Jonathan
« Déstabilisé », voilà mon état face à Amélia, même plus depuis qu'elle m'a pris la main, sans porter aucun jugement sur mon comportement. Son geste d'une simplicité désarmante a eu pour effet d'apaiser ma crise, bien plus efficacement que mes médicaments. Je suis dans une impasse, c'est indéniable. Nous avons passé le reste du repas à calmer nos joutes verbales, pour le bien de tous. Je n'ai aucune envie de dépasser les limites que je me suis fixé. Je ne suis pas encore prêt à lever les barrières, même si maintenir une certaine distance devient de plus en plus difficile.
Amélia devait passer un coup de fil et enregistrer le live pour ses abonnés TikTok. J'en ai donc profité pour m'éclipser, seul, j'ai accéléré le pas franchement, afin d'éviter de flancher au milieu de la foule... Victoire, j'ai réussi à ne pas m'écrouler. J'avoue, que je dois remercier ma mère que j'ai croisée en chemin. Elle a constaté mon état et s'est précipitée vers moi pour m'accompagner dans ma cabine mais j'ai préféré lui tenir compagnie.
- Nous n'avons pas discuté tous les deux, depuis longtemps remarque maman. Elle n'a pas tort. J'ai passé des moments avec mon père, mais pas un seul avec elle depuis que nous sommes sur ce bateau. Elle me laisse de l'espace, ce que j'apprécie. Or aujourd'hui, j'ai besoin d'elle.
- Désolé.
- Pourquoi es-tu de nouveau désolé ? Tu n'as pas à l'être. Je te connais. Tu souhaitais respirer. Je suis heureuse que tu m'invites à dialoguer sans que je te sollicite, cela me procure du bonheur. Je suis également très fière de ton comportement. Tu prends sur toi et tu sors de ta suite... excepté les deux derniers jours, pendant lesquels je suppose que tu devais récupérer.
- Je t'avais dit que je me lançais dans l'écriture et j'ai mis ce projet à exécution.
- Avances-tu bien ?
- Oui, ça va.
- Et le travail ? Tu en es où ?
- J'ai quelques propositions de contrat. Un projet en particulier a attiré mon attention. Dès notre retour, j'aurai de l'occupation.
- Excellente nouvelle, mon grand ! Je suis très heureuse pour toi. Comme tu es venu vers moi, c'est que tu as un sujet particulier à aborder, Alors, je t'écoute.
Je ne sais par où commencer. Je suis complètement perdu envers ce que je ressens pour Amélia : cette envie d'être en permanence avec elle, tout en souhaitant qu'elle ne s'attache pas pour finalement prier afin que ce soit réciproque et j'en suis presque persuadé. Je le veux autant que je le refuse. Je ne veux pas d'une simple aventure sexuelle, c'est bien là le problème. Je n'ai jamais eu la perspective de garder quelqu'un à mes côtés. Avec Amélia, c'est différent. Je suis perdu et je ne sais pas comment décrire ce qui défile dans ma tête.
Maman m'observe, penchant légèrement la tête sur la droite, comme lorsqu'elle cherche à décrypter les émotions qui se lisent sur mon visage et dans mon langage corporel.
- Toi ! Tu as un dilemme, je le vois bien à ton agitation. Arrête les cent pas devant moi et installe-toi sur le canapé ou le gros fauteuil. Explique-toi le plus simplement possible.
- C'est au sujet d'Amélia.
Ma mère étire les lèvres dans un grand sourire. Je lève les yeux au ciel.
- Je le savais ! J'aime beaucoup cette fille.
- Maman !
- Quoi ? Je donne juste mon avis éclairé sur cette petite.
- Super ! Ça ne va pas du tout m'aider. Mon ton ironique n'échappe pas à ma mère qui me connaît par cœur.
Elle fait mine de s'offusquer :
- Je n'ai jamais dit qu'elle était trop jeune pour toi. Quand je dis « petite », c'est affectueux. Rien d'autre. Donc, j'en conclus que la différence d'âge te dérange.
Je mets les mains dans les poches et j'arrête de m'agiter.
- S'il n'y avait que ça !
- Quoi d'autre ? me questionne-t-elle.
- Elle vit déjà l'enfer. Que pourrais-je bien lui apporter ? Elle va devoir s'occuper de moi et je déteste me sentir en position de faiblesse.
Ma mère roule des yeux.
- Jonathan ! Arrête d'être aussi négatif. L'amour n'est pas un sentiment aussi simple que tu le crois. On ne contrôle pas la personne dont on tombe amoureux et tu dois laisser Amélia décider de ce qui lui convient. Tu ne peux pas décider de la protéger contre son gré... Et si te rencontrer était la meilleure chose qui lui soit arrivée dans la vie ? Y as-tu déjà pensé ?
Complètement perdu. Je me braque instantanément.
- Je n'ai jamais dit que j'étais amoureux.
Le visage de ma mère s'illumine d'un sourire tendre qui me bouleverse toujours autant.
- Mon grand, c'est écrit sur ton front que tu es amoureux. Que tu le veuilles ou non, tu as été pris au piège. Je suis heureuse que ça t'arrive enfin.
Je m'apprête à râler de nouveau mais maman m'arrête.
- Stop ! Jonathan, prends le temps d'écouter ton cœur. Ne te presse pas. Sois simplement honnête avec ce que tu ressens et ça ira tout seul. N'aie pas peur d'aimer. Jamais. Dans une vie de couple, il y a des moments géniaux et d'autres moins. Alors oui, tu n'es pas parfait, tu as des crises d'anxiété qui aujourd'hui te pourrissent la vie, mais être soutenu t'aidera à te sentir moins seul et moins vulnérable. À deux, on est souvent plus fort, crois-moi. Est-ce que ton état dérange Amélia ?
- Je ne pense pas. J'avoue que je suis largué. Je n'aurais jamais imaginé m'attacher de cette façon. Ça me terrifie.
Ma mère s'approche de moi et me serre dans ses bras. Ce geste me rappelle toutes les fois où elle m'a consolé. A l'instant, je suis redevenu un petit garçon. Une dose de câlin maternel et je reprends de la force.
- N'aie jamais peur de ce que tu ressens. Écoute ce que ton cœur te dicte et non tes pensées ridicules.
Je ris légèrement.
- Papa m'a dit la même chose.
- Je ne suis pas étonnée.
- Toi aussi tu as eu peur de ce que tu ressentais pour papa ?
- Oh que oui ! Ton père m'en a fait voir de toutes les couleurs. J'avais plus envie de le frapper qu'autre chose. J'ai subi ses coups un peu tordus, mais je ne sais pour quelle raison, il était le seul pour qui je réagissais ainsi.
- Je l'imagine très bien.
Ma mère plonge dans ses pensées.
- Lui aussi pensait qu'il ne me méritait pas.
- C'est ce qu'il m'a raconté à plusieurs reprises.
- Quand on aime réellement quelqu'un, je pense qu'on ne se sent jamais à la hauteur. Aimer, c'est mettre l'autre sur un piédestal, le juger meilleur que nous en tout et pour tout. Alors ne commets pas l'erreur de passer à côté de tes sentiments. Tu ne peux pas décider pour Amélia. Fais tes choix et elle fera les siens. Tu n'aimerais pas qu'elle décide pour toi, n'est-ce pas ?
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Nos âmes torturées
RomanceCollision amoureuse sur un bateau de croisière : Amélia, pétillante et pleine de vie, rêve de vacances ensoleillées sur un bateau de croisière. Mais son destin prend un virage inattendu lorsqu'elle se retrouve nez à nez avec un homme au charme ténéb...