bien l'intention de profiter de ce voyage malgré tout.
– Enfin, si elle survit, lance son fils.
Je lui lance un regard noir. Il éclate de rire. J'ai envie de l'étrangler.
– Moi, c'est Jonathan. Ça pourrait t'aider si tu te prends encore les pieds quelque part, et c'est plus poli que « connard », même si tu as raison, j'en suis un.
Super ! Je suis à court d'arguments. C'est Magalie qui met fin à cette conversation tendue.
– Allons rejoindre nos cabines. Vous aurez tout le temps de discuter pendant ce séjour.
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Nos âmes torturées
RomanceCollision amoureuse sur un bateau de croisière : Amélia, pétillante et pleine de vie, rêve de vacances ensoleillées sur un bateau de croisière. Mais son destin prend un virage inattendu lorsqu'elle se retrouve nez à nez avec un homme au charme ténéb...