14 | De prince charmant à héros

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Jonathan

Un vacarme dans le couloir attire mon attention, j'ouvre la porte et ce que je visualise me sidère. Je dégage le type d'Amélia, la rage m'emporte, je balance mon poing dans son visage, il  n'en mène pas large et tel un lâche, il s'enfuit.

Je me presse auprès d'Amélia pour constater son état. Je me m'attendais pas à ce qu'elle s'écroule. Je m'agenouille face à elle, lui tend la main pour l'aider à se relever. Des larmes dévalent ses joues et je n'aime vraiment pas cette situation.

- Viens, ne restons pas au milieu du couloir.

Amélia ne réagit pas. Je pose les mains autour de son visage et lui lève avec douceur la tête pour qu'elle me regarde. Lorsque je capte enfin son attention, je suis rassuré.

- Bougeons, tu vas m'accompagner, promis je ne te laisse pas seule, tout va bien Amélia. Je suis avec toi. Ok ?

Elle hoche doucement la tête, le regard encore un peu absent. Je l'aide à se mouvoir, l'installe sur l'immense canapé du salon. J'appelle mon père, lui seul saura réagir positivement. L'avantage d'être le fils d'un policier. Comme à son habitude il répond malgré l'heure tardive. Je lui explique ce à quoi j'ai assisté, il raccroche. En quelques secondes il est à la porte de la cabine.

- Entre temps, je nous sers un verre d'eau.

- Ok ! Tu as prévenu quelqu'un de l'équipage ?

- Je n'ai pas eu le temps.

- Bien, dès que ta mère arrive tu me suis. As-tu dévisagé le mec ? Tu saurais le reconnaître ?

-  Oui, il avait déjà approché Amélia à la piscine, je reconnaîtrais sa tête, t'inquiète.

- Très bien, de toute façon il ne peut s'enfuir du bateau à la nage !

Sa phrase aura au moins le mérite de provoquer le rire d'Amélia qui reprend peu à peu ses esprits.

- Ça va ? Lui demande mon père.

- Oui c'est bon. Je vais mieux, j'étais simplement choquée. J'en ai vu d'autres, vous savez, je m'en remettrais.

Mon père et moi nous regardons. « Elle en a vu d'autres »...

- Je suppose que tu n'aimes pas trop la police ?

Amélia soupire.

- Pas particulièrement, j'ai eu à faire à eux plusieurs fois et je m'en serai bien passée.

Mon père sourit en coin, et d'un ton ironique la questionne, l'air de rien.

- Mademoiselle a déjà un casier judiciaire ? Une rebelle.

Amélia sourit tristement. Je suis aux aguets, je ne l'imagine pas être hors la loi.

- Moi non. Ma mère oui, elle a même un très long casier judiciaire, que je préférerais ne pas connaître.

Le timbre de sa voix est monocorde :

- J'ai l'habitude d'être jugée à travers elle. Être la fille d'une délinquante n'est pas tous les jours évident. Entre la police, les foyers... J'essaie de m'éloigner d'elle depuis ma majorité, mais elle est comme une sangsue, elle s'accroche en absorbant toujours le meilleur de ma vie. Question d'habitude.

Entendre les paroles d'Amélia me touche bien plus que de raison, ça m'interpelle. J'ai envie de rentrer dans le lard de sa mère, comment peut-on faire vivre un tel enfer à son enfant ? C'est inconcevable pour moi. Je comprends bien mieux les réflexions d'Amélia sur la chance que j'ai d'avoir des parents comme les miens.

Je la pensais issue d'une famille aisée. Je me suis lourdement trompé sur cette petite nana. Elle est de plus en plus surprenante. Je réalise les efforts accomplis pour se sortir de son milieu.

Papa reste silencieux, comme il en a l'habitude, aucun jugement, pas plus de compassion. Il a vécu une jeunesse compliquée, il comprend bien mieux que moi, ce qu'a subi Amélia.

Au moment où ma mère nous rejoint, mon père et moi partons prévenir le personnel de bord. J'ai hâte de voir la tête du gars quand il découvrira que nous ne laissons pas couler cette histoire.

- Elle a dû en baver, m'interpelle mon père.

- Effectivement.

- Sois sympa avec elle.

- Non ! Sérieux ! À part la chahuter un peu, je n'ai pas été méchant avec elle.

Mon père me fixe, content de lui.

- Tout à fait. C'est même ce qui nous a surpris ta mère et moi.

Je me gratte l'arrière de la tête, mon père jubile.

- Tu vois, tu es gêné. Elle te plaît cette petite.

- Non mais ! tu vas arrêter. Je ne veux pas me caser et tu as une idée de son âge ? Dix ans de moins, laisse tomber.

- Cesse de chipoter.

- Chipoter ? Non mais elle a l'âge d'Erika, tu serais content que ta fille fréquente un gars de mon âge ?

Mon père réfléchit deux secondes :

- Si le type est correct. Oui !

J'explose de rire.

- Après avoir enquêté sur le type.

- Ça va de soi.

Nous rions tous les deux. Ce qui me détend.

- Il y a longtemps que je ne t'ai pas entendu rire. Je suis heureux. Cette croisière est bénéfique ou serait-ce peut être....

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase que je l'arrête.

- Ça suffit avec tes allusions.

- Attends tu es même intervenu pour secourir la charmante demoiselle.

- J'aurai dû réagir comment ? La regarder se faire agresser

- Non bien sûr que non.

- Pourquoi parles-tu sur un ton ironique alors ?

- Je n'oserai jamais, tu me connais.

- Papa !!!!

- Quoi ! Il éclate de rire.

Effectivement il y a longtemps que nous ne nous sommes pas parlés avec autant de légèreté.  Ces vacances ont du bon.

Nous passons trois heures en compagnie de la responsable du personnel et de la sécurité du navire, pour découvrir que le gars en question n'est pas un passager mais un membre d'équipage. Il sera débarqué demain,  dès que nous accosterons.

Amélia refuse de porter plainte. Elle préfère laisser tomber l'affaire. Mon père n'est pas de cet avis, mais c'est son choix et sa décision. Amélia n'a aucune confiance en la justice et refuse d'être mêlée de près ou de loin à des confrontations. Elle est surprise de découvrir le métier de mon père et regrette de s'être autant confiée.

Après le départ de mes parents, je lui ai assuré que personne ne la jugerait.

Nos âmes torturées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant