Nos âmes torturées

8 | La nuit tous les chats sont gris

Jonathan

Impossible de fermer l'œil, je tourne en rond dans mon lit alors que je suis épuisé. Cette journée a été tellement éprouvante. Sortir de ma zone de confort, affronter le monde, c'est épuisant. Je déteste ces nuits d'insomnie, surtout après une journée aussi déstabilisante. Je culpabilise encore une fois, me demandant si j'arriverai un jour à être comme tout le monde. Ça tourne en boucle dans ma tête. Je suis au bout du rouleau. Je dois trouver quelque chose pour me changer les idées.

J'ouvre la porte donnant sur la terrasse et pense au jacuzzi. Je saisis une serviette, enfile rapidement un slip de bain, « mais quelle idée d'interdire les bermudas ! ». je ne peux m'empêcher de râler. C'est là que je remarque que mon père a tout prévu, vu qu'il m'en a acheté. Bref. Je fouille mon mon placard,  je retrouve mon bas de jogging, j'ouvre le tiroir de la commode pour attraper mon vieux t-shirt sans forme. J'ai besoin de l'avoir toujours avec moi, un peu comme un doudou, ridicule vu mon âge. Mais je m'en moque. J'aime flotter dans des vêtements complètement usés, surtout lorsque je suis fatigué. Ça me permet d'offrir un peu de douceur et de molleton à mon corps. J'avoue aimer cette dégaine négligée, un véritable lâcher-prise psychologique. Comme ça, je me sens enfin en vacances.

D'un pas décidé, je quitte ma cabine, la casquette vissée sur la tête. Heureusement, le jacuzzi se trouve sur le pont réservé aux suites, je ne croiserai personne. Mais première surprise : je ne suis pas seul à avoir eu cette idée. Je passe une main dans mes cheveux, nerveux. Dire qu'il y a quelques années, j'étais plus sûr de moi avec les femmes. Mon humeur s'assombrit, surtout que j'avais besoin d'être seul. Amélia n'a pas senti ma présence. J'hésite à partir, mais le spectacle qu'elle m'offre me retient. Il n'y a pas à dire, elle est sublime, la tête légèrement renversée en arrière, les paupières closes, la bouche entrouverte. Elle est si paisible et beaucoup moins agaçante dans cette position. L'éclairage du jacuzzi met en valeur les courbes de son corps. J'ai du mal à avaler ma salive. Je tente de me raisonner en me rappelant qu'elle a le même âge que ma petite sœur.
J'ai envie de la provoquer pour la sortir de son moment de plénitude, juste pour me divertir. Après tout, je n'ai rien d'autre à faire que de m'énerver seul dans ma suite. Je commence à ôter mes vêtements.

Amélia sursaute en me voyant surgir devant elle. Elle se cogne la tête en manquant de tomber dans le jacuzzi. J'ai une envie irrésistible d'éclater de rire mais je me retiens pour ne pas la vexer davantage. La séduisante sirène a cédé la place à une version plus... comique. Je reste impassible, amusé par l'expression d'Amélia. Finalement, cette croisière s'annonce plus divertissante que prévu. Ses grands yeux verts me fixent avec une colère teintée de séduction. Décidément, les facettes de cette jeune femme ne cessent de me surprendre. Ce n'est pas dans mes habitudes d'être attiré par une femme aussi jeune. Je me sens presque comme un pervers. Vu mon passé, je le suis peut-être.

- Même dans un jacuzzi, tu arrives à glisser ? C'est vraiment une habitude chez toi ?
- Si tu n'étais pas arrivé sans faire de bruit, je n'aurais pas été surprise.
- Mais bien sûr, ça va être de ma faute !
Effectivement !

Elle peste, ce qui étire chez moi un sourire en coin. Elle cherche son sac et sa serviette du regard.

- C'est bon, ne joue pas la prude, tu n'es pas à poil non plus. Je ne suis pas là pour te draguer, rassure-toi, surtout que tu es un peu trop jeune  à mon goût. Je préfère les femmes avec un peu plus de maturité. Vois-tu ?

(Qui j'essaie de convaincre avec cette réplique puérile). Malgré tout, je suis content de la voir contrariée, ça la rend plus humaine, moins parfaite. Je la trouve un peu trop sûre d'elle et son sourire permanent m'agace. Personne ne peut sourire autant tout le temps. En tout cas, pas dans mon monde. J'entre dans le jacuzzi pour la taquiner davantage. Elle se décale à l'opposé et je ne peux m'empêcher de rire.