23 - État cataclysmique

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Amélia

J'avais promis à Jeanine ma grand mère de cœur de transmettre une lettre en main propre à son fils. Cette femme et son mari m'ont sauvé la vie à de nombreuses reprises. Lorsque ma mère laissait entrer un mec douteux dans notre maison et qu'elle se mettait dans des états pas possibles... je me réfugiais chez Jeanine. Elle me préparait à manger, m'aidait à réaliser mes devoirs. Lorsque j'ai été placée en foyer d'accueil, elle s'en voulait de ne pas pouvoir me récupérer. Elle savait m'écouter, me guider, je la considérais comme ma grand-mère. Je voyage aujourd'hui avec mon argent mais également avec celui que Jeanine m'a confié pour rencontrer son fils.

Cet homme je l'ai contacté pour la première fois il y a deux mois. Retrouver sa trace n'a pas été simple. Ça m'a pris du temps. Il a été avenant et aimable, m'a super bien accueillie à ma sortie de bateau, il est venu me chercher et au moment où il a lu cette lettre il s'est métamorphosé.

Je suis triste et en colère. Je ne comprends rien de ce qu'il me raconte. Sa réaction est extrême. La surprise d' apprendre qu'il connaît ma mère, je n'étais pas au courant. Jamais Jeanine croisait ma mère et inversement, d'où ma stupéfaction.

Étant donné les réflexions que Christophe m'envoie à la figure. Je suis certaine qu'il connaît effectivement très bien ma maman. Alors quand il me demande si je ne suis pas au courant !...

Je suis complètement perdue. Avoir la présence de Jonathan à mes côtés me rassure même si je ne suis pas ravie qu'il me découvre de nouveau dans une situation compliquée. Décidément je ne lui montre pas la meilleure version de qui je suis.

Je tremble de nervosité. J'ai l'impression de vivre un cauchemar. J'étais heureuse de rencontrer Christophe, Jeanine m'a tellement parlé de lui, j'ai vu toutes les photos de lui enfant.

- Tu n'es vraiment pas au courant ?

Je souffle de lassitude.

- Combien de fois dois-je le répéter. Jeanine m'a suppliée de venir vous donner en main propre cette fichue lettre. Votre mère m'a tellement parlé de vous sans évoquer vos différents. Pour moi vos parents étaient mes grands parents de cœur, ils ont toujours été là pour moi, même à l'époque où j'ai été placée. Si je m'en suis sortie c'est grâce à eux, d'où l'importance de vous rencontrer.

- Je ne sais pas trop quoi te répondre Amélia. J'ai une question à te poser : quand es-tu née exactement ?

Mon cerveau turbine. Pourquoi une telle question ?

- Le cinq juillet, j'ai vingt deux ans. Pourquoi ?

- Il est important que nous discutions, prends connaissance de la lettre de ma mère.

J'hésite quelques secondes puis je saisis la feuille. Ma lecture me laisse sans voix.

« Christophe,

Comment te décrire à quel point je suis désolée de ne plus être de ce monde. Nous avons finalement très peu profité l'un de l'autre. Nous t'avons envoyé à l'étranger pour te sauver. En le faisant nous avons gardé un secret qui me pèse aujourd'hui, pourtant je suis convaincue que tu ne t'en serais pas sorti si tu l'avais su. Être parent c'est compliqué, cacher à son enfant qu'il est papa l'est encore plus. Avec ton père nous ne savions pas comment réagir. Au début nous n'avions pas cru les "dire" de Sylvia, la rumeur courait qu'elle était enceinte d'un de ses dealers, une autre te citait comme père potentiel. Nous refusions de le croire c'est pour cette raison que nous avons opté pour l'étranger afin que tu poursuives tes études et que tu entames une cure de désintoxication. La petite a pris de l'âge, au plus je la cotoyais au plus elle te ressemblait. Le doute n'était plus permis. Nous avons compris trop tard qu'elle était ta fille. Ton père refusait de t'impliquer à nouveau dans la vie de Sylvia mais la petite n'a rien demandé. Elle est au milieu de toute cet imbroglio et se dépêtre dans la vie comme elle peut mais cela me bouleverse profondément. Je l'aide comme je peux, j'aurai aimé l'adopter mais c'était impossible sans t'avertir. J'ai respecté la décision de ton grand père. Tu vas nous en vouloir et tu en as le droit. La jeune femme qui te remet cette lettre est ta fille. Je ne voulais pas emporter ce secret dans la tombe.

S'il te plaît je t'en supplie, aide Amélia à s'éloigner de sa mère et de son entourage toxique. J'ai très peur de quitter ce monde en la laissant livrée à elle même. Elle est dégourdie, rayonnante, elle te ressemble tellement. J'aimerai vous réunir.

Je ne te demande ni de me comprendre, ni de me pardonner. Mon seul souhait est que tu rencontres ta fille et que tu t'en occupes.

Tu es mon seul et unique enfant, tu es toute ma vie.

Ta mère imparfaite qui t'aime. »

Assommée, voilà, je me suis pris un coup de massue sur la tête. Je ne sais ni quoi penser, ni quoi dire. Tremblante je rends la lettre à Christophe. Jonathan est toujours à mes côtés silencieux, il s'est même rapproché de moi, en posant la main sur mon épaule pour me signifier que je peux compter sur lui. En tout cas c'est ce que mon cerveau interprète.

- Tu n'étais pas plus au courant que moi.

Je secoue la tête dans la négative. Je réalise soudain que j'ai un père. Je suis sous le choc, je ne sais comment réagir, les mots ne viennent pas. Ma tête n'arrive pas à trier. J'ai vingt-deux ans, je suis à Lisbonne en voyage et je rencontre un homme, mon père. Sans omettre que les personnes que j'ai considérées comme mes grands-parents l'étaient réellement.

- Désolé de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais depuis tout à l'heure nous sommes au milieu de la rue. Ce serait bien d'aller dans un endroit plus au calme.

La voix de Jonathan me sort de la torpeur.

- Tu as raison.

- Tu veux que je t'accompagne ?

- Oui s'il te plaît. Enfin... si pour toi c'est d'accord.

Nos âmes torturées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant