Chapitre 15

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Eden quitta la librairie quelques minutes après le retour de Judy, prétextant du travail en retard.
J'avais remis en doute son excuse car il avait regardé son téléphone, qui s'était mis à vibrer, et son regard s'était assombri considérablement, malgré ses efforts pour tenter de le cacher.
    En jetant un oeil en direction de Judy, j'avais vu qu'elle avait remarqué, elle aussi, le changement d'attitude soudain de son frère mais elle s'était retenue de poser la moindre question quand Eden avait relevé ses yeux vers elle.
    J'aurais mis ma main à couper qu'il ne voulait pas en parler devant moi, ce qui me vexa quelque peu.
    Il finit par partir et je restais seule avec une Judy préoccupée. Elle non plus n'aimait pas être mise de côté, visiblement. Je la comprenais très bien. Je sentais, à son silence, qu'elle aurait aimé partir à la suite de son frère pour savoir ce qui l'avait tant alarmé.
    Elle n'eut pas à attendre bien longtemps. Au bout de seulement trente minutes, le téléphone de Judy sonna et elle se précipita dessus pour répondre, avant de filer dans l'arrière boutique.
    Je me sentis plus seule que jamais. Il était évident que c'était un appel d'Eden qui la mettait au parfum de la situation.
    Je tendais l'oreille, pour essayer de percevoir des bribes de la conversation téléphonique, mais n'entendit rien du tout. A coup sûr, elle s'était enfermée dans le bureau de Christian pour ne pas que j'entende.
    Je soufflais d'exaspération. Je commençais sérieusement à en avoir marre de leurs cachotteries ! S'ils étaient tellement désireux de ne pas me révéler ce qui se passait, il allait falloir qu'ils arrêtent de parler à demi-mot devant moi. Je voulais bien me mêler de ce qui me regardait, mais il ne fallait pas non plus pousser ma curiosité trop loin !
    Judy revient finalement, affichant une expression indéchiffrable sur son visage parfait.
    — Je dois y aller, me dit-elle simplement.
    J'ouvris de grands yeux.
    — Maintenant ?
    Elle hocha la tête et commença à rassembler ses affaires. Une lueur d'anxiété teintait le fond de ses yeux.
    — Il y a un problème ? Demandais-je en me levant de mon fauteuil et en m'approchant d'elle.
    Elle garda le silence en s'emparant de son sac à main.
    — Rien qui devrait te tracasser, me dit-elle finalement sans me regarder.
    Son ton avait voulu être prévenant, mais son visage était toujours aussi préoccupé. Je m'avançais de quelques pas.
    — Judy ?
    Elle se tourna vers moi et me fit un petit sourire absent.
    — Tu peux fermer plus tôt, si tu veux. Christian ne dira rien, ne t'inquiète pas. Tu devrais d'ailleurs rentrer chez toi. Ça ne sert à rien que tu restes toute seule, ici.
    Sa soudaine envie de me voir rentrer m'alerta. J'avais déjà été seule à la librairie jusqu'à la fermeture, et cela n'avait jamais semblé posé de problème. Pourquoi, d'un coup, elle souhaitait me voir fermer plus tôt ?
    — Judy, je peux gérer la fermeture, ce n'est pas la première fois que je le fais...
    — Il y a une tempête qui se prépare, me coupa-t-elle avant que je n'ai pu finir ma phrase.
    — Une tempête ? Répétais-je, incrédule.
    Je me rappelais alors qu'un des titres sur le journal faisait mention d'une tempête qui était à prévoir en fin de journée.
    Judy se détourna et se dirigea vers l'arrière boutique.
    — Oui, je pense que tu devrais vraiment rentrer avant qu'elle n'éclate. Je serais plus rassurée et ton oncle aussi, c'est certain.
    Elle avait adopté un ton pressant que je ne lui connaissais pas.
    — Je t'assure que ce n'est pas...
    Elle fit volte-face et planta son regard dans le mien.
    — S'il te plaît, Wendy. Rentre chez toi.
    Je sentis un frisson me parcourir l'échine alors que les prunelles de Judy me regardaient avec insistance. Comme pour confirmer ce qu'elle me disait, un grondement sourd retentit au loin. L'orage avançait déjà vers nous.
    Je finis par hocher la tête, incapable de rétorquer quoique ce soit. Son visage sembla se détendre légèrement alors que je me demandais ce qu'elle pouvait bien avoir pour agir de cette façon si étrange.
    — Ferme la boutique et dépêche toi de rentrer chez toi, me répéta-t-elle en déposant un baiser pressé sur ma joue.
    Elle ouvrit la porte de derrière et s'arrêta sur le seuil, la main sur la poignée.
    — Ecris-moi quand tu es arrivée.
    Je repris mes esprits et eut un petit sourire.
    — Judy, tu n'as pas à jouer la maman poule. Ce n'est qu'une petite tempête, ce n'est pas si...
    — Wendy, rassure moi et écris moi quand tu seras chez toi. Je te le demande.
    De nouveau, son regard me figea sur place et je n'eus d'autre choix que d'acquiescer en silence.
    — On se voit demain, me lança-t-elle avant de refermer la porte.
    Je me retrouvais seule dans la librairie, où un lourd silence venait de s'abattre brutalement. Judy avait réussi à faire monter l'angoisse dans mon ventre.
    Je regardais autour de moi comme si un meurtrier se cachait parmi les cartons de livres et s'apprêtait à me sauter dessus.
    Je sentis la peur couler dans mes veines. Il ne fallait pas que je pense à ce genre de choses, cela n'allait certainement pas m'aider à rester maître de moi.
    Je me dirigeais, assez vite, vers le comptoir de l'accueil et commençais à éteindre les ordinateurs et à ranger vite fait le bureau.
    J'étais toujours perplexe quant à la réaction de Judy. Jamais je ne l'avais vu aussi inquiète, presque... apeurée. Je ne savais pas si son comportement avait un lien avec le coup de téléphone qu'elle avait eu, ou si c'était réellement la tempête qui la mettait dans cet état, mais son affolement n'avait rien eu de rassurant.
    Un deuxième grondement résonna au dehors, plus proche que le premier et je regardais par la fenêtre. Les nuages noirs avaient obscurcis le ciel à une vitesse phénoménal, si bien qu'il faisait déjà nuit dehors. La faible lumière des réverbères éclairaient la place où seulement deux personnes, visiblement un couple, se dépêchaient de se mettre à l'abris.
    Le vent s'était levé et agitait le feuillage des arbres avec force. Je vis quelques petites branches se détacher sous la puissance du souffle et s'envoler dans les airs avant d'atterrir dans un bruit sourd sur le toit de la boutique. L'échos du choc me fit sursauter.
    Je m'empressais d'aller retourner le panneau de la porte d'entrée avant de verrouiller la porte. J'avais eu quelques réticences à fermer la boutique prématurément, mais en voyant la place déserte, il était inutile de la laisser ouverte. Personne n'allait braver une tempête pour se rendre à la librairie et acheter un bouquin, il fallait se rendre à l'évidence. Même moi, qui aimais pourtant passionnément les livres, je n'avais qu'une envie, en cet instant, c'était de rentrer chez moi.
    Je regardais brièvement de l'autre côté de la place et constatais que Ben avait lui aussi usé de prévenance en décidant de fermer son café plus tôt que d'habitude. Tous les commerces alentours avaient eu la même jugeote, à vrai dire. La librairie était la seule à être encore ouverte.
    Le hurlement du vent qui s'engouffrait à l'intérieur du bâtiment accentua ma panique. Je retournais à vive allure au comptoir et récupérais mon manteau.
    A cet instant, un éclair déchira le ciel et s'abattit violemment à quelques mètres de là. La détonation qui suivit me glaça les sangs et au même moment, les plombs sautèrent, plongeant la boutique dans le noir complet.
    Je n'avais plus le temps de finaliser correctement la fermeture. De toute façon, les lumières étaient déjà éteintes. Il était inutile d'aller les rallumer juste pour ranger les cartons qui étaient sortis. J'étais persuadée que Judy ne me tiendrait pas rigueur pour ce manquement. Et même si c'était le cas, c'était un risque que je pouvais bien prendre. Je n'avais aucune envie de rester une minute de plus toute seule ici.
    J'enfilais à la hâte mon manteau et traversais l'arrière-boutique, en tâtonnant dans le noir pour ne pas me prendre un obstacle. J'atteignis la porte sans encombres en ayant cette étrange sensation que Judy était partie depuis une éternité, alors que je savais pertinemment que ce n'était pas le cas.
    En ouvrant la porte, je fus à deux doigts de basculer en arrière sous la pression du vent qui s'infiltra à l'intérieur. Je parvins à retrouver mon équilibre et m'avançais au dehors avant de refermer, non sans quelques difficultés, la porte derrière moi.
    Je m'empressais de me rendre à ma voiture, en m'arrêtant de temps en temps pour lutter contre le vent qui ralentissait considérablement ma progression.
    Des gouttes de pluies glacées m'assaillirent bientôt et tombèrent lourdement sur moi. Quand j'arrivais à hauteur de la grande fontaine centrale, j'étais déjà trempée et je tremblais sous le froid saisissant. Me maintenant fermement au rebord en pierre, je remontais ma capuche à une main, même si le mal était déjà fait et que mes cheveux étaient complètement gorgés d'eau.
    Je pris le temps de regarder brièvement autour de moi. Constater que j'étais littéralement seule face à cette tempête me noua l'estomac. Les arbres bougeaient dans tous les sens avec une telle force que j'eus très peur d'en voir un se déraciner sous mes yeux. Je priais pour qu'aucun ne se décide à s'écraser sur ma voiture, m'empêchant de rentrer. Cela aurait été bien ma veine !
    Un autre éclair traversa le ciel noir tel un flash d'appareil photo et je relevais brusquement la tête. J'avais espéré que l'orage se soit éloigné, mais le bruit qui se répercuta à mes tympans me détrompa. Je sentis le sol vibrer sous mes pieds, alors que je portais ma main libre à mon oreille pour alléger la puissance du grondement sourd.
    Je sentis ma panique se décupler en imaginant un éclair me frapper de plein fouet. Cette sombre vision fit monter mon adrénaline d'un seul coup, et je me remis en route rapidement, pour atteindre ma voiture qui se trouvait à quelques mètres de là.
    J'avançais lentement, ralentie par les rafales de vent qui ne voulaient visiblement pas que je rentre chez moi. Je trébuchais à de nombreuses reprises sur les pavés glissants, mais ne tombais pas, par miracle. La pluie me giflait le visage et je devais plisser les yeux pour m'orienter correctement.
    Quand, enfin, je fus à hauteur de ma voiture, un autre éclair se dessina au dessus de ma tête. De nouveau, je me bouchais les oreilles quand le roulement du tonnerre retentit. Je glissais une main dans la poche de ma veste, à la recherche de mes clés de voiture, qui demeurèrent introuvable.
    Affolée, je fouillais dans les autres poches, espérant vivement les trouver, pour ne pas devoir refaire le chemin en sens inverse. Les sentant enfin sous mes doigts, je poussais un petit soupir de soulagement. Une rafale me bouscula, et je me sentis reculer. Je réussis à me stabiliser en m'accrochant à la poignée et j'en profitais pour me glisser à l'intérieur du véhicule.
    Une fois à l'abris dans l'habitacle, je retirais ma capuche et fermais les yeux en laissant aller ma tête contre le siège. La voiture tanguait au rythme du vent mais les sons me parvenaient plus étouffés, à présent. Pour autant, je ne voulais pas m'attarder ici. Je ne pouvais pas attendre que la tempête se calme avant de rentrer.
    De toute évidence, il allait falloir que je sois très prudente sur la route. Cette pensée me fit automatiquement penser à Neil. Il fallait que je le prévienne que je me mettais en route et que je n'allais pas tarder à rentrer. Au moins, s'il ne me voyait pas arriver d'ici quelques heures, il saurait que la tempête aurait eu raison de moi.
    Je tâtais mes poches à la recherche de mon portable, mais me rappelais soudain que je ne l'avais pas senti quand j'avais cherché mes clés. La panique me gagna de nouveau alors que je me fouillais entièrement.
    Ce n'était pas possible. Je n'avais quand même pas été aussi bête pour oublier mon téléphone à la librairie dans un moment aussi critique !
    Il fallait pourtant que je me rende à l'évidence. Je n'avais pas mon portable sur moi et cela ne signifiait qu'une seule chose. J'étais bonne pour refaire le chemin en sens inverse.
    Je me penchais en avant et regardais au dehors par le pare-brise. Je savais pertinemment que la tempête n'avait pas cessé, je ne me trouvais dans la voiture que depuis deux minutes. Mais j'observais malgré tout le ciel, comme si le vent, la pluie et les éclairs allaient se décider à s'arrêter en voyant mon désarrois face à l'idée de devoir retraverser la place.
    J'appuyais mon front sur le volant froid et me tapais doucement dessus.
    — Pourquoi, pourquoi, pourquoi..., répétais-je, désemparée.
    Je n'avais aucune envie de braver de nouveau la tempête pour retourner à la boutique. Pourtant, il le fallait bien. J'avais besoin de mon téléphone pour prévenir mon oncle, ainsi que Judy, à qui j'avais promis de lui dire que j'étais bien arrivée. Au vu du regard qu'elle m'avait jeté, par deux fois, pour que j'accepte de la rassurer, je ne pouvais pas me permettre de manquer à ma promesse.
    Je me redressais, ne pouvant m'empêcher de faire la moue à l'idée de ce qui m'attendait dehors, et remis ma capuche trempée sur ma tête. Je pris une profonde inspiration, comme si je me préparais à aller à la guerre, et ouvris la portière avant de me jeter dehors.
    Elle se referma derrière moi dans un claquement sourd et je n'eus pas le temps de la retenir. J'avais la sensation que la tempête était ravie de me voir revenir sur le champs de bataille.
    La pluie me fouettait le visage et le vent fit voler ma capuche en arrière. Tant pis, puisque la tempête le désirait, je ferais sans.
    Je n'avais plus de temps à perdre, aussi, je m'élançais vers la librairie et traversais la place en courant, cette fois. C'était bien plus facile, étant donné que le vent, soufflant à présent dans mon dos, m'insufflait davantage de vitesse. Je veillais tout de même à ne pas glisser sur les pavés, rendus encore plus glissants que tout à l'heure. Mais évidemment, c'était peine perdu.
    Je trébuchais et m'affalais lourdement sur le sol froid et mouillé en lâchant un juron. Une détonation résonna soudain, non loin de moi et je me mis à crier de peur en me protégeant la tête de mes bras.
    Mon coeur jouait du tam-tam dans ma poitrine et tout mon corps se mit à trembler. J'étais plus que sûre que l'éclair était tombé à quelques mètres à peine de moi. Le son m'était parvenu de bien trop près pour que le doute soit possible.
    Rassemblant tout le courage qui me restait (et il n'y en avait plus beaucoup en réserve), je me relevais péniblement pour me remettre en route et atteignis l'arrière de la boutique en quelques enjambées.
    Quand j'arrivais au niveau de la porte, je m'empressais de sortir le trousseau de clés de ma poche avant de constater qu'elle n'était pas verrouillée. J'avais probablement oublié de fermer, dans la panique.
    Passé l'effet de surprise, je m'engouffrais à l'intérieur. La porte se referma toute seule, et je me retrouvais dans le noir complet. Je tendis la main vers l'interrupteur qui se trouvait à côté de la porte et appuyais dessus. Rien ne se passa.
    Je réitérais la manoeuvre avant de me souvenir que les plombs avaient sautés, quelques instants plus tôt.
    En soupirant, je me mis à réfléchir. Il allait être plutôt difficile de trouver mon téléphone à l'aveugle. Je me souvins alors que le compteur électrique se trouvait non loin de la porte. Si mes souvenirs étaient bons, je n'avais qu'à longer le mur sur ma gauche et logiquement, il devait se trouver au bout.
    Le tonnerre retentit, aussi bruyamment que précédemment, faisant trembler légèrement le bâtiment. Je n'avais jamais vu un orage qui restait fixé au même endroit pendant si longtemps. D'habitude, ceux que j'avais toujours connu s'éloignaient plutôt rapidement, après avoir frappé une fois ou deux. Ici, ce n'était visiblement pas le cas et il semblait bien décidé à rester encore un peu au-dessus d'Anmore Cove, comme s'il était ravi d'avoir, pour une fois, une proie sous la main. En l'occurrence, moi.
    Je pivotais afin de poser ma main gauche sur le mur pour me guider, et commençais à avancer droit devant moi. Mon genou heurta un carton de livres et j'étouffais un petit cri de surprise (et aussi un peu de douleur) avant d'arriver devant le compteur. Maintenant, il allait falloir que je me débrouille pour essayer de distinguer, dans la faible lueur de la lune qui perçait à travers la fenêtre, lequel des boutons allait rallumer la lumière.
    Je m'approchais, de manière à être à quelques centimètres du panneau électrique, quand un bruit de l'autre côté de la pièce, me fit suspendre mon geste et tourner la tête.
    Je retins ma respiration et tâchais de conserver mon calme, malgré la peur qui me tenaillait le ventre. N'entendant plus rien, je me demandais si je n'avais pas rêvé. Ce devait sûrement être une branche qui avait gratté contre le toit, ou la pluie qui cognait contre les vitres.
    Je repris mon souffle et me tournais de nouveau vers le compteur. Je ne devais pas me laisser submerger par la peur, sinon je n'allais pas m'en sortir.
    En plissant les yeux, je crus reconnaître le bouton que je cherchais. Mais avant que je ne puisse l'enclencher, un nouveau bruit, plus distinct cette fois, parvint à mes oreilles, me figeant de stupeur.
    Ce n'était ni la pluie, ni une branche, ni même le vent.
    Sans parvenir à le distinguer parfaitement, ce son me fit étrangement penser à une sorte de sanglot étouffé. A moins que ce ne soit le son d'un animal qui était piégé. Quoiqu'il en soit, il avait suffit à me paralyser de terreur.
    Il y avait, de toute évidence, quelque chose ou quelqu'un dans la librairie qui n'avait pas à être là.
    Je me redressais lentement tandis que le bruit se répétait, une troisième fois.
    Ma première idée fut de prendre mes jambes à mon cou, et de m'enfuir loin du danger. Cette soirée n'en finissait pas de jouer avec mes émotions et mes nerfs et je voulais à tout prix qu'elle se termine au plus vite.
    Puis, la raison s'empara de moi, et malgré la peur qui me coupait le souffle, c'était mon devoir de vérifier que personne n'était entré dans la boutique. Après tout, j'étais la seule qui restait et même si l'idée de me retrouver nez à nez avec un individu dangereux ou une bête me terrifiait, je devais prendre mon courage à deux mains et être responsable. Même s'il y avait des chances pour que je finisse comme cette pauvre femme que l'on avait retrouvé dans la forêt, le coeur arraché.
    La peur accentua les battement de mon coeur et je fustigeais mon cerveau pour m'insuffler de telle idées en un moment pareil. Déjà que la jauge de mon courage était au plus bas !
    Je commençais à me diriger vers le centre de la pièce, tendant les mains devant moi pour éviter de percuter un objet. Au moment où j'arrivais à hauteur de la porte séparant l'arrière-boutique de l'accueil, un éclair fendit le ciel et illumina, pendant un bref instant, le comptoir. Je vis alors mon téléphone, posé sur le bureau et je soupirais de soulagement.
    J'allais le récupérer rapidement et le déverrouillais d'une main tremblante pour vérifier que je n'avais reçu aucun message, quand le même bruit se répéta pour la quatrième fois me faisant sursauter violemment.
    Une sueur froide coula le long de ma colonne vertébrale tandis que je relevais la tête et me tournais brusquement vers le local, au fond de l'arrière-boutique.
    Le bruit venait de là-bas, j'en étais certaine, à présent. Le coeur au bord des lèvres et les mains moites, j'allumais la lampe torche de mon téléphone pour m'éclairer le chemin.
    J'avançais, méfiante, tout en veillant à faire le moins de bruit possible. Une part de moi était quand même rassurée d'avoir de la lumière pour m'éclairer. Je n'aurais certainement pas été aussi téméraire si j'avais du m'engouffrer dans le local sans savoir ce qui m'attendait à l'intérieur.
    J'avais la sensation que mon coeur tapait dans le fond de ma gorge, quand je m'arrêtais devant la porte du local, qui était à demie ouverte. Je balayais la pièce avec mon téléphone afin de l'éclairer, les mains tremblantes.
    Certains cartons étaient éparpillés au sol, mais à part ce détail, je ne voyais rien d'anormal. Instinctivement, j'appuyais sur l'interrupteur pour avoir davantage de lumière, avant de me rendre compte que mon geste était stupide et que la peur me faisait faire n'importe quoi.
    Comme tout avait l'air calme, et que je n'avais pas envie de rester une minute de plus ici, de peur de me faire surprendre par une bête enragée, je commençais à tourner les talons pour déguerpir. Mais un murmure étouffé me parvins et mon sang se figea dans mes veines.
    Je me retournais lentement, le souffle saccadé et les jambes flageolantes, avant de faire quelques pas dans le local.
    — Il y a quelqu'un ? Demandais-je d'une voix mal assurée.
    Je continuais d'éclairer la pièce mais la peur m'empêchait d'avancer. Je m'étais arrêtée au niveau de la grande bibliothèque de livres anciens et perçus des murmures, mêlés à des sanglots, venant du fond de la pièce.
    Ignorant d'où me venait ce courage, je m'avançais encore de quelques pas. J'éclairais le mur du fond, juste derrière le petit bureau encombré, mais ne trouvais que des cartons vides.
    Il n'y avait personne. Mon esprit m'avait sûrement joué des tours.
    Au moment où je me retournais pour repartir, mon téléphone éclaira le mur à côté de la grande vitrine de livres et je lâchais un cri strident de panique tout en bondissant en arrière. Mon portable s'écrasa à mes pieds mais le faisceau lumineux éclairait toujours la pièce, me permettant de me rendre compte que je n'avais pas rêvé.
    Cachée entre le mur et la bibliothèque, une femme, repliée sur elle-même, le regard vide, fixant un point devant elle avec des yeux écarquillés d'horreur, se tenait la tête entre les mains tout en se balançant d'avant en arrière.
    Mon coeur avait été à deux doigts de lâcher en la découvrant. La lumière qui éclairait son visage amaigri et ses yeux exorbités, ne sembla pas la déranger. C'était comme si elle ne la voyait pas.
    Il me fallut quelques secondes pour recouvrais mes esprits. Je ramassais mon portable et m'approchais prudemment de l'inconnue, en veillant à ne pas l'effrayer.
    — Madame ? Tout va bien ?
    Ma question était idiote. Evidemment que cette pauvre femme n'allait pas bien. Il suffisait de la voir pour le constater. Elle continuait de se balancer d'avant en arrière, à un rythme régulier, tout en murmurant quelque chose que je ne distinguais pas. Elle semblait littéralement effrayée et tout en m'approchant davantage, je pus discerner des traces de larmes sur ses joues.
    Que lui était-il arrivée ? Avait-elle été agressée ? Je m'attardais quelques instants sur ses vêtements et son corps, essayant de remarquer le moindre détail qui démontrerait une quelconque agression. Son pantalon était un peu égratigné au niveau des genoux et des traces de boue recouvrait l'ourlet du bas, mais à part cela, elle ne semblait pas avoir de traces d'ecchymoses.
    Elle portait un pull, beaucoup trop grand pour elle, avec un accroc au niveau de la manche, laissant ainsi apparaitre des égratignures et des traces bleutées sur son bras droit.
    Je sentis tout mon corps frémir d'horreur. Je me demandais si elle ne s'était pas échappée d'un asile. J'ignorais, toutefois, s'il y avait ce genre d'institut à Anmore Cove.
    Je reportais mon attention sur son visage. Malgré la peur et la folie qui semblaient l'habiter, on pouvait clairement voir que c'était une belle femme. Elle avait les traits fins, des yeux bleus céruléens magnifiques même si en cet instant ils étaient rougis et légèrement gonflés par les pleurs. Ses cheveux, d'un blond vénitien, étaient, certes en désordres, mais formaient de larges boucles encadrant gracieusement son visage.
    La peur, qui m'avait envahit plus tôt, céda la place à une profonde empathie pour cette femme en proie à la folie.
    Je m'accroupis devant elle, en veillant toujours à ne pas faire de gestes brusques.
    — Madame, est-ce que vous m'entendez ? Demandais-je en conservant un ton calme.
    Elle fixait toujours le mur en face d'elle, tout en murmurant, de plus en plus vite, des mots incompréhensibles. Elle ne semblait pas m'entendre et j'ignorais quoi faire pour la sortir de sa léthargie. J'aurais au moins aimé qu'elle daigne m'accorder un regard, et qu'elle me fasse comprendre qu'elle comprenait ce que je lui disais. Mais elle ne bougea pas.
    La tempête faisait toujours rage au dehors et je me mis à réfléchir à ce que je pouvais bien faire pour lui venir en aide. Elle devait forcément avoir une famille qui s'inquiétait pour elle, en cet instant.
    Je tendis la main et la posais timidement sur son bras. Elle sursauta légèrement, mais ses yeux restèrent rivés sur le mur.
    — Madame, avez-vous le numéro de quelqu'un que je pourrais appeler pour venir vous chercher ? Tentais-je, guère convaincue d'obtenir une réponse.
    La femme ne répondit pas, mais continua de se parler à elle-même. Je me dis alors qu'elle était peut-être étrangère et qu'elle ne parlait pas notre langue, ce qui expliquait qu'elle ne pouvait pas répondre à mes questions. Il fallait pourtant que je trouve une solution pour la sortir de là, et vite.
    Je pouvais peut-être appeler les secours. Après tout, plus je la voyais, plus je me disais que la probabilité qu'elle se soit échappée d'un hôpital psychiatrique était la plus plausible.
    Elle avait lâché sa tête et enserrait, à présent, ses genoux, comme si elle s'accrochait à une bouée de sauvetage. Il lui fallait des soins, c'était évident.
    En soupirant, je commençais à composer le numéro de téléphone des urgences, quand sa main s'agrippa fermement à mon bras. Je poussais un petit cri de surprise et me tournais vers la femme qui venait de m'empoigner. Ses yeux écarquillés et injectés de sang me regardaient, pour la première fois. Elle répéta plus fort le même mot incompréhensible.
    — Je ne comprends pas ce que vous me dites, dis-je, en tâchant de maîtriser la peur, qui m'avait de nouveau saisie.   
    Elle serra davantage mon bras et je grimaçais de douleur. J'ignorais qu'une femme aussi menue pouvait être dotée d'une telle force. Elle approcha son visage effrayé du mien et je sentis un frisson me parcourir l'échine.
    — Maudit ! Maudit ! Cria-t-elle plus fort.
    Pendant quelques secondes, mon regard fut perdu dans le sien et je crus qu'elle allait m'embarquer dans sa folie, tandis que la foudre éclairait son visage dément.
    Soudain, mon téléphone vibra dans ma main, nous faisant sursauter toutes les deux. Elle me lâcha le bras et se remit à contempler le mur du fond tout en reprenant ses divagations.
    Je pris l'appel et approchais le téléphone de mon oreille, d'une main encore tremblante par ce qui venait de se passer. Je gardais mon regard rivé sur la femme tout en bougeant doucement mon bras qu'elle m'avait broyé.
    — Allô ?
    — Wendy, tu es chez toi ?
    La voix d'Eden me parvint à l'autre bout du fil et je ne pus que m'étonner de son appel. Il semblait inquiet, lui aussi.
    — Non, je... je suis toujours à la librairie, dis-je en tâchant de contrôler les trémolos de ma voix.
    Je l'entendis grogner de désapprobation.
    — Que fais-tu encore là-bas ? Judy t'a dit de rentrer !
    Son ton était dur mais j'étais incapable de m'en formaliser, pour le moment. En revanche, je comprenais mieux, maintenant, la raison de son appel. Il voulait simplement vérifier que j'avais bien écouté les recommandations de sa soeur.
    — J'étais en route pour partir, mais j'avais oublié mon téléphone sur le comptoir, alors je suis revenue, expliquais-je.
    — Et ça t'a pris autant de temps pour le récupérer ? Demanda-t-il d'un ton bourru.
    Je regardais la femme qui se balançait en se serrant les épaules, comme pour se rassurer.
    — Non, c'est... j'ai trouvé une femme dans le local de la librairie.
    Un silence se fit dans le combiné, seulement comblé par sa respiration.
    — Elle semble perdue et effrayée, continuais-je. Elle répète des phrases incompréhensibles depuis tout à l'heure, je ne sais pas quoi faire. Je comptais appeler les secours pour...
    — Non, ce n'est pas la peine, me coupa soudain la voix forte d'Eden.
    J'eus un petit mouvement de recul instinctif.
    — Mais...
    — Je sais qui c'est. Ne bouge surtout pas, je serais là dans quelques minutes.
    — Mais Eden, elle a besoin de...
    Je ne finis pas ma phrase, il venait de raccrocher.
    Même si je ne comprenais pas trop pourquoi Eden ne voulait pas appeler les secours, j'étais rassurée de savoir qu'il la connaissait. Visiblement, il n'avait pas eu besoin de trop d'information pour savoir qui elle était. Elle était sûrement connue, ici. Peut-être même que ce n'était pas la première fois qu'elle s'échappait et que quelqu'un la trouvait. En tout cas, j'étais rassurée qu'il sache ce qu'il fallait faire pour elle.
    Je regardais avec peine cette pauvre femme démente et je me demandais ce qu'elle avait bien pu vivre pour finir de cette manière. Un terrible malheur, sans doute. On ne sombre pas dans la folie sans une bonne raison. Avait-elle de la famille ou était-elle toute seule pour supporter cette épreuve ?
    La lumière de mon téléphone éclairait toujours son visage et je me concentrais sur ses yeux, perdus dans un ailleurs qui n'existait que dans sa tête. Son regard me sembla alors familier. Pourtant, il était évident que je n'avais jamais croisé cette femme jusqu'ici. Je m'en serais souvenue. Ce n'est pas le genre d'individus que l'on pouvait oublier aussi facilement. Mais je percevais, au fond des ses yeux, un éclat qui ne m'était pas étranger. Peut-être était-ce simplement la lueur de souffrance que j'avais déjà perçu dans bon nombre de regards à Anmore Cove.
    Je posais doucement ma main sur la sienne afin de la réconforter, même si je me demandais s'il était réellement possible de l'apaiser.
    — Tout va bien, soufflais-je. Eden ne va pas tarder.
    A l'évocation de ce prénom, la femme cessa de murmurer et releva la tête, sans pour autant me regarder. Je l'observais silencieusement, attendant qu'elle daigne dire ou faire quelque chose.
    En tout cas, Eden n'avait pas menti. Il connaissait bel et bien cette femme, et elle aussi le connaissait.
    Un petit rictus sembla se dessiner sur ses lèvres, l'espace de quelques secondes, et elle répéta le prénom d'Eden dans un murmure. J'écarquillais les yeux et poussais une petite exclamation, comme si je me trouvais face à un enfant qui venait de dire son tout premier mot.
    — Oui, c'est ça ! Eden va arriver, dis-je, sans cacher mon enthousiasme.
    Elle tourna son beau visage vers moi et, de nouveau, ce sentiment de l'avoir déjà vu me frappa de plein fouet. Il s'évanouit, pourtant rapidement, quand un éclair illumina la pièce et la fit sursauter. Elle contempla le ciel par la petite fenêtre du local et son regard se voila de nouveau. Elle entrouvrit ses lèvres et je me penchais pour entendre ce qu'elle disait, mais ne parvins pas à comprendre. C'était le même mot qu'elle répétait en boucle, depuis tout à l'heure.
    Je soupirais tandis qu'elle retombait dans sa torture mentale. Le silence nous enveloppa, uniquement interrompu par le murmure incessant de cette pauvre femme.
    En me concentrant un peu, je parvins à distinguer une consonance qui me fit penser à un prénom. Je me penchais davantage vers elle, afin de mieux entendre.
    — Warren ? Soufflais-je, en essayant de répéter ce que j'entendais.
    La femme se tourna vers moi, les yeux toujours aussi ronds.
    — C'est Warren que vous dites ? C'est votre mari ? Demandais-je, désireuse de comprendre.
    Elle me regardait sans me voir, mais avait cessé de murmurer.
    Une lumière éclaira soudain le mur en face de moi et je sursautais. Me retournant, je découvris Eden, debout derrière moi, une lampe torche à la main.
    Je me redressais rapidement pour lui faire face.
    — Je ne t'ai pas entendu entrer, dis-je, en observant son visage fermé qui regardait fixement la femme.
    — Ça fait combien de temps qu'elle est ici ? Demanda-t-il d'une voix dure.
    — Je... je ne sais pas, à vrai dire, répondis-je, légèrement déstabilisée par son ton froid. Je ne l'ai ni vu, ni entendu entrer. Je ne l'ai trouvé que quand je suis revenue pour récupérer mon portable. Je ne pense pas qu'elle se trouvait déjà là quand j'ai fermé. Elle a dû s'infiltrer à l'intérieur après que j'ai quitté la librairie. Enfin, je crois...
    Eden hocha gravement la tête. Je vis qu'il pinçait les lèvres.
    — Tu n'as appelé personne ? Me demanda-t-il de manière suspicieuse, toujours sans me regarder.
    — Non. J'ai préféré t'attendre.
    Il s'accroupit et posa la lampe sur le sol. D'un geste tendre, il toucha le bras de la femme.
    — C'est Eden.
    Sa voix était plus douce et la femme cligna plusieurs fois des yeux vers lui avant de lui adresser un petit sourire.
    — Eden..., répéta-t-elle.
    Celui-ci lui murmura quelques mots à l'oreille, que je n'entendis pas, avant de se tourner à demi vers moi, tout en l'examinant minutieusement. Il devait avoir l'habitude de s'occuper d'elle.
    — A-t-elle dit quelque chose ?
    — Seulement des paroles incompréhensibles, répondis-je. Il me semble qu'elle parlait d'un certain Warren, mais je n'en suis pas sûre.
    Eden suspendit ses gestes, pendant quelques instants, avant de reprendre son inspection.
    — Rien d'autre ? Demanda-t-il, comme si ce que je venais de lui dire n'était pas important.
    — A un moment, elle a crié le mot maudit, deux fois de suite. Mais j'imagine que ça doit être son état de choc...
    La femme se tourna soudain vers moi et planta son regard dans le mien.
    — Maudit ! Maudit !
    Je reculais d'un pas. Eden lui attrapa le visage de ses mains puissantes et lui murmura quelque chose qu'encore une fois, je ne parvins pas à entendre. La femme sembla se calmer mais son corps se mit à trembler.
    Je la regardais, inquiète, tandis qu'Eden se redressait et se tournait vers moi.
    — Je vais la ramener chez elle, me dit-il l'air grave. Merci d'être restée auprès d'elle.
    — Mais... tu ne veux pas qu'elle se fasse examiner ?
    — Je viens de le faire. Elle va bien.
    Je le fixais, quelque peu déstabilisée par son attitude et son ton toujours aussi froid envers moi.
    — J'ai cru voir des égratignures et des bleus sur son bras...
    — Ce n'est rien. Elle a du tomber sur le chemin. Elle va bien, répéta-t-il plus sèchement.
    Je fronçais les sourcils, ne partageant pas du tout son avis.
    — Non, Eden, elle ne va pas bien. Il suffit de la voir pour le comprendre. Elle est loin d'aller bien. Cette pauvre femme souffre de démence.
    Comme pour appuyer mes dires, la femme, toujours assise par terre, émit un rire qui me fit froid dans le dos. Eden s'était figé, lui aussi.
    — Elle semble complètement paniquée, repris-je. Si elle s'est enfuie de chez elle c'est bien pour une bonne raison. Elle a besoin d'un traitement, d'être suivie par des médecins et de...
    — Surtout pas, trancha-t-il durement. Son cas est particulier.
    — Oui, c'est justement pour ça qu'elle a besoin d'être vu par un spécialiste qui a l'habitude de ce genre de pathologie, tentais-je de le convaincre.
    — J'ai dit non.
    Son ton tranchant me fit tressaillir mais je ne détournais pas mon regard de celui d'Eden. J'ouvris la bouche pour ajouter quelque chose, mais il me coupa.
    — Je n'ai pas le temps de discuter, je dois la ramener chez elle. Maintenant.
    Il commença à se détourner de moi et je le regardais se pencher vers la femme, impuissante.
    Je l'observais, pleine de pitié et les mots sortirent de ma bouche, sans que je ne puisse les retenir.
    — J'ignore ce qui lui est arrivée, mais j'imagine que ça a dû être terrible. Mais je maintiens ce que je dis, Eden. Elle a besoin de soins médicaux...
    Aussitôt, Eden se redressa vivement et s'arrêta à quelques centimètres de mon visage. Je pouvais sentir tout son corps se tendre de colère. Ses yeux m'incendièrent et je me liquéfiais sur place, le souffle coupé.
    — En effet, tu ne sais rien, siffla-t-il entre ses dents serrées. Tu ne sais absolument rien de ce qui a pu lui arriver, alors ne te permets pas de donner ton avis comme si tu savais mieux que les autres ce qu'il fallait faire, parce que tu es incapable d'imaginer ce qu'elle a pu subir.
    Tout mon corps se mit à trembler et ma bouche devint affreusement sèche. Je soutenais le regard glacial d'Eden, me sentant horriblement petite face à lui. Il fit un pas vers moi et je me reculais instinctivement, me cognant contre le bureau derrière moi. Mon coeur battait à ton rompre dans ma poitrine.
    — J'aimerais, maintenant, que tu me laisses gérer ça, reprit-il, toujours aussi menaçant. Parce que, comparée à toi, je sais ce qui est bon pour elle.
    Je me sentis trembler violemment et ne parvins pas à articuler le moindre mot.
    Eden me dévisagea avec fureur et pour la première fois depuis que je le connaissais, je ressentis une crainte réelle face à lui. Pas au point de me dire qu'il était capable de me faire du mal, mais assez pour ne pas vouloir le pousser encore plus à bout.
    Il sembla lire la panique dans mes yeux et ses prunelles se firent moins dures, comme s'il prenait conscience de la peur qu'il m'inspirait, en cet instant.
    Il se détourna rapidement de moi avant de se baisser pour prendre la femme dans ses bras.
    Je n'avais pas bougé d'un pouce, complètement paralysée. Seule ma respiration saccadée rompait le silence qui venait de tomber dans la pièce.
    Eden se dirigea vers la sortie avant de s'immobiliser au niveau de la porte. Il tourna la tête, ne me laissant voir que son profil.
    — J'apprécierais que tu ne parles à personne de ce qui vient de se passer, me dit-il d'une voix un peu plus calme mais toujours aussi sèche. Pas même à ton oncle. Elle n'a pas besoin de ça...
    Je comprenais ce qu'il me demandait, mais j'étais littéralement incapable de parler. Tout mon corps tremblait et mes dents s'étaient mises à s'entrechoquer violemment, sous l'effet du choc. Je finis, malgré tout, par hocher la tête et Eden acquiesça brièvement.
    — Merci.
    Il disparut dans la nuit, avec la femme dans ses bras, sans se retourner.
    Je restais un moment seule, dans le noir total, complètement épouvantée par tout ce qui venait de se passer.


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Anmore CoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant