Amélia
Pensive, je "touille" mon thé depuis un bon moment. Je pense à la rencontre improbable avec mon père. Difficile d'encaisser une telle nouvelle sans que la vie soit complètement bouleversée.
Son dernier message sur whatsapp était limpide. Christophe souhaite me connaître davantage. Une partie de moi est heureuse, une autre appréhende. Il m'invite à le rejoindre après la croisière pour un séjour à durée indéterminée si j'ai bien entendu, mais aucune obligation. Il me finance le tout. Je ne sais quoi lui répondre, j'hésite, je bloque, je laisse un « vu », qui n'est pas des plus agréable pour lui. Rien que penser au mot « père », je doute. Pourtant il existe bien.
Une voix m'interpelle, je sursaute.
- Désolée, de te déranger Amélia. Je n'aurai pas dû te surprendre de cette manière.
Magalie rayonnante m'offre un magnifique sourire.
- Je peux m'installer avec toi ? Ou tu préfères rester seule ?
- Non, vas-y installe toi. Un peu de compagnie me sera bénéfique et me changera les idées.
- Tu ne pars pas en excursion ce matin ?
- Non ! À vrai dire, je culpabilise un peu mais en même temps j'ai l'impression que je m'oblige chaque jour à excursionner, c'est un rythme bien trop soutenu pour moi. Je souhaite profiter d'une journée de détente. Et toi ?
- Je visite Cadix, d'ici deux heures,
- Etienne et Jonathan, t'accompagnent ?
- Non ! Pas cette fois-ci. Jonathan se repose. Pensive elle se confie. Nous accompagner n'est pas simple pour lui. Depuis six mois, il ne bouge plus de la maison, ne voit personne. Je suis très heureuse qu'il ait décidé de nous suivre et de participer à ce voyage, mais il a tellement pris sur lui que je ne souhaite pas qu'il en fasse trop. Un pas à la fois c'est très bien.
- Effectivement !
- Et toi ? Puis-je te demander comme tu vas ?
Je souris en baissant les yeux. M'épancher n'est clairement pas dans mes habitudes, mais avec Magalie je suis en confiance, je ressens de la douceur et de l'intérêt et je peux me libérer.
- Pas trop bien. Je pensais m'offrir un séjour détente loin de mon quotidien et je me retrouve dans un capharnaüm difficile à gérer.
- Des nouvelles de ton père ?
- Oui, il m'a laissé un message ce matin, m'invitant à le rejoindre sur Lisbonne après la croisière.
Avec enthousiasme Magalie s'écrie :
- C'est formidable, t'es-tu renseignée sur les billets d'avion ?
- Pas encore. Je digère encore la proposition. Je n'ai pas su lui répondre.
- D'accord. Déjà recherche les vols, les horaires au départ de Marseille ou de Nice. Avec Etienne nous t'y conduirons. Tu peux même te poser chez nous une nuit ou deux, avant de partir. Nous avons de la place. Ce serait un véritable plaisir de t'accueillir à la maison.
Surprise je suis gênée.
- Magalie puis-je te poser une question ?
- Bien entendu. Je t'écoute.
- Pourquoi es-tu aussi gentille avec moi ? Je ne suis personne.
La sourire de Magalie a le don de tout adoucir en moi. Décidément c'est ce genre de femme que je rêverai comme maman.
- Parce que tu me rappelles ma fille qui a le même âge. Depuis que nous avons discuté la première fois, j'ai senti que tu étais quelqu'un de bien seule face à de nombreux problèmes.
- Ça se remarque tant que ça ? Dis-je horrifiée que tout le monde puisse voir la vraie moi.
- Pour certaines personnes, non. Mais moi je l'ai lu dans ton regard. Je souhaite te tendre la main tout simplement. Je comprends que tu puisses être gênée et que tu n'en ai pas l'habitude.
- Merci. Dis-je d'un ton mal assuré. Puis-je te demander autre chose ?
- Oui tout ce que tu veux.
- Pourquoi les autres mamans ne sont pas toutes comme toi ?
- C'est très gentil de ta part. Je pense que ce n'est pas évident d'être maman. J'ai beaucoup de chance d'avoir un mari aimant qui m'épaule beaucoup. Notre vie est en équilibre ce qui est un avantage. Ta maman t'aime à sa façon. Avoir un enfant aussi jeune, seule n'a pas dû être simple sans compter les addictions. Ce ne sont pas des excuses mais... la vie n'est pas évidente, je suis navrée que tu doives traverser tout ceci et je veux te prendre la main pour prouver qu'il y a des personnes présentes pour toi. Tu t'en sors admirablement bien, tu as réussi des études, tu t'assumes, tu ne traînes pas n'importe où avec n'importe qui... tu sais ce que tu veux. C'est admirable que tu t'en sois sortie ainsi sans un réel modèle. Tu peux être fière de toi Amélia. Tu serais ma fille je serais une maman comblée.
- Comment était Jonathan plus jeune ?
Je change de sujet afin d'éviter de fondre en larmes. Magalie n'est pas dupe de mon petit manège mais elle se tait. Elle se prête au jeu des questions réponses. J'apprécie.
- C'est à dire ? Me demande-t-elle.
- Était-il timide, renfermé sur lui même et déjà angoissé.
Une ombre de tristesse passe rapidement dans son regard. Je touche une corde sensible et je m'en veux de ma curiosité.
- Pas du tout, il était tout l'inverse : plein de vie, intrépide, sociable... Seulement avec Etienne nous n'avons pas su le protéger. Une personne l'a blessé et l'a transformé du tout au tout. Je le répète, être parent n'est pas simple Amélia, j'étais sensée protéger mon enfant de tout mais c'est impossible. J'espère qu'un jour il saura en parler ouvertement avec la bonne personne, les différents psychologues consultés n'ont pas débloqué la situation.
Je ne m'attendais pas à un tel récit. J'imaginais sincèrement que Jonathan était ainsi depuis l'enfance. Je me suis lourdement trompée. Nous portons tous un fardeau. Peut-être est-ce pour cette raison que Jonathan m'intrigue autant. Sa sensibilité à fleur de peau, le fait qu'il soit toujours présent quand il m'arrive un ennui, son écoute. Je ne m'y attendais pas lorsque je suis tombée accidentellement dans ses bras.
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Nos âmes torturées
RomanceCollision amoureuse sur un bateau de croisière : Amélia, pétillante et pleine de vie, rêve de vacances ensoleillées sur un bateau de croisière. Mais son destin prend un virage inattendu lorsqu'elle se retrouve nez à nez avec un homme au charme ténéb...