38 | Ma mission ne pas te lacher

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Amélia,

Jonathan se replie sur lui-même. J'ai l'impression qu'il est sur le point d'exploser à chaque instant. Il a malgré tout su se contenir, il peut être fier de lui. Il n'a pas pris de médicament, et n'a pas voulu non plus que je l'approche et je suis frustrée au plus haut point. Je voulais être à ses côtés, lui tenir la main pour le soutenir mais il a instauré entre nous une distance importante que j'ai respectée. Je ne connais pas le déclic qui a pu se produire entre la veille et aujourd'hui, mais j'ai l'intention de le découvrir.

Nous sommes remontés sur le bateau après de longues heures de marche. Je suis exténuée et je n'ai qu'une envie : dormir, mais j'ai promis d'être présente au repas de ce soir en l'honneur de Magalie. Je lui ai trouvé un petit cadeau lors de notre escale à Rome. Ce n'est pas grand-chose, j'espère malgré tout que ça lui plaira. Je passe prendre Jonathan dans sa cabine. Je n'y suis pas obligée, mais je n'ai pas l'intention de le laisser seul face à lui-même. Lorsque j'approche de la porte, j'entends un vacarme assourdissant. Inquiète, je tambourine à la porte, ce qui provoque un silence soudain de l'autre côté. J'appelle Jonathan en le suppliant d'ouvrir. Il tarde, mais finit par s'exécuter. Le spectacle qui s'offre à moi fait mal au cœur.

- C'est bon tu es contente. Tu as vu ce que tu voulais voir.

- J'ai l'air satisfait ? Je le pousse pour entrer. Il tient une lame de rasoir ensanglantée dans la main, il est en boxer et du sang coule sur sa cuisse. Pas besoin de dessin pour comprendre ce qui se passe. Je ferme la porte derrière moi. J'envoie un message rapide à Magalie et Etienne disant que je suis en retard parce que je me suis endormie. Ça nous laissera un peu de répit.

- Que veux-tu ? me demande Jonathan d'un ton hargneux.

- Je range ton bordel. Ça ne se voit pas ?

Il s'énerve davantage, mais je lui tiens tête. S'il croit me faire peur, il rêve !

- J'ai prévenu tes parents de notre retard en leur expliquant que je m'étais endormie.

- Et je dois te remercier pour ça, peut-être ?

- Bonne idée. Je sauve la soirée d'anniversaire de ta mère. Donc oui, tu finiras par me remercier.

- Pourquoi es-tu ici ? Crie-t-il.

- Je ne voulais pas que tu ailles seul au restaurant.

Jonathan ricane méchamment.

- Tu te prends pour qui ?

- Pour personne, j'apprécie tes parents, et surtout ta mère. Je veux qu'elle passe une bonne soirée. Alors, tu vas te reprendre, nettoyer ta jambe, t'habiller et te maîtriser... Endosse ton sourire le plus hypocrite possible et rejoins tes parents qui finiront par s'inquiéter. Ensuite, tu reviendras et tu pourras exploser.

- Que me veux-tu, Amélia ?

Je lève les yeux au ciel.

- Bon sang ! Ce n'est pas le moment de parler.

- Et ce sera quand, le bon moment ?

- Après le repas. Je te promets que l'on échangera à cœur ouvert.

- Foutaises !

Je le secoue gentiment.

- Arrête tes conneries, prépare-toi ! On est en retard, je ne peux mentir plus longtemps.

Jonathan se dirige vers sa chambre et fait volte-face. Et zut.

- Quoi ? Je demande.

Sans un mot, il approche. Sa main se pose sur ma nuque, il attire mon visage vers le sien. Son baiser est d'abord doux, puis dévorant. À bout de souffle, il pose son front contre le mien et murmure : « Tu me rends dingue. Plus je me dis qu'il serait mieux de te tenir à distance, plus je le regrette. » Il a réussi à ce que je perde la tête. Je reste sans voix, figée pendant quelques secondes, ce qui lui provoque un sourire. Je peux me rendre compte qu'il va mieux, ce qui me rassure. Mais moi, je suis complètement bouleversée, et mon état persiste tout au long du repas, ce qui amuse Jonathan. Au moins, il a retrouvé sa bonne humeur.

Au moment de retourner dans nos cabines, j'attends que Jonathan ouvre la sienne. Il m'observe avec étonnement.

- Tu as déjà oublié que nous devons discuter à cœur ouvert ? lui dis-je.

Jonathan hoche la tête sans un mot. Il ouvre la porte et me laisse entrer.

- Je ne sais pas si c'est le bon jour pour une discussion.

Je fronce les sourcils.

- Stop ! Si nous continuons ainsi, jamais nous ne nous parlerons. Je te ferai remarquer que tout à l'heure tu m'as embrassée. Nous jouons au jeu du chat et de la souris. Il est temps de poser les choses à plat. Tu ne penses pas ?

Jonathan se passe la main dans les cheveux, agité. Je m'installe sur le canapé comme si j'étais chez moi. Je repère les valises de Jonathan près de la chambre, ce qui me rappelle que nous sommes au dernier jour de la croisière. Demain, je serai chez ses parents à Toulon au lieu d'être sur la route du retour pour Lille. J'ai annulé mon billet de train.

Jonathan fait les cent pas devant moi.

- Arrête de t'agiter, ça ne sert à rien. Viens t'asseoir à côté de moi.

Il hésite un instant, puis finit par m'écouter. Je comprends bien que c'est à moi d'ouvrir la discussion. Je me laisse quelques secondes de répit pour mettre mes idées en place.

- Ma question ne va pas te plaire. Tu n'es pas obligé de répondre, même si j'aimerais en savoir plus sur toi. Sens-toi libre ! oui ou non. Pourquoi n'es-tu pas bien depuis ce matin ? Que s'est-il passé ?

Jonathan se lève subitement pour recommencer les cents pas, ce qui me donne le tournis, s'il a besoin de marcher pour s'exprimer, j'accepte son état.

- C'est compliqué.

Je ne réponds pas, je sens qu'il cherche ses mots.

- J'ai rêvé de nouveau. Quand je dis cauchemar, c'est pire que ça, c'est un souvenir qui remonte à la surface à certains moments de ma vie. Quand c'est comme ça, ... je dois  souffrir pour m'apaiser.

- Tu fais souvent ce genre de cauchemar ?

- Je n'en faisais plus depuis des années, ils ont recommencé le jour où je me suis réveillé à l'hôpital. Ça allait mieux, mais la nuit dernière, c'est revenu. Certainement le stress.

- Dû à notre situation ?

- Je suppose. Je ne peux m'empêcher de me rapprocher de toi, mais je suis terrorisé. Je n'ai pas l'intention de te blesser. Ma relation avec mon ex m'a quelque peu détraqué et je ne veux pas que tu le subisses.

Quand il me parle de son ex, j'ai juste le rêve de la tuer. Je tente de calmer la colère que je ressens au fond de moi.

- Te sens-tu détraqué à mes côtés ?

- Non !

Nos âmes torturées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant