Nos âmes torturées

48 | Pile ou face

Amélia

-  Lui as-tu envoyé le message ?

- Oui !  comme tu me l'as conseillé. Et toi as-tu contacté David ?

- Non ! Pas encore.

Mon père et ses conseils qu'il ne suit pas. Une semaine à découvrir cet homme, conclusion nous nous entendons très bien. Comme il aime le dire tel père, telle fille. Ici je suis comme un coq en pâte.

- Qu'attends-tu ? Je veux le connaître davantage. Un beau père de mon âge c'est le top. J'adore !

- D'accord, tu as gagné. Je l'appelle pour l'inviter à dîner avec nous. Ça te convient ?

- Parfait !

- Tu sais que tu peux inviter Jonathan à venir nous rejoindre.

- Oui, je n'en suis pas encore là.

- Décidément !

Je suis obligée de rire, lui comme moi ne sommes pas très courageux, côté sentimental.

- Où vas-tu ? demande mon père au moment où je me lève.

- Je te laisse appeler David ! ça s'appelle avoir de l'intimité, papa.

Christophe se tait, cesse de sourire, il reste interdit.

- C'est la première fois que tu m'appelles "papa" ?

- Effectivement ! C'est sorti tout seul et ça me convient de t'appeler ainsi.

- J'adore ma fille. Franchement j'aime ce mot qui me réchauffe le cœur. Reste avec moi, je suis plus courageux avec ma fille chérie à mes côtés.

Je cède en me réinstallant sur le transat à ses côtés. Chaque matin nous prenons le petit déjeuner à la piscine ensuite nous nageons quelques longueurs. Je suis au paradis. J'ai rapidement pris mes marques. Pendant que mon père tente de convaincre David son petit ami de nous rejoindre, je lis de nouveau le message de Jonathan, il est temps de lui répondre. Je me mords les lèvres ne sachant pas quoi noter. Je suis une empotée de première, incapable de gérer ma vie sentimentale.

J'entends au loin mon père, bien plus courageux que moi. Il affronte David. Je souhaite de tout cœur qu'ils se réconcilient. Il n'osait pas m'affronter sur ce sujet alors j'ai pris les devants, expliquant que j'avais entendu leur dispute quelques jours plus tôt. Je le rassure. Ensuite il m'a raconté son histoire, j'en ai eu la nausée d'apprendre que les deux personnes que je respectais le plus dans ce monde ont mis leur fils à la rue pour son orientation sexuelle. D'après lui c'est également la véritable raison de leur silence sur son identité. Ils auraient pu changer la donne, me sortir de là en appelant simplement mon père. Il serait venu pour moi.Aya pNous avons été privé l'un de l'autre pendant vingt-deux ans. Le temps ne se rattrapera jamais. Christophe et moi le savons très bien.

- C'est bon ! David nous rejoint.

- Super ! J'ai hâte de le rencontrer. Tu penses que ça va s'arranger entre vous. Je suis désolée si mon arrivée dans ta vie vous a éloigné. Je m'en veux.

Mon père avance et me prend dans ses bras.

- Ce n'est pas de ta faute. Entre David et moi c'est compliqué depuis que nous nous connaissons. J'ai eu des difficultés d'admettre que je l'aimais je lui ai fait vivre un enfer avec mes règles à la con. Je n'assume pas partout mon homosexualité même à mon âge. Je suis resté bloqué au rejet de mes parents. Ce qui explique la peur de devoir t'avouer que la seule expérience sexuelle que j'ai eue avec une femme était ta mère, mais cela a abouti à la naissance d' une magnifique jeune femme dont je suis très fier.

- Merci !

Je recule, les yeux au bord des larmes, J'ai du mal à contenir mes émotions.

- Sujet qui fâche. As-tu obtenu des nouvelles de ta mère ?

- Non ! Mais... elle finira par revenir à la charge.

- C'est bien ce qu'il me semblait. Je ne voulais ni te bousculer ni te laisser un peu de temps, mais es-tu certaine de vouloir rester vivre sur Lille. Je veux dire ici, tu as tout ce qu'il te faut, tu peux également reprendre tes études. Pas besoin de boulot d'appoint si tu veux absolument travailler alors rejoins mon entreprise. Amélia je souhaite que tu aies tout ce dont tu as manqué. Je veux également profiter de ma fille. Qu'en penses-tu ?

Je ne sais même pas quoi répondre... il enchaîne.

- Ah oui, mon avocat prépare les démarches pour que je puisse te reconnaître. Tu porteras bientôt mon nom de famille.

Des larmes dévalent le long de mes joues. Je saute dans ses bras. Ce que je vis est un rêve éveillé dont j'espère ne jamais me réveiller. Est-ce aussi simple de couper les liens avec ma mère ? C'est la question qui reste en moi.

- Ça va aller. Ma puce. Prends le temps d'y réfléchir. D'accord ?

- Oui. Ma gorge est nouée j'ai du mal à exprimer ce que je ressens. Je suis d'accord pour tout pas besoin de réfléchir.

- Génial on fête ça ce soir avec David. Je vais faire quelques courses et je reviens. Va te reposer en attendant. Vu ta tête, tu dois être secouée.

Une fois dans mon loft, je n'ai qu'une envie parler avec quelqu'un. Sans trop réfléchir je cherche dans mon répertoire le numéro de Jonathan. Je lance l'appel. J'ai besoin de parler à quelqu'un . J'ai besoin que ce soit lui. Il me manque chaque jour davantage.

- Amélia ?

- Oui c'est moi.

- Ça ne va pas ? Son inquiétude me réchauffe le cœur.

- Si, si ça va. J'ai passé une semaine un peu chargée ici.

- Comment ça se passe avec ton père ?

- Très bien. Voir même trop bien. J'ai du mal à croire que toute cette histoire est bien réelle.

- Pourtant ça l'est.

- Oui.

- Amélia tu me manques.

- Toi aussi.

- Tu comptes faire quoi pour remédier à ce manque.

- Je ne sais pas. Je suis perdue Jonathan.

- J'ai une question à laquelle je veux que tu répondes.

- D'accord. Mon cœur amplifie ses battements. Mes mains tremblent un peu. Je crains sa question.

- Est-ce que pour toi, un nous est envisageable ?

- Oui. Je n'ai plus aucun filtre. Mes neurones ont grillé sur place.

- D'accord. Dis moi quand je peux venir te rejoindre.

- Quoi ?

- Tu as très bien entendu. Je ne vais pas rester loin de toi plus longtemps. Donc si tu ne viens pas à moi. C'est moi qui viendrai à toi. Je tiens à toi Amélia. Je suis très sérieux.

Je souhaiterais lui répondre « ok, viens, mais je n'y arrive pas encore »

- Peux-tu me laisser un peu de temps ? Où est-ce trop demandé ? Je veux dire... Est-ce que tu m'en voudrais ?

- Tout ce que tu veux, si tu me promets de penser un peu à « nous ».

- Je pense déjà à toi Jonathan. Je dois  réfléchir à ce que je veux. Ma vie change soudainement. Je te rencontre ensuite mon père. Tout va très vite. Je dois m'y retrouver. Je suis perdue. J'ai également besoin de découvrir davantage mon père.

- C'est normal Amélia. Je te comprends. Profite de ton père au maximum. Quand tu seras prête, je viendrai te récupérer. Je ne te demande rien de plus pour le moment.

- Venir me chercher ? Dis-je surprise.

- Ne pense pas m'échapper une nouvelle fois.

Mon cœur bondit prêt à sortir de ma poitrine. Je tente de me reprendre. Je n'arrive même plus à répondre à Jonathan trop bouleversée par ses aveux.