6 | Il ne manquait plus que ça ...

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Jonathan

La grande occupation de ma mère est de s'occuper des petits oisillons tombés du nid, tout comme cette Amélia, bien plantée dans son pot.
Pas de doute, la nana est mignonne, rien à redire là-dessus. Des formes là où il faut, même si quelques kilos en plus ne lui feraient pas de mal. Elle affiche un look plutôt naturel, sans trop de maquillage. Elle paraît aussi guindée que maladroite, pas très douée la petite. Au mieux, elle doit avoir l'âge d'Erika, voire un peu moins.

L'attitude de ma mère ne m'abuse pas. Elle va manifestement prendre cette Amélia sous son aile. Mon séjour s'annonce encore plus compliqué que je ne l'aurai imaginé. J'espère ne pas avoir à assumer un rôle de baby-sitter.

J'expire lourdement rien qu'à cette idée. Amélia le remarque et me fusille une fois de plus du regard. Désolé, cocotte, je ne suis pas ma mère, je n'ai pas de temps à perdre. Ma vie est déjà un véritable merdier, pas besoin de m'en rajouter.

Devant nos cabines, mes parents ont déjà invité Amélia à les rejoindre pour le dîner. J'ai directement annoncé que je n'y serais pas : j'ai besoin de me reposer et de m'isoler. C'est le moment parfait pour moi d'écrire. J'ai depuis longtemps le projet d'écrire un roman, et je pense que c'est le bon moment. Ce sera surtout l'excuse parfaite pour éviter de me promener sur ce paquebot. Mon but est d'éviter au maximum de me confronter à nouveau au monde extérieur.

La bonne nouvelle, c'est que ma cabine est une suite avec terrasse privative. La piscine et le jacuzzi sont réservés aux occupants de ce type de logement. Comme il n'y a que trois suites à notre étage, je vais pouvoir profiter de tout cet espace pour moi tout seul pendant les escales. J'espère juste que mes parents ne me demanderont pas de les accompagner. Je ne pense pas que j'en aurais la force, alors mieux vaut qu'ils n'insistent pas.

Ma mère me laissera choisir mes activités pendant les escales, contrairement à eux qui les apprécieront. Je n'ai guère envie de quitter le bateau. Mon père voudra me secouer. Je comprends qu'il arrive au bout de sa patience face à mes angoisses et à mes crises. Je ne peux lui en vouloir.

Ma tête est prête à exploser, il est temps pour moi de dormir. Je déteste prendre ce traitement d'urgence qui me plonge dans un état second et me déclenche des migraines, sans parler du goût chimique persistant. J'essaie de ne pas trop y penser, même si j'appréhende ce qui m'attend pendant ce voyage. Je finis par m'endormir, épuisée.

Le téléphone ne cesse de sonner. Je grogne, je dormais profondément. Qu'est-ce qui m'a pris de ne pas mettre ce fichu portable en mode silencieux ! Ma migraine est toujours là. Je tâtonne sur la table de nuit, à côté de moi, pour décrocher. L'esprit encore embrumé, je ne regarde même pas l'appelant. Lorsque je réponds, je comprends immédiatement mon erreur. Sans que j'aie le temps de dire quoi que ce soit, mon ex me tombe dessus comme à son habitude.

- Ça y est, tu as cessé de m'éviter. C'est bien, tu grandis enfin ! Je voulais connaître un détail concernant l'appartement.

Je ne réponds toujours pas.

- Je sais que tu m'écoutes. Je t'entends respirer dans le téléphone. Je n'ai pas eu le temps de déménager toutes mes affaires.

Mais bien sûr, elle se moque de moi depuis des semaines avec ce genre d'excuse bidon.

- Je compte passer chez tes parents pour récupérer la clé que tu refuses de me laisser. L'agent immobilier me l'a confirmé. Merci bien. La confiance. Je passe pour quoi, moi ?

Sa colère ne m'émeut plus. Je ne céderai pas. Cette nana est tellement toxique qu'elle serait capable de tout saccager juste pour m'ennuyer. Je suis même surpris qu'elle ne me réclame pas d'argent comme la dernière fois. Elle voulait la moitié de l'appartement que j'ai payé avec mon propre argent, mais bien entendu !... Sa menace ne tenait qu'à ces quelques mots complètement ahurissants :
"Tu vends l'appartement, alors Je contacte un avocat pour connaître mes droits ".

Comment ai-je pu être en couple avec une femme aussi bête ? Ça me dépasse. J'étais vraiment aveuglé par je ne sais quoi. Peut-être parce qu'enfin une nana s'intéressait à moi malgré mes problèmes de santé. J'ai dû apprécier me sentir aimé. Quelle connerie !
Je la laisse débiter tout son baratin.

- Je te préviens donc que je passe chez tes parents tout à l'heure. J'espère qu'ils vont m'ouvrir. Je n'ai pas le temps de faire des allers-retours, j'ai une vie.

Je me retiens de lui dire qu'il n'y aura personne, mais je ne lui ferai pas cet honneur. Sans répondre, je raccroche. Je n'ai pas de temps à perdre. Je devrai la bloquer, mais tant que je n'ai pas vendu l'appartement, je m'abstiens. Elle aime venir régulièrement chez mes parents pour nous mettre la pression. Mon père supplie ma mère de ne plus répondre. Moi, je m'en fous. Heureusement que maman n'apprécie pas plus que ça mon ex, sinon je serais foutu.

Au moment de raccrocher, je lis un message de mon père. Le malin ! Il sait que ma mère flanchera alors c'est lui qui gère. Je m'y attendais. Après tout, cette croisière est son idée, le connaissant, il ne s'arrêtera pas là.
« Rejoins-nous pour le repas vers vingt et une heures. Je te laisse le temps de dormir un peu, et pas d'excuse, ta mère te demande de ramener la petite voisine. »
Super ! Il ne manquait plus que ça.
« Je serai là, par contre, je ne fais plus de baby-sitting depuis bien longtemps, la voisine n'a pas besoin de nous pour son voyage. »
Réponse de mon père :
« Lol, je te laisse prévenir ta mère. »
Bien entendu, je ne le ferai pas. Je regarde l'heure et je constate que je n'ai que dix minutes pour prendre une douche. Le bateau bouge, ce qui signifie que nous avons largué les amarres.
À peine mon jean enfilé, on frappe à la porte. Super ! Je récupère mon t-shirt que j'étais en train d'enfiler au moment où j'ouvre. Surpris de trouver la voisine sur le pas de la porte à me mater, je souris, lorsqu'elle prononce ces mots comme si de rien n'était :

- Ta mère m'a demandé si je pouvais vérifier que tu étais encore dans ta cabine.
Je lève les yeux au ciel.
- Bien entendu. Pourquoi ça ne m'étonne pas ? Vas-y en premier... je vous rejoins.

Nos âmes torturées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant