Nos âmes torturées

46 | Surprise surprise

Amélia

Me voici à Cascais à l'ouest de Lisbonne, Je n'imaginais pas que mon père vivait dans un tel luxe. Je n'ai pu m'empêcher de lui demander si ses activités étaient légales il a éclaté de rire. C'est comme ça que j'ai appris qu'il est agent immobilier, gestionnaire en patrimoine et ancien joueur de poker. Le poker est ce qui lui a offert un bon capital pour investir en plus de son activité professionnelle. En résumé mon père est riche, incroyable, l'opposé de ma mère. Je n'en reviens pas. J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé.

Le moment le plus intense fût la remise d'une clé me conduisant derrière la maison, en ajoutant « ici c'est chez toi ». Quoi qu'il arrive dans la vie ce sera ton refuge, tu peux même y vivre à l'année. Je suis restée bouche bée ne sachant plus comment agir. Il se moque de moi, j'ai des difficultés d' y croire, il ne m'a pas confié les clés d'un petit studio non ! C'est juste un immense loft, qui donne sur un magnifique jardin avec piscine. Le truc de ouf.... La cerise sur le gâteau est d'ajouter « pour la déco, les meubles, on peut tout virer, nous ferons les magasins pour acquérir ce qui te convient le mieux ». J'ai décliné son offre gentiment, ce lieu est juste dément tel qu'il est, j'adore la déco et les meubles, rien n'est pas à changer. À peine ma valise posée au sol, il me conseille de me reposer et de le rejoindre ensuite, ajoutant « Demain nous parlerons de tout ceci bien plus sérieusement, ton frigo est plein, alors sers toi. Je te laisse la journée tranquille, promis, pour te retrouver fraîche et radieuse demain ».

Le paradis sur terre existe... chez mon père. Je saute dans tous les sens. Je récupère une joie de vivre en à peine quelques heures. Mon dieu, Jonathan me manque mais je l'ai fui. Par contre, là, je suis aux anges mais claquée.

J'ai écouté mon père, je n'ai pas déballé ma valise, j'ai pris une méga douche dans cette immense salle de bain hyper moderne. Je ne la détaille pas trop, besoin de dormir en urgence. Je m'écroule sur le lit et m'endors instantanément.

Réveillée par les rayons du soleil, je mets un certain temps à capter que je suis chez mon père dans un nouvel espace. Mon portable ne cesse de vibrer, et je râle. J'ose y jeter un œil et j'y vois des centaines de notifications sans comprendre ce qui se passe. Pas encore bien réveillée, je décide de ne pas en tenir compte.

Des échos de voix autour de la piscine attirent mon attention. La curiosité me perdra, je reconnais la voix de Christophe.

- Tu lui as dit ou pas encore ?

Cette voix, je ne la connais pas. L'homme dois avoir mon âge à priori.

- Tu voulais que je fasse quoi ? Salut, bienvenue à Lisbonne. Ton père est gay. Super comme entrée en matière ? Et si elle a les mêmes idées que mes parents ? Je fais comment ? C'est la seule famille que j'ai ? Hors de question de la perdre.

Je suis décontenancée non pas d'apprendre que mon père est gay ça je m'en moque complètement, mais apprendre que ses parents sont homophobes me noue l'estomac.

- Bien entendu que je comprends. Pour qui me prends-tu ? Je veux simplement que tu sois accepté par l'un des tiens, tu le mérites. Je pense que ta fille est la meilleure chose qui peut t'arriver.

- Alors pourquoi veux-tu partir ?

Je refuse que la vie privée de mon père soit bousculée par ma faute. Je n'arrive toujours pas à admettre que ceux que j'ai aimés, mes grands parents, ne soient pas des personnes tolérantes. Je ne peux m'empêcher de sortir de mon loft pour réconforter mon père et dire à cet homme de rester.

- Je ne pars pas définitivement. Je te laisse de l'espace pour prendre tes marques avec ta famille. Promis je reviendrai.

Finalement je décide de ne pas me montrer leur laissant cette intimité qu'ils méritent, mais hors de question que je gâche leur vie.

Je m'enferme dans la salle de bain pour me préparer à parler à cœur ouvert. Mon téléphone continue à vibrer sans intermittence et ça m'agace.

Sortant de la douche, je me réfugie dans l'immense et confortable peignoir mis à ma disposition. Mon père a réellement pensé à tout ou c'était peut-être déjà prévu. Pas envie de me poser davantage de questions. Je vide ma valise pour y récupérer les vêtements propres qu'il me reste. Je dois urgemment mettre en route une machine à laver, que je découvre dans l'arrière cuisine.

J'extrais enfin le téléphone de ma poche pour comprendre ce qui se passe. Habituellement je vérifie immédiatement mais pas cette fois-ci, besoin de prendre du recul face à tout ce que j'ai vécu en dix jours, et peur de lire un message de Jonathan, je l'avoue. Malgré tout, il ne quitte pas mes pensées et je m'en veux d'être parti ainsi.

Lorsque j'ouvre mes notifications, je ne comprends pas. Je suis taguée sur des photos du compte de Jokill. Je me presse de regarder et je découvre des clichés de moi durant la croisière. Je comprends immédiatement que mon photographe préféré depuis des années n'est autre que Jonathan. Je suis à deux doigts de lâcher mon téléphone tellement je suis choquée.

Les légendes des photos, provoquent mes larmes. « Mon unique muse, ne pense pas une seconde pouvoir m'échapper ». Bien entendu tout le monde sur la toile s'est enflammé. Le buzz comme je n'en n'ai jamais vécu. Mon cœur s'anime de plus en plus vite. Il ne m'a rien dit lorsque j'évoquais  son talent, son travail. Je suis passée à côté de ma chance.

Mon téléphone vibre d'un whatsapp cette fois-ci.

« Maintenant que tu connais mon identité, es-tu prête à venir travailler avec moi sur un projet photos. Je dois être franc avec toi, la première fois que tu m'es tombée dans les bras j'ai compris que je te connaissais. Rapidement j'ai établi le lien. Je ne voulais pas te révéler qui j'étais pour me laisser une chance que tu apprécies ma personnalité en plus de ton admiration. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais réponds au moins à ce message. »

Comment a-t-il su que j'avais lu ses publications. Je fixe mon écran et je constate que comme une cruche j'ai liké les deux dernières photos.