37| Pris au piège dans la toile du passé

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Jonathan

Jonathan

J'avance dans un grand couloir sombre et étroit. Une sensation d'étouffement m'envahit. Je déteste cette oppressante angoisse, pourtant je devrais me sentir rassuré. Je connais ces lieux, mon père y a grandi. Pourquoi cette peur soudaine me paralyse-t-elle ? Soudain, ma grand-mère apparaît devant moi, les yeux rougis par la tristesse. En un éclair, elle se métamorphose en un loup immense, prêt à me dévorer. Pris de panique, je m'enfuis en courant, respirant à pleins poumons. Je me retrouve alors précipité dans une salle de bain, une pièce que je redoute, car je sais ce qui m'y attend... la terreur s'empare de moi.

Je ne veux pas la voir. Dans cette pièce, c'est toujours elle, cette femme dont j'ignore le nom, son rire hystérique résonne, et dans sa main, une lame scintille. Je suis irrésistiblement attiré par son éclat. D'un geste brusque, elle plonge son poignet dans l'eau chaude de la baignoire. Son regard perçant et inquisiteur se pose sur moi.

« Tu vas adorer ce que tu vas observer. Reste jusqu'à la fin. Tu verras, ça te fera du bien,  ! »

Je ne réponds pas. La terreur m'envahit. Je voudrais fuir, mais mon corps refuse d'obéir. Mes pieds sont rivés au sol, comme paralysés. Un cri tente de s'échapper de ma gorge, mais aucun son n'en sort.

Avec la lame elle se taillade les poignets. Il y a du sang partout. Elle rit, elle ressemble à une diablesse très cruelle.
Elle me hurle dessus :

- Cours gamin. Cours.

Je suis maintenant dans mon lit sous les couvertures. Elle est dans ma chambre et m'observe. Elle approche de mon lit et passe sa main sous le drap.
Je n'aime pas quand elle me touche. Pourtant elle dit que j'aime ça, sinon mon zizi ne réagirait pas à son toucher. Je ne comprends rien. Je crie. Je me débats, elle sort la lame et me taille le poignet... j' hurle.

Mamie me traite de fou quand je clame qu'il y a quelqu'un dans la maison. Je ne mens pas. La femme vient tous les soirs, je veux rentrer chez moi revoir mes parents.

Je me réveille en sursaut. Ce cauchemar me hante depuis plusieurs semaines. La nausée me monte à la gorge. Je me lève et me dirige vers la douche. Mon regard se pose sur la trousse de toilette où j'aperçois la lame. Tiraillé entre le besoin de soulager ma souffrance et la nécessité de résister à l'automutilation, je suis perdu, un véritable dilemme. Plus je résiste, plus mon état s'aggrave. Je dois évacuer cette tension. Avant de prendre une décision irréversible, je me glisse sous le jet d'eau tiède, espérant apaiser mon tourment, mais en vain, le soulagement n'est pas au rendez-vous.

Adossé au mur de la douche, le bateau tangue sous mes pieds. Mon regard se fige sur ma trousse de toilette. Je craque finalement, submergé par la souffrance. J'ai besoin de cette sensation de brûlure sur ma peau, même si je sais que je le regretterai plus tard. Ce n'est plus le moment de me battre contre moi-même. D'une main tremblante, je fouille dans ma trousse et en extirpe la lame.

On tambourine à la porte. Je sursaute, encore sous la douche, la lame de rasoir posée à côté de moi. L'intérieur de ma cuisse est ensanglanté. Je n'y suis pas allé de main morte hier soir. Je constate les dégâts avec dégoût. "Fait chier," je marmonne. Comme souvent, je me suis endormi ici même, sans prendre la peine de me nettoyer. Je m'empresse de ramasser mes affaires et de faire disparaître les traces de mon geste. Je saisis des pansements et enfile mon large pantalon de jogging d'un mouvement rapide. Ouvrant la porte, je tombe face à Amélia. Je ne comprends pas le motif de sa venue.

- Quelle heure est-il ? lui demandai-je

- Quasiment huit heures trente.

- Merde. Entre.

Je me précipite dans ma chambre et enfile rapidement un jean, grimaçant à l'effleurement de la connerie de la nuit dernière. De l'autre côté de la porte, Amélia me questionne :

- Tu ne semble pas avoir passé une bonne nuit.

Je grogne. Si elle savait...

- Ok ! répond-elle de l'autre côté.

Aujourd'hui, je ne suis pas de très bonne compagnie, je le devine. Dernier jour de cette croisière, j'aurais bien aimé que ce périple se prolonge un peu plus. Sans oublier ce jour, l'anniversaire de ma mère, génial ! Je reviens dans le salon, Amélia m'observe attentivement. Elle me tend mes bracelets pour couvrir les cicatrices. L'air coupable, je les regarde. Mes yeux croisent ceux d'Amélia, nul besoin de lui parler,  elle comprend et ne dit mot, à part :

- Prêt ?

Pas du tout. Je me dirige vers le mini-bar, j'en sors une petite bouteille d'eau. Dans mon sac à dos, je cherche mes pilules. Je sais que je ne tiendrai pas sans elles. Je visse ma casquette sur la tête. C'est parti.

- Tes parents nous attendent pour le petit déjeuner.

- Mmmh.

Je n'ai rien d'autre à ajouter aujourd'hui, ça va être une journée difficile.

Je m'attends à ce qu'Amélia s'énerve, mais elle se tait. Elle respecte mon silence et mon espace vital.

- Coucou, vous deux ! nous interpelle ma mère. Elle fronce les sourcils en découvrant mon visage. Je ne parviens pas à forcer un sourire. Déjà, je me considère coupable de gâcher son anniversaire.

Malgré tout, j'avance vers elle et l'embrasse sur la joue.

- Joyeux anniversaire, maman.

- Merci, mon grand.

Je lui tends son cadeau et m'assois ensuite près de mon père. Maman s'exclame, les larmes aux yeux en ouvrant son paquet cadeau :

- C'est magnifique ! Regarde, chéri. Elle montre le montage photo de leur couple composé d'une multitude de clichés de leur vie à deux et de nous quatre.

- Superbe ! répond mon père.

Amélia demande également à voir.

- Sublime ! Wahou, ça a dû te prendre énormément de temps.

- Effectivement, mais le rendu est sympa. Maman, c'est la version petit format. Le véritable cadeau est à la maison, en grand, pour l'accrocher au mur du salon.

Ma mère se lève de la chaise, les larmes aux yeux et me serre dans ses bras.

- Je t'aime.

- Moi aussi, maman.

Nos âmes torturées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant