— Wendy ? Tu es avec moi ?
Je me tournais vers la voix douce de Judy en étouffant un énième bâillement.
— Oui, pardon, répondis-je d'une voix traînante.
Ma collègue fronça les sourcils et mit ses mains sur ses hanches.
— Maintenant que le client est parti, j'espère que tu vas me dire ce qui t'arrive.
Je poussais un petit soupir en m'asseyant sur la chaise du bureau de l'accueil.
Comme je l'avais prédit, ainsi qu'Eden, le réveil s'était avéré difficile ce matin. J'avais mis une éternité à me sortir du lit et à me préparer, cachant du mieux que je le pouvais mon visage fatigué avec de l'anti-cernes.
Je n'avais pas vu Neil depuis la veille au soir et j'espérais qu'il avait mieux dormi que moi et qu'il n'était pas trop inquiet.
En repensant au fait que j'avais passé une partie de la nuit à discuter ouvertement avec Eden, je ne pouvais empêcher mon coeur de s'emballer. En me réveillant ce matin, j'avais eu l'étrange impression que cela n'avait été qu'un rêve. Mais en récupérant mon portable le matin, j'avais fait défiler nos nombreux messages qui m'avaient confirmé que je n'avais pas rêvé.
Je reportais mon attention sur Judy qui me regardait toujours fixement, attendant que je lui révèle la vérité sur mes bâillements incessants.
— J'ai simplement passé une mauvaise nuit, répondis-je faiblement en fermant pendant quelques instants mes yeux lourds.
J'avais un mal de crâne affreux
— Ça, tu n'as pas besoin de me l'apprendre, rit-elle en s'asseyant à côté de moi. Il suffit de voir ta tête pour s'en rendre compte.
Quand elle m'avait vu arriver, Judy n'avait pas manqué de me faire remarquer que j'avais une mine affreuse. Mais étant arrivée juste au moment de l'ouverture, et devant servir un client, Judy n'avait pas eu l'occasion de me cuisiner à ce propos.
Elle me tapota la cuisse et j'ouvris les yeux sur son visage parfait qui ne devait jamais souffrir du manque de sommeil, lui.
— Allez, raconte-moi.
Je me laissais convaincre par sa voix douce et lui parlais du coup de téléphone de ma mère. Comme je l'avais imaginé, mon amie fut toute excitée par cette nouvelle. Elle compatit, cependant, en m'entendant lui décrire les émotions que j'avais ressenti, pour ma part.
— Oui, j'imagine que ça à dû te remonter pas mal de souvenirs douloureux, me dit-elle avec empathie.
Je lui racontais donc que je m'étais endormie en pleurs et que je m'étais réveillée à deux heures du matin, incapable de retrouver le sommeil. J'avais décidé de taire mes échanges téléphoniques avec son frère. Je ne savais toujours pas si c'était Judy qui avait dissuadé Eden de venir me saluer l'autre jour, mais si elle se doutait réellement de quelque chose, je préférais ne pas en rajouter.
— Je comprends mieux, maintenant, pourquoi tu es aussi fatiguée.
J'acquiesçais en fermant de nouveau mes paupières tout en me massant le front.
— Tu n'as pas idée.
Elle ricana doucement et je l'entendis se lever, ce qui me fit rouvrir les yeux.
— Tu n'as qu'à aller te reposer à l'arrière boutique, je peux me débrouiller ne t'en fais pas.
Je me redressais sur mon fauteuil.
— Non, ne t'inquiète pas, ça va aller, je t'assure, tentais-je de la rassurer en me levant.
Mais je sentis ma tête tourner au moment où je me mettais debout et Judy dû me rattraper avant que je ne m'écroule de nouveau dans le fauteuil.
— Wendy, je t'assure que tu as besoin de repos. Tu ne tiens même pas debout !
— Je me suis levée trop vite, c'est tout.
Dès que je retrouvais mon équilibre, je me dégageais doucement du bras de Judy, qui me tenait toujours par crainte que je ne m'évanouisse, et lui montrait que j'étais parfaitement capable de travailler, malgré ma tête qui me faisait un mal de chien.
Elle ne fut pas de cet avis, cependant, et me regarda avec un air de désapprobation.
— Wendy ! J'aimerais que tu m'écoutes pour une fois...
Je plissais le front en ouvrant de grands yeux. Comment pouvait-elle dire cela alors que je l'écoutais presque toujours ? Elle sentit que j'allais répliquer quelque chose et leva la main en hochant la tête.
— Je sais ce que tu vas dire, me coupa-t-elle. J'aimerais que tu m'écoutes, encore plus quand il s'agit de ta santé. Alors tu vas me faire le plaisir de t'installer confortablement dans le bon canapé moelleux qui t'attends et te reposer.
Je poussais un soupir résigné tandis qu'elle me poussait gentiment vers la porte menant à l'arrière-boutique.
— Mais je ne vais pas dormir pendant que tu travailles, c'est ridicule, me plaignis-je.
Judy émit un petit bruit de langue réprobateur.
— Je peux t'assurer qu'il vaut mieux que je travaille seule, aujourd'hui. Non seulement ta tête va me déconcentrer, mais en plus, tu vas tout faire de travers. Sans parler des clients que tu vas probablement terroriser.
— Merci, lâchais-je de manière sarcastique et boudeuse, ce qui la fit rire.
Nous étions arrivée dans l'arrière-boutique, face au gros canapé. Judy avait raison, il avait l'air vraiment confortable pour une bonne sieste. Mais je n'étais pas là pour cela !
Je pivotais vers elle avant qu'elle ne se mette à vouloir m'asseoir de force. Je savais que si je me posais dans ce magnifique canapé, je ne pourrais plus m'en extirper, alors il fallait que je joue la dernière carte que j'avais dans la manche.
— Et si Christian vient et me trouve endormie ? Il va forcément me réprimander et je pourrais dire adieu à mon stage ! M'exclamais-je, paniquée.
Judy prit l'air d'une maman qui écoutait patiemment les jérémiades de son enfant.
— Ne t'inquiète pas pour Christian. Il est occupé toute la journée, il ne pourra pas venir aujourd'hui.
Je croisais les bras sur ma poitrine, guère convaincue.
— Alors ça, tu ne peux pas en être sûre, Judy.
— Oh si ! Crois-moi, j'en suis sûre !
Elle avait prononcé ces mots avec une telle conviction que je ne pouvais répliquer quoique ce soit.
Elle finit par me pousser doucement et je me laissais tomber sur le canapé, qui était encore plus confortable qu'il ne le laissait paraître. Judy alla ouvrir le coffre en bois qui faisait office de table basse pour en ressortir un plaid écru. Je ne m'étais pas encore allongée et elle soupira en posant le plaid à côté de moi avant de s'agenouiller devant moi.
— Qu'est-ce que tu fais ? Demandais-je en me reculant.
— Je t'enlève tes chaussures, Wendy.
Je m'empressais de me pencher pour l'empêcher de continuer.
— Laisse, je vais le faire. Tu ne vas quand même pas faire ça.
— Si ça peut t'obliger à te reposer, je le ferais.
Je déposais soigneusement mes chaussures au pied du canapé et étendis mes jambes tout en posant ma tête sur l'un des coussins jaunes rembourrés. Judy me couvris avec le plaid, dans un geste maternel, et se pencha vers moi.
— Et ne t'avise pas de revenir au bout de cinq minutes, menaça-t-elle. De toute façon, si tu le fais, je n'aurais pas d'autres choix que de t'enfermer, j'espère que tu en es consciente ?
Je cachais mon envie de rire dans la couverture qui sentait bon la fleur de cerisier avant de hocher la tête. Je ressentis soudain une vive affection pour Judy, touchée par son attention envers moi.
— Merci, lui dis-je en lui souriant malgré mes yeux lourds.
Elle se redressa et m'adressa un petit sourire réconfortant.
— Tu me remercieras quand tu auras rattrapé tes heures de sommeil manquantes. Repose toi bien, me lança-t-elle en s'éloignant.
Je poussais un petit grognement et l'entendit rire avant de quitter la pièce.
Finalement, j'aurais peut-être mieux fait de ne pas lui raconter ma soirée d'hier. Mais ma tête trahissait trop mon manque de sommeil et même sans savoir pourquoi j'étais épuisée, elle m'aurait forcé à me reposer.
Je souris en regardant la cheminée, face à moi. Judy était vraiment une amie en or.
Bien que l'idée de dormir au travail m'avait profondément gênée au début, je ne mis pas longtemps à me détendre complètement et à fermer les paupières.
Au bout de quelques minutes, seulement, je sombrais dans les bras de Morphée.
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Anmore Cove
FantastiqueA dix-huit ans, Wendy décide de partir vivre avec son oncle qui lui a trouvé un stage dans la librairie de sa ville, Anmore Cove. Encore marquée par l'abandon de son père quand elle avait six ans, la jeune fille voit dans ce changement l'échappatoir...