Je restais sans bouger devant le regard scrutateur d'Eden et de Judy. Ils semblaient attendre une réaction de ma part. Mais la surprise avait été telle que cela faisait bien deux bonnes minutes que je n'avais pas réagi.
Je venais tout juste d'apprendre que Christian était l'un des premiers hommes qui avait foulé cette Terre et qui avait trouvé le moyen d'éradiquer définitivement les Waldrens.
C'était également lui qui avait mené d'autres hommes au combat afin d'en finir, une bonne fois pour toutes avec ces créatures. C'était encore lui qui avait subi la malédiction des Waldrens de manière directe, puisqu'il avait été présent lors de leur ultime sacrifice.
Je comprenais un peu mieux pourquoi il avait conservé le tableau dans son bureau. Je ne doutais pas une seule seconde que c'était lui qui était à l'origine de cette oeuvre,
d'ailleurs. Après tout, il était le mieux placé pour retranscrire fidèlement ce qui s'était passé ce soir-là, en l'an 1153, soit huit cent soixante-huit ans en arrière. Je sentis ma tête tourner en prenant conscience que Christian avait près de neuf cent ans.
— Wendy ?
Eden s'était approché de moi prudemment, me regardant avec inquiétude.
— Est-ce que ça va ?
Je me tournais vers lui, les yeux toujours exorbités par le choc.
— Christian a...ce soir-là...le sacrifice...je n'y crois pas.
Ce furent les seuls mots que je parvins à prononcer, tandis que mon cerveau était en train d'assembler les morceaux. Passé l'effet de surprise, je ressentis une sorte de
fascination pour cet homme qui avait traversé les âges.
Je regardais Eden qui m'observait silencieusement, attendant que je me remette de mes émotions. Je compris à son regard, qu'il aurait préféré me révéler cette information plus tard, sachant pertinemment dans quel état j'allais être en le
découvrant. Nul doute qu'il savait que je brûlais de lui poser des questions sur Christian et de connaître son histoire. Mais je me rappelais que ce n'était pas pour cela qu'il m'avait amené jusqu'ici. Il avait des choses importantes à me montrer.
— J'imagine qu'on aura tout le temps de parler de tout ça plus tard, finis-je par dire.
Eden hocha la tête. Je pouvais clairement ressentir son stress et mon ventre se noua automatiquement.
Il se remit en marche, sans un mot. J'échangeais un regard avec Judy qui m'adressa, comme à son habitude, un sourire encourageant.
En me tournant afin de suivre Eden, je retins un petit cri d'émerveillement. Le lac que j'avais cru apercevoir un peu plus tôt était réellement immense. Je vis la lune se refléter sur la surface de l'eau en léger mouvement. Les montagnes de forêt qui entouraient ce point d'eau ajoutaient à la beauté de l'endroit.
Eden s'engagea sur la petite crique couverte de galets qui bordait l'immense lac. Il s'arrêta à quelques mètres du début de l'eau et se tourna vers Judy et moi qui venions tout juste de nous arrêter. Il eut un petit sourire quand il vit mon expression émerveillée.
— J'étais sûr que ça allait te plaire, ça aussi.
— C'est magnifique.
— On peut dire que Rose a vraiment bien choisi l'endroit où elle voulait la maison, intervint Judy en contemplant la vue.
Je ne pouvais qu'approuver. N'importe qui serait tombé amoureux de ce coin si exceptionnel. Vivre tout près d'un tel endroit était véritablement une chance.
— Bon, on commence ?
Judy sautilla pour se rapprocher de son frère qui inspira profondément. Elle était la seule qui n'appréhendait pas ce moment.
— On y est.
Je sentis le léger tremblement dans la voix d'Eden et mon coeur se mit à battre plus fort et plus vite.
— Par quoi on commence ? demandais-je alors, fébrile.
Eden fit un pas dans ma direction.
— Par les bases. Les Waldrens possèdent de nombreuses capacités. Nos sens sont bien plus développés que les humains. Nous avons une ouïe qui perçoit clairement chaque son, chaque bruit même infime. Notre odorat peut capter la moindre odeur, ainsi que la présence d'un humain ou d'un Waldren à des kilomètres à la ronde. Notre vision s'adapte aussi bien au jour qu'à la nuit la plus noire et chaque toucher avec un objet ou un être vivant nous connecte à lui.
Voyant mon scepticisme sur ces derniers mots, Eden eut un petit sourire.
— Pour te donner une idée, chaque fois que je te touche, je peux sentir le flux de ton sang dans tes veines, la moindre marques sur ta peau, et chaque rainure de ton épiderme.
Un long frisson me parcourut et je me sentis rougir. Cette idée, bien que gênante au premier abord, ne me paraissait pas vraiment déplaisante, à bien y réfléchir.
— Je ne pensais pas que c'était à ce point, dis-je en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Il hocha la tête d'un air contrit, comme si ce n'était pas aussi exaltant que cela le laissait penser.
— Oui. C'est assez troublant au début. A la longue, on finit par s'y habituer. Bien sûr, avec toi, cet aspect est plutôt positif, tu t'en doutes. Mais chaque sensation est à la fois plaisante et... douloureuse.
— Comment ça ?
Judy prit le relais.
— Par exemple, quand il pleut, nous ressentons chaque goutte de pluie qui nous touche. C'est à la fois agréable et en même temps, ça peut vite devenir un supplice à la manière de petit cailloux qu'on nous jetterait dessus.
J'ouvrais de grands yeux, face à cette description désagréable.
— C'est la même chose pour le soleil. Le plaisir de sentir les rayons, la chaleur sur notre peau est bien plus important que chez un humain, mais ça peut également finir par nous brûler de l'intérieur. Je t'ai donné l'exemple du toucher mais ça marche pour chaque sens. Les deux sensations, plaisir et douleur sont très liées quand on est un Waldren.
— C'est... incroyable et à la fois... horrible, dis-je en essayant de m'imaginer ce qu'ils pouvaient ressentir au quotidien pour la moindre chose.
— Encore une fois, on fini par s'y habituer et certains Waldrens ont réussi, avec les années, à ne se concentrer que sur le plaisir que ces sensations leur provoquaient.
Eden m'observa un instant, guettant ma réaction à ces premières révélations. Je finis par hocher la tête afin de l'inciter à poursuivre.
— En tant que Waldrens, nous sommes aussi capables de sentir les émotions des autres. La peur, le dégoût, la colère, la tristesse, la joie... Le fait de pouvoir capter ces émotions nous permet, au fur et à mesure, de les ressentir également.
— Attends, quoi ? Tu veux dire que dès l'instant où vous devenez des Waldrens, vous ne pouvez pas ressentir d'émotions ? demandais-je, choquée.
Judy pencha la tête sur le côté en grimaçant.
— Ce n'est pas qu'on ne peut pas les ressentir, mais effectivement, quand on se réveille en tant que Waldren, c'est comme si on avait tout à apprendre concernant les émotions. Ce qui est plutôt logique puisque nous ne sommes plus vraiment humains et que les émotions sont une caractéristique des humains.
— Donc, quand vous êtes devenus des Waldrens, vous étiez incapables de ressentir quoique ce soit.
— C'est plus ou moins exact, intervint Eden. Pour les porteurs du gêne, certaines émotions très fortes ont réussi à rester ancrées dans leur Waldren. En revanche, pour les transformés, c'est exactement ça. Ils se réveillent Waldrens sans aucune émotion. Ils peuvent alors décider de les capter au contact d'autres humains. Mais ce n'est pas obligatoire. Certains Waldrens n'ont pas voulu apprendre à ressentir certaines émotions, comme la tristesse par exemple, et en sont donc dépourvu.
Je tressaillis sous la caresse de la brise du soir.
— Ils ne ressentiront jamais cette émotion de leur vie ?
— Pas s'ils ne le désirent pas, non.
— Est-ce que certains Waldrens ont choisi de ne ressentir aucune émotion du tout ? questionnais-je avec intérêt.
— Malheureusement, oui, répondit Eden à regret. Je te laisse imaginer le danger qu'ils représentent.
De nouveau, un frisson dévala ma colonne vertébrale.
— Ce sont eux qui deviennent traqueurs de coeur ?
— Généralement, oui.
Je sentais dans la voix d'Eden qu'il faisait tout son possible pour être le plus sincère avec moi mais que cela lui coûtait de me révéler toutes ces choses. Même si je m'étais préparée à ce qu'il me montre l'étendu de ses pouvoirs, je devais bien
reconnaître que je ne m'étais pas attendue à ce genre de révélations. Les capacités des Waldrens étaient bien plus complexes et bien moins attirantes qu'on pouvait le croire.
— D'accord. Quoi d'autre ? demandais-je en inspirant profondément, prête à entendre la suite.
— Tu sais déjà que nous possédons la capacité de persuasion sur les humains, embraya Eden. Nous pouvons également communiquer entre nous par la pensée.
— C'est bien ce que je pensais.
Ma réflexion fit sourire Judy et Eden.
— En revanche, cette faculté ne fonctionne pas avec tous les Waldrens. Il faut qu'un lien particulier puisse se tisser entre les deux et surtout, que l'un et l'autre accepte de baisser ses défenses mentales pour permettre à l'autre d'accéder à ses
pensées.
— Tu veux dire qu'en plus de pouvoir parler mentalement avec l'autre Waldren, il est possible d'avoir un accès à ses pensées ?
— Oui, répondit Judy. Dès que le Waldren accepte de baisser son bouclier mental pour permettre à son interlocuteur de rentrer dans son esprit, il a alors accès à toutes ses pensées. Cela peut être utile mais peut également s'avérer dévastateur.
— Certains Waldrens ont abusé de ce pouvoir pour prendre le contrôle sur d'autres Waldrens et les convaincre de faire certaines choses à leur place, ajouta Eden.
Cette idée avait de quoi faire froid dans le dos.
— Bien sûr, un Waldren n'accepte pas de baisser son bouclier mental au premier venu, et quand il accepte de le faire, il peut choisir de ne le baisser que durant un court moment.
Je dévisageais tour à tour Judy et Eden et ce dernier anticipa la question que je m'apprêtais à poser.
— Quand nous communiquons par la pensée entre nous c'est ce que nous faisons. Nous abaissons juste un instant nos boucliers pour pouvoir parler librement et dès que nous avons fini, automatiquement, nous le remettons en place.
— Mais, comment l'autre Waldren sait que tu veux lui dire quelque chose par la pensée s'il a son bouclier qui le protège la plupart du temps ?
— Excellente question ! me félicita Judy comme si nous étions à l'école. On utilise notre force mentale.
Je fronçais les sourcils, encore plus perdue que tout à l'heure.
— C'est-à-dire ?
Eden se passa une main dans les cheveux, signe que l'explication qu'il comptait me donner allait s'avérer complexe.
— Pour te le représenter, notre force mentale est comme un nuage de fumée. Plus le Waldren est puissant, plus cette force est puissante également et peut faire...beaucoup de choses. Persuasion, soumission, souffrance mentale, pouvoir accéder à un souvenir, créer des illusions qui paraissent le plus réelle possible... et j'en passe. Cette force mentale, peut être utilisée soit avec force, soit avec douceur. Dans ce
dernier cas, on demande en quelque sorte la permission au Waldren si on peut avoir accès à son esprit.
Je pris un instant pour ingérer cette information et essayer de la visualiser.
— Donc, en gros, c'est comme si tu frappais à la porte de l'esprit de l'autre Waldren pour lui demander la permission d'entrer, c'est ça ?
— Tout à fait ! Elle comprend vite ! s'enthousiasma Judy.
Eden me fixa de ses prunelles sarcelles avec moins d'entrain que Judy mais une certaine fascination pour ma capacité à comprendre du premier coup ce qu'ils m'expliquaient. Ma fierté en fut ravie.
— Plus le Waldren est fort, plus ses défenses mentales sont bien gardées et difficiles à pénétrer, ajouta Eden. Mais pour cela, il faut beaucoup d'entraînement. Comme beaucoup de choses, cette faculté ne s'acquiert pas aussi facilement qu'on le pense. Certains Waldrens ne parviennent pas à conserver un bouclier suffisamment puissant et se font, malheureusement avoir par les plus forts.
Je déglutis péniblement en imaginant les ravages de cette capacité.
— Maintenant qu'on a parlé des pouvoirs liés à l'esprit, parlons de ceux liés au physique ! enchaina Judy.
Eden hocha gravement la tête, sans broncher, mais je pouvais sentir qu'il y avait encore de nombreuses complexités liées aux capacités mentales des Waldrens. Peut-être qu'il désirait y aller doucement et ne me révéler que l'essentiel, dans un premier temps.
— Les Waldrens ont la capacité de se déplacer à une vitesse impressionnante, peuvent nager sous l'eau sans manquer d'air et ont une force incroyable.
Sur ces mots, il se tourna vers Judy qui affichait un grand sourire. Je ne pus retenir un frisson en sachant pertinemment ce qui allait se passer à présent.
— Je peux y aller ? demanda-t-elle comme si elle s'apprêtait à ouvrir un cadeau de Noël.
Il soupira et lui fit signe d'une main.
— Vas-y.
Il eut tout juste le temps de finir sa phrase que je vis Judy lui asséner un coup de poing dans la mâchoire, comme si elle voulait seulement lui donner une tape amicale.
Le bruit du choc résonna sur les rives du lac et Eden alla s'écraser contre un arbre, une centaine de mètre plus loin. Là encore, l'impact fut assourdissant. Le bois craqua et s'effondra, faisant trembler le sol sous mes pieds.
Je restais pétrifiée sur place. Judy avait posé ses mains sur ses hanches, paraissant fière d'elle. Elle agita une main en voyant mon expression horrifiée.
— Il va revenir, t'inquiète pas.
Eden réapparut en effet exactement à la même place où il était quelques instants plus tôt. Il ne semblait pas le moins du monde blessé. Aucune trace de coup sur son visage parfait alors que le bruit avait été horrible, laissant penser que sa mâchoire était cassée.
— Tu n'y es pas allée de main morte pour le début, dit-il à sa sœur en époussetant son t-shirt où s'était accroché quelques brindilles.
— Tu m'as dit de ne pas contenir ma force, rétorqua-t-elle. Je t'ai écouté.
— Tu n'étais pas non plus obligée de m'envoyer valser à travers les arbres, riposta-t-il.
Judy roula des yeux.
— Oh pauvre petite chose ! feignit-elle de le plaindre. Ne me dis pas que tu as eu mal.
— Nullement, c'est à peine si j'ai senti ta caresse, dit-il en secouant la tête, faisant voleter autour de lui quelques petites feuilles de ses cheveux.
Judy le fusilla du regard.
— Tu veux peut-être que je le refasse un peu plus fort, cette fois ? le provoqua-t-elle.
Il soupira. Je me dis, au même instant, que si elle avait frappé un humain à la place d'Eden, à coups sûrs, elle l'aurait décapité. Cette pensée me fit frémir.
— Je te rappelle que le but n'est pas de déraciner les arbres qui se trouvent autour du lac.
Je ne pus m'empêcher de tourner mon regard vers l'endroit où Eden avait été éjecté sous la force du coup de Judy. Mes yeux s'agrandirent de nouveau en constatant que l'arbre avait été littéralement déraciné. La moitié du tronc était en morceaux.
Je reportais mon attention sur Eden et Judy qui me regardaient attentivement, attendant que je dise quelque chose.
— Je...je tiens le coup, dis-je en me reprenant. J'étais préparée à ce que tu déracines un arbre, n'est-ce pas ?
Eden sourit face à ma remarque.
— C'est vrai, ça faisait parti de tes énumérations de cet après-midi. Il y avait quoi d'autre aussi ?
Il fit mine de réfléchir.
— Ah oui ! Le rocher.
Il disparu de mon champ de vision et réapparut à quelques centimètres de là où je me trouvais, tout cela en une fraction de seconde, bien évidemment. Il tenait entre ses mains un énorme rocher, faisant à peu près ma taille. Il devait peser une tonne.
Eden le souleva sans effort au dessus de sa tête avant de le briser en une simple pression. Des milliers de petits morceaux s'envolèrent autour de nous. Je dus me protéger avec mon bras pour ne pas recevoir d'éclat de roche. Quand je le regardais de nouveau, je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel.
— Frimeur.
Il éclata de rire et alla rejoindre Judy qui était restée sur la rive.
— On passe à la suite ? demanda-t-elle, impatiente.
Sans attendre de réponse, elle se jeta sur lui. Mais, cette fois, il fut plus rapide qu'elle et l'esquiva en se retrouvant à la place qu'elle venait de quitter, malgré la rapidité avec laquelle elle s'était élancée vers lui.
Judy fit volteface et se jeta de nouveau sur Eden, sans succès. Il avait de nouveau disparu. Je le cherchais du regard quand je sentis ses bras puissants se refermer autour de ma taille avec douceur. Je sursautais et me tournais vers lui. Ses yeux verts brillaient d'une intensité qui me donna la chair de poule.
— C'est tout ce que tu avais à me montrer ? le taquinais-je, malgré mon coeur qui tambourinait dans ma poitrine.
Eden émit un petit grognement.
— Non, le pire reste à venir.
Il me lâcha et retourna en un éclair sur la rive. Il affichait un air contrit.
— C'est maintenant que je prends le risque de te dégoûter et de te perdre.
Je me retrouvais le souffle coupé et les mains tremblantes.
— Dans ma vie, j'ai été amené à faire des choses affreuses, commença-t-il. Je t'ai dit que j'avais contribué à transformer des humains en Waldren et que j'avais également aidé à la traque des coeurs purs. Ce sont déjà des choses terribles que je regrette amèrement.
Un poisson sauta hors de l'eau avant de retomber dans le lac dans un clapotement. Seul bruit dans le silence qui nous entourait.
— Mais je n'ai jamais décris la façon dont je m'y prenais, reprit-il.
Ma bouche s'assécha.
— Tu es vraiment obligé de...
— Oui, me coupa-t-il fermement. Je le suis, Wendy. Pas seulement pour que tu comprennes qui je suis mais aussi...
Il se passa une main dans ses cheveux qui brillaient sous l'éclat de la lune.
— Mais aussi pour que tu puisses être préparée.
— Préparée ? répétais-je, dubitative. Je ne comprends pas...
Eden me jeta un bref regard avant de détourner rapidement les yeux.
— Je ne voulais pas envisager cette éventualité, au départ. Mais quand Christian l'a évoqué, j'ai du reconnaître qu'il avait raison.
Il marqua une pause.
— De quelle éventualité tu parles, au juste ?
Je sentis la panique me gagner progressivement. Eden planta son regard dans le mien.
— L'éventualité que tu sois un coeur pur.
Un courant d'air frais agita mes cheveux devant mon visage, mais je ne fis même pas mine de les remettre à leur place. J'avais la sensation que mon coeur était tombé au fond de ma poitrine.
Si j'étais un coeur pur, cela voulait dire que je pouvais être la cible d'un traqueur de coeur. Et si j'étais la cible d'un traqueur de coeur, je n'avais aucune chance de m'en sortir vivante. Sauf si je restais constamment avec Eden, le jour comme la nuit, sans interruption. L'idée n'était pas déplaisante, mais elle n'était pas envisageable.
Eden ne pouvait pas passer son temps à me protéger.
— Et donc, Christian pense que j'ai besoin d'être préparée à...être sacrifiée ? articulais-je.
— Non. Il pense que tu as besoin de savoir ce que tu peux éventuellement faire pour gagner du temps si jamais tu te retrouvais prise au piège et que je n'étais pas là pour te protéger.
— Parce qu'il y a réellement un moyen qui me permettrait d'échapper à un Waldren sanguinaire ?
Mon ton avait été plus sarcastique que je ne le voulais et je vis Eden me regarder avec une lueur de tristesse au fond des yeux.
— Pas physiquement, non. Mais tout dépend quel Waldren te prendra pour cible.
— Je ne pense pas que j'aurais le temps de lui demander quel genre de Waldren il est.
De nouveau, mon ton était acerbe. C'était la peur qui me faisait parler comme cela, en réalité. Parce que je n'avais jamais envisagé de pouvoir être la cible des plus dangereux Waldrens qui existent. Désormais, Eden me faisait clairement comprendre que le risque était bel et bien réel et que je devais m'y préparer. Mais comment pouvait-on être préparé à se faire arracher le coeur sauvagement ?
— Je sais que ce que tu penses, Wendy, me dit-il.
— Toi aussi tu es en train d'imaginer une main plongeant dans ma poitrine pour en ressortir mon coeur ? dis-je d'une voix blanche, les yeux rivés sur la surface de l'eau miroitante. Parce que si c'est le cas, alors oui, on pense à la même chose.
Je le vis tressaillir.
— Je t'assure que ce que je m'apprête à te montrer, c'est seulement en prévention. Je ne laisserais aucun traqueur de coeur t'approcher. Ni aucun Waldren d'ailleurs. Jamais.
— Mais tu ne peux pas toujours être derrière moi, Eden.
Ma voix n'était plus qu'un murmure à présent. Il se matérialisa devant moi et je dus relever le menton pour planter mes prunelles dans les siennes.
— Je serais toujours là, Wendy. Je ne baisserais pas ma garde et je ne permettrais à rien ni personne de te faire du mal. Tu m'entends ?
La peur s'était insinuée en moi de manière brutale, mais je la sentis perdre du terrain petit à petit, sous le regard brûlant de sincérité d'Eden. Il prit mon visage entre ses mains.
— Je savais qu'en t'avouant mes sentiments, je prenais le risque de les attirer à toi, reprit-il de sa voix de velours. Et je sais aussi que cette révélation peut suffire à te faire arrêter là. Si c'est ce que tu veux, je te laisserais partir, je te le promets. Mais même si tu ne veux plus de moi, je serais toujours là pour te protéger de toute menace. Parce que je ne cesserais jamais de t'aimer et de veiller sur toi, même si tu
ne veux plus être là pour le voir.
Un profond soupir s'échappa de mes lèvres tandis que son pouce m'essuyait délicatement un petite larme qui s'était échappée de mon oeil droit. L'ascenseur d'émotion que j'avais ressenti en quelques secondes avait réussi à me faire craquer.
Eden se pencha vers moi, avec une légère hésitation. Je compris qu'il attendait ma permission pour poursuivre son geste. Mes doigts s'accrochèrent à son t-shirt et le tirèrent vers moi. Il parut soulagé de mon geste et son soupir s'évanouit contre mes lèvres.
La boule qui s'était formée au fond de mon ventre était toujours là, pour autant. Je ne pouvais pas dire qu'il avait balayé toutes mes peurs, mais je pouvais tout de même constater qu'il était parvenu à en dissiper une bonne partie.
Certes, je n'étais toujours pas en sécurité. La possibilité qu'un Waldren transformé me prenne pour cible en vu d'offrir mon coeur lors du sacrifice de la lune rouge pesait sur moi comme une épée de Damoclès. Malgré cela, j'étais convaincue qu'Eden disait vrai quand il affirmait qu'il ne laisserait personne m'approcher.
Je l'avais vu me protéger face à Liam, quand ce dernier était rentré dans une colère noir en nous surprenant à la librairie. Eden avait conservé son calme pour ne pas trahir qui il était devant lui, mais il avait malgré tout cherché à m'éloigner de
l'impulsivité de mon ancien ami.
Même si Liam ne m'aurait jamais fait de mal volontairement, Eden avait veillé à me protéger. Je ne pouvais pas douter que si un Waldren se mettait à mes trousses, sa protection serait d'autant plus importante et qu'il n'hésiterait pas une seule seconde.
Oui, j'en étais entièrement convaincue.
Je me demandais si ce n'était pas cela, en vérité, qu'Eden souhaitait me montrer ce soir. Il espérait probablement me préparer à le voir me défendre corps et âme contre une potentielle menace.
Eden rompit notre étreinte, me laissant avec la sensation de flotter dans les airs, comme à chaque fois que j'échangeais un baiser avec lui. Il me caressa une dernière fois la joue avant de se figer. Son expression passa de la tendresse à une gravité mêlée d'inquiétude. Il releva la tête et observa les alentours.
— Que se passe-t-il ?
Il ne me répondit pas, mais son regard s'était assombri et la panique semblait l'envahir progressivement. Je regardais, moi aussi, autour de nous, même si je savais que ma vue ne pouvait égaler la sienne.
Ce fut à ce moment là que je constatais que Judy n'était plus là. Eden venait de s'écarter de moi et avant que je ne puisse me rendre compte de ce qu'il faisait, il disparut pour revenir seulement cinq secondes plus tard, l'air encore plus alerte que tout à l'heure.
— Il faut que je te ramène, asséna-t-il en m'entraînant à sa suite.
Je fronçais les sourcils tout en me laissant faire.
— Quoi ? Mais pourquoi ? Que se passe-t-il ?
— Je n'ai pas le temps de t'expliquer. Je dois te ramener chez toi.
Il était de plus en plus pressant et je dus me retenir à un arbre pour éviter de tomber dans l'herbe. Sa soudaine angoisse fit ressurgir dans ma poitrine la boule de peur qui s'était formée quelques minutes auparavant.
Je ne comprenais pas du tout ce qui se passait et je n'étais pas certaine qu'Eden soit disposé à répondre à mes questions, mais je décidais de les poser quand même.
— Eden, dis-moi ce qui se passe, s'il te plaît, le suppliais-je, le laissant toujours me traîner vers la maison. Et où est Judy ? Elle a disparue d'un coup et elle...
— Ne t'inquiète pas pour Judy.
Il m'avait répondu d'une voix tranchante qui me fit frissonner. Je me retins de nouveau pour m'empêcher de m'étaler sur le sol, incapable de suivre la cadence qu'il m'obligeait à suivre. En soupirant il s'arrêta et me prit sur son épaule. Je lâchais un petit cri de surprise et de protestation, avant de plaquer mes mains sur ma bouche.
Avant que je ne puisse me rendre compte de ce qui se passait, je sentis le vent me fouetter le visage avec violence et mon coeur se soulever dangereusement dans ma cage thoracique. Un horrible bourdonnement s'insinua dans mes oreilles et remonta jusque dans ma boîte crânienne. Je réprimais un cri de douleur en grimaçant.
La sensation ne dura qu'un bref instant avant que je me rende compte que nous étions revenus dans le salon de la maison. Eden me reposa et me prit par les épaules.
Je lus sur ses lèvres qu'il me demandait si j'allais bien. Mes oreilles ne l'entendirent pas, comme si je me retrouvais sous l'eau, coupée des sons qui se trouvait en surface.
A la place de la voix d'Eden, un atroce bruit aigu me transperça les tympans et résonna dans ma tête déjà douloureuse. Je grimaçais, prenant conscience que j'ouvrais la bouche pour exprimer ma souffrance dans un cri de désespoir et vis l'expression d'Eden se figer de stupeur.
La douleur était atroce et je sentis la panique m'envahir de ne pas savoir ce qui était en train de m'arriver. Je me serais probablement effondrée sur le sol si Eden ne me tenait pas fermement par les épaules. Je sentis soudain un liquide chaud sortir de mes oreilles. La sensation était tellement désagréable que des larmes se mirent à jaillir de mes yeux, me brouillant la vue.
Je sentis qu'on m'asseyait dans le canapé du salon. Le visage d'Eden laissa alors la place à celui de Rose. Elle m'observa attentivement, scrutant la moindre parcelle de mon visage. Elle me tourna la tête délicatement afin de regarder mes oreilles et ses doigts froids me firent frissonner.
Je l'entendis parler à Eden malgré le voile opaque qui bouchait toujours mes tympans. Je dus me concentrer pour discerner ce qu'elle disait.
— Ce sont les effets secondaires.
La voix grave d'Eden intervint, pleine de culpabilité.
— Mais le trajet n'a même pas duré une minute !
— Pour toi, oui. Mais Wendy est une humaine, elle ne peut pas supporter la vitesse à laquelle tu te déplaces.
— Bon sang ! Qu'est-ce que je lui ai fais ?
La voix désespérée d'Eden me serra le coeur, malgré mon état instable qui me préoccupait toujours. J'aurais voulu le rassurer, lui dire que ce n'était pas de sa faute, qu'il avait voulu me ramener au plus vite parce qu'il avait été pris par la panique.
Cette pensée suffit à affoler mon rythme cardiaque, permettant à mes oreilles de se déboucher d'un coup dans un poc qui me fit sursauter. Tous les regards convergèrent vers moi et me regardèrent avec inquiétude. Eden se précipita à mes côtés et je fus ravie de constater que je pouvais réentendre sa voix nettement.
— Wendy ! Est-ce que tu vas bien ?
Son regard affolé m'incita à hocher la tête lentement.
— Oui, je..., je crois, oui, répondis-je prudemment.
Il soupira profondément et je vis les visages de Christian et Rose se détendre également.
— Qu'est-ce qui m'est arrivé ? demandais-je, tout en passant une main sur mon oreille droite, tandis qu'Eden se tournait vers Rose pour lui demander quelque chose que je n'entendis pas.
En ramenant mes doigts devant mes yeux, je vis avec horreur la couleur du sang. Mon ventre se contracta derechef et une sueur froide coula le long de ma colonne vertébrale.
— Eden a voulu vous ramener plus vite à la maison, pour te protéger, expliqua Christian tandis que Rose revenait avec une petite serviette humide afin de me nettoyer le visage et le cou. Il a usé de son pouvoir de rapidité. Sauf que les humains
ne sont pas faits pour supporter ce genre de capacité.
J'observais Christian avec incrédulité. Rose continuait de me nettoyer délicatement le visage, dans un geste maternelle et je me laissais faire. Eden s'était redressé et regardait avec attention en direction de l'extérieur de la maison.
— Vous voulez dire que je suis dans cet état parce qu'Eden est allé trop vite pour moi ? résumais-je, ce qui fit sourire Christian et sa femme et fit grogner légèrement l'intéressé.
— Oui, on peut dire ça, intervint Rose de sa voix douce. Ton cerveau n'a pas supporté l'agression qu'il a subi, ni tes oreilles, d'ailleurs. Elles se sont mises à saigner sous la pression soudaine de l'air qui s'est engouffré dedans pendant la course.
Je la remerciais avec un petit sourire qu'elle me rendit affectueusement. Christian venait de se poster aux côtés d'Eden et lui posa une main sur l'épaule.
— Tu l'as senti, n'est-ce pas ? lui demanda-t-il.
— Evidemment.
Il se tourna vers moi alors que je tâchais encore de calmer le tournis de ma tête.
— Je ne peux pas la laisser ici, reprit Eden.
Je sentais son regard sur moi mais j'avais fermé les yeux, en prise à une fatigue soudaine. Je me laissais aller plus profondément dans les coussins moelleux du canapé.
— Je crois que c'est trop tard, malheureusement, répondit la voix de Christian.
— Hors de question qu'il la voit !
La voix sèche et brutale d'Eden me fit ouvrir les yeux. Rose se tenait à côté de moi, elle s'était penchée pour me proposer un verre d'eau. Je me rendis compte que j'étais assoiffée. Je le pris et le vidais d'un trait, ce qui accentua la douleur dans ma tête, pendant quelques minutes.
— Il sera là d'un moment à l'autre, Eden. Même si tu pars maintenant, Wendy ne sera pas capable de supporter un autre voyage éclair. Et si tu prends la voiture, tu sais très bien qu'il va s'arranger pour te contrer.
Eden soupira, réfléchissant visiblement aux options qui s'offraient à lui.
— Judy est allée à sa rencontre, dit-il alors. Elle la senti avant moi.
— Elle va essayer de le dissuader de venir, intervint la voix douce de Rose à mes côtés.
Eden et Christian ne parurent pas convaincus.
— Impossible qu'elle y arrive. Il a déjà compris, dit ce dernier d'un ton sans appel.
Eden riva ses prunelles dans les miennes qui le regardais avec incrédulité, complètement perdue quant à la raison de leur affolement général. Il se matérialisa devant moi et me tendit la main pour m'aider à me relever.
— Est-ce que tu crois que tu peux marcher ? me demanda-t-il d'une voix plus douce que quand il s'était adressé à son père.
Rose secoua la tête derrière lui.
— Ce n'est pas une bonne idée, Eden. Elle n'est pas en état.
— Je dois l'éloigner de lui !
Son ton anxieux me fit tressaillir et je me décidais enfin à intervenir.
— Qu'est-ce qui se passe ? C'est qui cette personne dont tu veux m'éloigner ?
Christian regarda Eden avec de grands yeux.
— Tu ne lui as pas dit ?
Eden soupira et se tourna à demi vers son père.
— Je n'en ai pas eu le temps.
Je continuais de fixer son visage en fronçant les sourcils.
— Qu'est-ce que je dois savoir ? C'est ton ennemi, c'est ça ? Celui que tu cherches absolument à éviter ? demandais-je d'une voix un peu plus forte à cause de la panique.
Eden reporta son attention sur moi et je compris, sans qu'il n'ait besoin de me le confirmer, que j'avais raison.
— Tu te rappelles du traqueur de coeur dont je t'ai parlé quand je t'ai raconté ce qui s'est passé avec Lina ?
J'ouvris instinctivement de grands yeux horrifiés.
— Tu veux dire que...c'est lui qui est ici, en ce moment ?
Eden hocha simplement la tête tandis que je sentis la peur m'envahir progressivement.
— Ne t'inquiètes pas, je ne le laisserais pas t'approcher. Je vais te ramener chez ton oncle.
Il glissa un bras autour de ma taille et me força à me relever. Mais dès que je me retrouvais debout, je sentis mes oreilles se remettre à bourdonner violemment et ma tête tourner, si bien que je m'écroulais dans ses bras.
— Elle ne peut pas encore bouger, dit la voix posée de Rose. Elle a besoin de récupérer. Elle n'est toujours pas remise, tu le vois bien.
Eden me reposa délicatement sur le canapé avant de regarder tout autour de lui.
— Je pourrais la cacher dans ma chambre, proposa-t-il, de plus en plus anxieux.
— Ça ne servirait pas à grand chose, lui dit Christian en lui posant une main rassurante sur le bras.
J'avais de plus en plus de mal à garder mes yeux ouverts, tellement mes paupières devenaient lourdes. Pourtant, il ne fallait pas que je sombre maintenant. La situation était urgente même si j'ignorais pourquoi.
Eden paraissait perdu et impuissant ce qui le mettait dans tous ses états et suffisait à me nouer l'estomac de peur.
— Je refuse qu'il la voit, murmura-t-il désespéré.
La panique du se lire sur mon visage car Eden me caressa la joue.
— Ne t'inquiète pas, il ne te fera rien.
Je sentis un frisson me parcourir et soudain, je me retrouvais complètement alerte, toute fatigue envolée. Si Eden avait à ce point peur qu'il s'en prenne à moi, c'était qu'il en était capable et qu'il en avait même le désir. Seul un Waldren transformé aurait toutes les raisons du monde de vouloir me faire du mal. Et particulièrement s'il était à la recherche d'un coeur pur.
Eden échangea un regard avec Christian qui venait de se raidir.
— Ils se rapprochent. Judy est avec lui.
Puis il se tourna vers Rose et la regarda pendant un bref instant. Elle paru saisir ce qu'il voulait lui dire.
— J'y vais.
Elle disparut, laissant son parfum frais et sucré flotter dans la pièce. Eden n'avait pas bougé d'un pouce.
— Je crois que je vais l'amener dans la chambre, finit-il par dire à Christian.
Celui-ci sembla perplexe.
— Je sais, ça ne sert à rien, bougonna-t-il, devançant sa réponse. Mais si tu l'empêches de me suivre, j'arriverais peut-être à la ramener chez son oncle dès qu'elle se sentira mieux.
Eden sembla chercher l'approbation de son idée dans le regard de Christian. Il finit par hocher la tête.
— On peut essayer, oui.
Eden ne prit pas la peine de réfléchir une minute de plus. Il se pencha vers moi et m'aida de nouveau à me mettre debout. Cette fois-ci, je ne ressentis aucun bourdonnement dans mes oreilles. Je dus, malgré tout, me stabiliser quelques secondes, la tête toujours un peu douloureuse.
Eden passa un bras autour de ma taille, pour me maintenir. Il craignait visiblement que je m'écroule sur le sol au moindre pas. Fort heureusement, j'étais en mesure de marcher. Il me fit traverser la pièce aussi vite que je le pouvais tout en me guidant. Il veillait également à garder une allure humaine pour ne pas aggraver mon état.
Au moment où nous nous apprêtions à sortir du salon, Eden s'arrêta net. Il me retins contre lui, pour m'empêcher d'avancer.
Je relevais la tête vers lui et le vit regarder devant lui d'un air mauvais. Je pus lire l'angoisse dans le fond des ses yeux et cela m'incita à me tourner vers la personne qui se dressait sur notre chemin.
Eden me cacha derrière lui, si bien que je n'eus pas le temps de voir l'individu. Pourtant, quand il ouvrit la bouche pour parler, sa voix éraillée m'évoqua vaguement quelque chose et me fit froid dans le dos.
— On part sans dire bonjour ?P.S : 🌟 merci de cliquer sur la petite étoile en bas du chapitre si vous avez aimé 🌟
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Anmore Cove
ParanormalA dix-huit ans, Wendy décide de partir vivre avec son oncle qui lui a trouvé un stage dans la librairie de sa ville, Anmore Cove. Encore marquée par l'abandon de son père quand elle avait six ans, la jeune fille voit dans ce changement l'échappatoir...