J'ouvris les yeux sur un paysage défilant à toute allure. Je compris que je me trouvais dans une voiture, qui roulait beaucoup trop vite.
Etrangement, j'avais toujours le tournis alors que j'étais assise.
Je détournais mon regard, et portais mon attention sur le conducteur. Liam semblait en proie à la panique. Quand il me vit reprendre connaissance, il sembla soulagé.
— Wendy, ça va ?
— Je crois, répondis-je d'une faible voix, que je ne reconnue pas. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je sentis la nausée me contracter l'estomac quand j'essayais de parler. Cela allait être compliqué de poser des questions. Je décidais de respirer lentement par la bouche.
— Tu t'es évanouie. Je ne savais pas quoi faire ! Tu saignais tellement... Je t'ai installé dans la voiture. On va aux urgences.
Mon coeur fit un bond d'affolement dans ma poitrine.
— Quoi ?!
Le son de ma propre voix résonna horriblement dans ma tête, déjà douloureuse.
— Calme toi, Wendy. Tu dois être examinée et soignée. Tu es pâle comme un cadavre.
— Je vais bien, je t'assure, tentais-je de le convaincre en me redressant sur le siège.
Je sentis alors une vive douleur me traverser le bras gauche et je grimaçais. Je crus un instant, que c'était toujours à cause de l'étreinte de Judy, sauf que la douleur ne venait pas de l'épaule, cette fois.
Baissant les yeux, je vis un bandage de fortune enroulé autour de mon avant-bras. Je m'agitais sous l'effet de la panique.
— Qu'est-ce que...
Je m'interrompis en voyant la tâche sombre significative qui s'était formée sur le morceau de tissu. Mon estomac se tordit dangereusement et je retins un haut-le-coeur.
— Tu as envie de vomir ?
La voix de Liam me détourna de la vue du sang qui imbibait le bandage.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? Parvins-je à articuler, malgré mes dents serrées.
Il pinça les lèvres, l'air désolé.
— Tu as perdu connaissance alors que tu avais le cutter dans les mains. Tu t'es méchamment ouvert le bras.
Une représentation de la scène s'imposa dans mon esprit et je dus m'obliger à respirer de nouveau par la bouche en visualisant mentalement le sang s'échapper de la blessure.
Si je ne m'étais pas évanouie avant de m'entailler le bras, nul doute que je l'aurais fait en voyant la coupure.
— Désolé pour le bandage rudimentaire. Je n'ai pas eu le temps de fouiller dans la librairie à la recherche de la trousse de secours alors j'ai fait avec les moyens du bord.
Je regardais dans sa direction, toujours concentrée pour ne pas vider le contenu de mon estomac et constatais que le bas de son t-shirt était déchiré sous sa veste.
Je déglutis péniblement avant de lui répondre d'une voix pressée.
— Merci Liam. Et désolée pour ton t-shirt.
— T'as de la chance, ce n'était pas un de mes préférés.
Je lui adressais un faible sourire tout en me laissant aller contre l'appuie-tête.
— Comment tu te sens ?
J'avais froid et en même temps, je pouvais clairement sentir que mon front était moite et brillant de sueur.
— Bof.
— Ça se voit sur ta tête, oui, se moqua-t-il gentiment.
— Alors pourquoi tu demandes ? Grommelais-je, accentuant ses rires.
— Parce que tu t'es évanouie sous mes yeux, que j'ai vu la lame du cutter s'enfoncer profondément dans ton bras, te faisant pisser le sang...
— Arrête, arrête ! Le coupais-je en fermant les yeux. Si tu ne veux pas que je vomisse dans ta voiture, tu ferais mieux d'éviter ce genre de détails.
— Pardon.
Je gardais les paupières fermées et essayais de me détendre pour apaiser ma nausée.
— Désolée que tu aies dû assister à ça, murmurais-je.
— Ne le sois pas. Il valait mieux que je sois là, au contraire.
Je ne pouvais pas le contredire. Je n'osais pas imaginer comment cela ce serait passé si j'avais été seule. Je me serais vidée de mon sang et Judy m'aurait retrouvé inconsciente et à moitié morte sur la moquette de la librairie.
— Franchement, quel était le pourcentage de chance pour que je tombe dans les pommes avec un cutter à la main et que je réussisse l'exploit de m'entailler le bras dans ma chute ? Soupirais-je, désespérée de moi-même.
— J'avoue que tu as fait fort là, gloussa-t-il.
Je me rappelais alors ce que m'avait raconté Liam, juste avant le drame. Des questions se mirent automatiquement à fuser dans mon esprit, accentuant mon mal de tête.
Etait-il vraiment possible qu'Eden soit à l'origine de l'agression de Lina ? D'après son récit, les preuves dont Liam disposait allaient bien dans ce sens. Pourtant, j'avais énormément de mal à croire qu'Eden était capable d'une telle chose. Certes, il avait un côté impulsif et j'en avais fait les preuves à de nombreuses reprises, mais de là à s'en prendre à une jeune fille ! Sans compter qu'il l'avait défendu quelques jours auparavant face à des agresseurs. Pourquoi l'aurait-il sauvé pour ensuite l'agresser à son tour ? Il fallait être tordu pour faire ce genre de chose.
Je ne minimisais pas ce que Lina avait vécu. Ses blessures étaient réelles, Liam n'aurait pas menti à ce sujet.
Je repensais au fait que sa soeur ne se souvenait que du visage d'Eden, penché au-dessus d'elle, ainsi que des mots qu'elle avait entendu.
Pourquoi Eden lui aurait dit que son calvaire allait bientôt finir ? Avait-il cherché à la rassurer ? Mais s'il avait vraiment voulu la rassurer, il lui aurait dit que les secours n'allaient pas tarder. Sauf qu'il ne les avait même pas appelé, visiblement. Il s'était contenté de ramener la soeur de Liam chez elle.
Mais, l'avait-il véritablement ramené ?
Liam avait dit qu'il l'avait trouvé sur le canapé dans un état pitoyable, mais rien n'indiquait que c'était Eden qui l'avait ramené. Se pourrait-il qu'il soit réellement le méchant de l'histoire ?
Cette pensée déclencha des tremblements dans tout mon corps, ce que Liam sembla remarquer.
— Tu as froid ?
Je serrais les dents fermement pour leur éviter de s'entrechoquer, tandis que Liam allumait le chauffage, sans attendre ma réponse.
Je me replongeais dans mes pensées en essayant d'ignorer la douleur de mon bras. J'étais persuadée qu'il me manquait un élément important me permettant de discriminer Eden de toute cette affaire sordide. Il ne pouvait en être autrement.
— Au fait, j'ai laissé un mot sur le comptoir de l'accueil à l'attention de Judy, déclara Liam. Histoire de la prévenir. J'ai aussi fermé la porte de la librairie derrière moi. Heureusement que tu avais laissé les clés sur le bureau. Et tes affaires sont derrière toi.
Je me tournais et constatais que mon manteau était effectivement accrochée à l'appuie-tête. Je gratifiais Liam d'un regard reconnaissant.
— Merci beaucoup, Liam. Tu as vraiment pensé à tout.
Il sourit et je vis ses joues prendre une teinte plus rose que d'habitude.
— Ce n'est rien. J'ai fait ce que n'importe qui aurait fait. Mais tu peux toujours envoyer un message à Judy, pour être sûre qu'elle a bien vu le mot.
Cette idée n'était pas bête. Je pourrais ainsi la rassurer sur mon état.
— Tu as raison, je vais...
Je m'interrompis en me rendant compte que j'avais laissé mon portable là-bas.
— Oh non...
— Quoi ?
— Je n'ai pas mon téléphone, soupirais-je.
Liam secoua doucement la tête.
— Tu crois vraiment que j'aurais pensé à laisser un mot à Judy, à verrouiller la porte et à récupérer ton manteau, pour oublier ton portable ? Enuméra-t-il, amusé. Regarde dans la boîte à gant.
Je m'exécutais et ouvris la bouche, stupéfaite. Mon téléphone était bien là. Je regardais Liam comme s'il venait de faire le meilleur tour de magie jamais vu.
— Tu as vraiment pensé à tout, répétais-je en soufflant, ébahie.
— Wendy, tu t'extasies pour si peu.
Je me penchais et récupérais mon téléphone.
— Non, c'est beaucoup, au contraire. La panique aurait pu t'empêcher de penser à tous ces détails.
— Je garde un esprit pragmatique en toutes circonstances, tu le sauras.
Il m'adressa un clin d'oeil.
— Je ferais en sorte d'attendre que tu sois de nouveau dans les parages alors, la prochaine fois que j'envisage de tomber dans les pommes.
Il éclata de rire tandis que je commençais à déverrouiller mon portable avant de finalement, changer d'avis. La nausée était peut-être moins forte, mais elle était quand même toujours là. Je n'avais pas envie de la réveiller en tentant d'écrire un message en voiture.
— Ça passe ?
— Un peu, dis-je en glissant mon téléphone dans la poche de mon manteau.
En me réinstallant correctement, mes yeux se posèrent sur mon bras qui me faisait toujours aussi mal. La tâche sombre s'était agrandie, depuis tout à l'heure. Je me détournais rapidement en plissant le nez.
— Il y a une chose que je n'ai pas eu le temps de faire, reprit Liam. C'est nettoyer la moquette.
— La moquette est tâchée ? M'exclamais-je horrifiée.
— Wendy, tu t'es plantée un cutter en plein dans le bras. Il ne s'agit pas d'une coupure avec une enveloppe. Evidemment que ça a tâché la moquette !
— Oh non ! Judy va sûrement paniquer en voyant le sang ! m'écriais-je.
— C'est pas une scène de crime, non plus, pouffa Liam. Détends-toi, Wendy, on arrive.
Liam se gara sur le parking et coupa le moteur.
Je m'extirpais de la voiture et récupérais mon manteau de ma main valide. L'air frais du dehors me fit instantanément beaucoup de bien et je sentis la nausée se dissiper un peu.
Liam me conduisit à l'intérieur, en veillant à me soutenir au cas où. Un courant d'air chaud nous accueillit et l'odeur caractéristique de l'hôpital me fit plisser le nez. Liam m'incita à m'asseoir sur l'une des chaises en plastique blanc.
— Tu n'es pas obligée de rester, tu sais, lui dis-je en lui faisant face. Tu en as fait beaucoup, déjà. Je ne veux pas te gâcher la journée.
— Je ne te laisse pas dans cet état, Wendy. Et tu ne gâches rien du tout, rassure-toi. Assieds-toi, le temps que je prévienne une infirmière.
Sentant mes jambes légèrement instables, j'obtempérais sans broncher et allais m'installer, tandis que Liam s'éloignait.
Je respirais lentement. La douleur de mon bras avait fait revenir la nausée et je me sentais fiévreuse. Le tissu, poisseux de sang, collait sur ma peau et ma plaie. Je redoutais le moment où on allait devoir me le retirer pour me soigner. Soit mon estomac n'allait pas le supporter, soit je risquais de m'évanouir de nouveau. L'un comme l'autre, cela ne s'annonçait pas bien.
Liam revint au bout de quelques minutes, suivit par une infirmière au visage rond, ses cheveux blonds relevés en un chignon de fortune.
— Venez avec moi. Je vais m'occuper de votre blessure, me dit-elle d'une voix aigüe mais douce, ses grands yeux couleur caramel me regardant gentiment.
Je me levais et la suivis, Liam sur mes talons. Elle nous guida dans une grande pièce remplie de lits, séparés par des rideaux bleus délavés. Elle s'arrêta devant l'un d'eux et l'écarta pour me laisser passer.
— Installez-vous.
Je grimpais sur le lit alors que Liam resta debout dans un coin. L'infirmière récupéra un verre d'eau qu'elle me tendit, ainsi qu'un petit cachet rose.
— Prenez ça. C'est pour la douleur. Vous en avez besoin, je crois.
Elle me regarda avec pitié. Je devais vraiment avoir une mine affreuse.
J'avalais le médicament et terminais le verre d'un trait. Elle entreprit ensuite de défaire le noeud qui maintenait le bandage.
— Vous ne vous êtes pas loupé, ma jolie.
Je me mordis la lèvre tout en luttant contre l'envie absurde de regarder.
— Croyez-moi, j'aurais bien voulu, marmonnais-je, ce qui la fit sourire.
— Heureusement que votre petit-ami était là.
Elle m'adressa un clin d'oeil et je m'empourprais violemment. Je vis Liam s'agiter et baisser les yeux de gêne, face à l'erreur de l'infirmière.
— Ce n'est pas..., commençais-je, rouge comme une tomate.
La jeune femme ouvrit de grands yeux confus mais n'eut pas le temps de s'excuser. Une voix familière s'éleva dans la pièce, me parvenant de l'autre côté du rideau.
Mon coeur eut un raté et je me figeais alors qu'une main écartait vivement le rideau, laissant apparaître Eden dans toute sa splendeur.
Les traits de son visage étaient empreints d'inquiétude mais ses prunelles se posèrent sur moi avec soulagement. L'infirmière avait suspendu son geste et regardait avec fascination le nouvel arrivant. Elle semblait complètement déroutée mais parvint à reprendre ses esprits avant de s'adresser à lui.
— Monsieur, que faites-vous ici ?
Elle avait voulu adopter un ton ferme et autoritaire mais n'y était pas parvenue. Elle le dévisageait plus que de raison et ses joues étaient plus rouges que tout à l'heure. L'effet Eden.
— Wendy, tu vas bien ? Me demanda ce dernier, ignorant superbement la pauvre infirmière.
Il venait de faire un pas vers moi et me regardait toujours. J'avais beaucoup de mal à détacher mes yeux des siens.
— Je...oui. Ça va. Il peut rester ? Demandais-je à l'intention de l'infirmière.
Elle hocha la tête et reprit sa tâche sans prononcer un seul mot, après avoir jeté un dernier regard en direction d'Eden.
— Que s'est-il passé ?
— Je suis tombée sur le cutter, avouais-je, honteuse. Heureusement, Liam était là et...
Je pris soudain conscience de la situation gênante qui se déroulait sous mes yeux. Eden leva les siens en direction de Liam, qui n'avait pas bougé d'un pouce. Quand leurs regards se rencontrèrent, la tension envahie instantanément la pièce.
Liam était plus tendu que jamais, et je pouvais imaginer sans mal les efforts qu'il était en train de déployer en lui pour ne pas se jeter sur Eden et le frapper. Ce dernier le considéra silencieusement, ne laissant rien paraître de ses émotions.
J'eus la désagréable sensation que chacun cherchait à intimider l'autre. Eden fut le premier à rompre ce silence pesant.
— Merci, Liam, de l'avoir amené.
Sa voix, bien que polie, restait distante.
— Je ne te dois rien, assena Liam.
Si le premier avait essayé de conserver un ton aimable, le second n'avait visiblement pas envie de se donner cette peine.
Un long silence régna et je me tortillais sur le lit, cherchant un moyen de les détourner l'un de l'autre. L'infirmière avait complètement enlevé le bandage imprégné de sang et me nettoyait la plaie, sans pour autant perdre une miette du spectacle. Je me demandais ce qu'elle pouvait bien imaginer devant le ridicule de cette situation ; deux hommes se faisant face et se défiant du regard, et moi au milieu, le bras complètement ouvert, qui ne savait pas où me mettre. Il y avait de quoi trouver cela absurde.
Fort heureusement, j'étais bien trop préoccupée par ces deux garçons pour prêter attention à ce que l'infirmière faisait sur ma plaie.
— Je le sais, répondit enfin Eden, conservant son calme. Je te remercie, c'est tout.
— Il me semble avoir laissé le mot à Judy, pas à toi. Pourquoi tu es là ?
Liam était toujours agressif et je vis les prunelles d'Eden se durcirent.
— Je ne te dois rien non plus, Liam.
Son ton devint froid et je tressaillis. Eden m'avait dit qu'il avait travaillé sa patience avec moi, et je pouvais constater que c'était assez vrai. Pour autant, il ne fallait pas trop le pousser, non plus. Et c'était exactement ce que Liam avait décidé de faire.
Je tentais donc d'intervenir dans leur échange qui, de toute évidence, allait mal finir s'ils continuaient sur cette voie.
— Euh...les garçons ?
Ma tentative tomba à l'eau quand je vis Liam faire un pas vers Eden, l'air menaçant. Je me raidis, craignant qu'il n'en vienne aux mains et ne rompe la promesse qu'il avait faite à sa soeur. Lui non plus n'avait pas besoin de grand chose pour perdre son sang-froid.
— Au contraire, Eden, cracha-t-il entre ses dents, tu me dois bien plus que tu ne le crois.
L'intéressé lui jeta un regard glacial.
— Je n'ai aucune explication à te fournir quant à ma présence ici. Si ça ne te convient pas, tu es libre de partir.
Sur ces mots, il fit mine de se tourner vers moi mais Liam s'approcha de nouveau pour le dissuader. Ils se retrouvèrent à quelques centimètres, l'un de l'autre. Eden était plus grand que Liam mais cela ne sembla pas impressionner ce dernier.
La tension était plus que palpable.
— Je l'ai amené ici. Je ne compte aller nul part tant qu'elle n'aura pas fini de se faire soigner.
Liam fulminait et je voyais bien qu'il arrivait de moins en moins à maîtriser sa colère. Pourtant, je savais que s'il tentait quoique ce soit, Eden aurait le dessus. Non seulement il était plus grand, mais il était aussi plus musclé que Liam. Je devais arrêter cela au plus vite.
— S'il vous plaît, tentais-je de nouveau, d'une voix un peu plus forte.
— Alors tu vas devoir supporter ma présence, car je ne compte pas bouger non plus, répliqua Eden. Je ne partirais que si Wendy me le demande et pour l'instant, elle n'a rien dit de tel.
A vrai dire, même si je le lui avais demandé, je n'étais pas certaine qu'il m'aurait écouté. J'avais déjà du mal à attirer leur attention.
Je commençais réellement à en avoir marre de leur petit jeu d'intimidation.
— Alors nous sommes deux, siffla Liam.
L'infirmière, qui continuait d'être attentive à ce qui se déroulait autour de nous, me versa un liquide, surement de l'alcool, qui me brûla affreusement et me fit monter les larmes aux yeux. Il ne m'en fallait pas plus pour que je laisse sortir mon exaspération.
— Ça suffit ! Criais-je.
Les deux garçons se tournèrent enfin vers moi, l'air surpris, et l'infirmière sursauta légèrement à côté de moi.
— Désolée, lui dis-je avant de reporter mon attention vers Eden et Liam. Quant à vous, je ne vous veux, ni l'un ni l'autre, dans cette pièce si c'est pour vous comporter de manière si puérile !
Je serrais les dents pour m'empêcher de laisser échapper un cri de douleur à cause de ma blessure qui me piquait toujours.
Eden et Liam me fixèrent de leurs grands yeux, se demandant visiblement si j'étais sérieuse. Malgré les larmes qui m'obstruaient la vue, je les regardais durement, tour à tour, pour leur montrer que je ne plaisantais pas.
Une sonnerie de téléphone retentit, me faisant sursauter à mon tour. Liam sortit son portable de la poche de son jean et grommela à voix basse.
— Un problème ? Demandais-je, tandis qu'il remettait son téléphone là où il était, le laissant sonner.
— C'est mon père. Je le rappellerais.
— S'il a besoin de toi, vas-y, Liam. Je vais bien.
— Je la ramènerais, si c'est ça qui te contrarie, intervint Eden d'un ton détaché, comme s'il ne venait pas, à l'instant, de se confronter à Liam.
Je fis les yeux ronds à Eden, lui faisant comprendre qu'il aurait mieux fait de se taire, mais Liam se tourna vers lui et l'incendia du regard.
— C'est précisément pour cette raison que je vais rester, rétorqua-t-il sèchement.
— Si ton père a besoin de toi, tu devrais y aller, répliqua Eden, d'un ton tout aussi cassant.
— Il est hors de question que je la laisse partir avec toi.
Liam s'était de nouveau approché et serrait fermement les poings. Eden le toisa, guère impressionné.
— Tu ne peux pas décider à sa place, Liam.
— Si c'est pour son bien, je vais pas me gêner !
— Stop !
Ma voix résonna dans la pièce et je fus satisfaite d'avoir réussi à les faire taire une seconde fois, malgré leur regard qui se défiait toujours.
— Aucun de vous ne va me ramener, tranchais-je. Je vais appeler mon oncle pour qu'il vienne me chercher.
Liam se tourna alors vers moi, retrouvant son expression douce.
— Wendy...
Je levais ma main libre pour l'arrêter.
— Liam, merci vraiment pour tout ce que tu as fait pour moi aujourd'hui, dis-je plus calmement. Heureusement que tu étais là. Je ne sais toujours pas comment j'aurais fait sans toi.
Les yeux de Liam s'adoucirent et il m'adressa un sourire enfantin.
— Avec plaisir, Wendy. Enfin, j'aurais préféré t'éviter ça, quand même.
— M'en parle pas !
Il rit doucement. Je préférais de loin le voir comme ça.
— Tu peux y aller, je t'assure, le congédiais-je gentiment. Je ne risque plus rien, maintenant.
Je sentais qu'il hésitait toujours.
— Au pire, je suis toujours dans l'hôpital, s'il devait m'arriver quoique ce soit, rigolais-je.
Liam se détendit et finit par oublier la présence d'Eden qui comprit enfin qu'il était préférable de garder le silence.
— Tu as raison.
Je retins un soupir de soulagement.
— Mais préviens-moi de ton état, ce soir, s'il te plaît. Sinon, je vais devoir venir chez toi pour vérifier que tu ailles bien.
Je vis Eden lever les yeux au ciel dans le dos de Liam, mais ne lui prêta pas attention.
— Ça marche. Passe le bonjour à ton père.
— Compte sur moi ! Prends soin de toi, Wendy.
Il me sourit une dernière fois, avant de passer devant Eden et de lui asséner un regard noir.
Je poussais un profond soupir dès qu'il quitta la pièce, sentant la tension s'évaporer petit à petit. Eden en profita pour s'approcher de moi.
Je levais les yeux vers lui et mon pouls s'emballa quand je croisais son regard. Je ne m'attendais pas à le voir aujourd'hui, après l'avoir dissuadé de venir ce matin. Je savais que je n'étais pas encore remise de son pouvoir de séduction.
— Est-ce que ça va ?
Sa voix était redevenue chaude et suave, mais je ne devais pas me laisser impressionner. Je n'avais pas aimé la manière dont lui et Liam s'étaient défiés devant moi et je comptais bien le lui dire.
— Ça dépend. Tu parles de mon bras ou de ta confrontation avec Liam ?
Il se passa une main dans les cheveux réussissant à coincer sa mèche ondulée pendant quelques secondes, avant qu'elle ne glisse de nouveau sur son front. Il l'écarta légèrement d'un geste de la main.
— Ce n'était pas une confrontation.
— Tu plaisantes, j'espère ? ricanais-je, sarcastique. Parce que c'était vraiment l'impression que ça donnait.
Il ne pipa mot.
— J'ai bien cru que vous alliez vous étriper.
A ces mots, il esquissa un petit sourire narquois.
— Ça ne serait pas allé aussi loin, ne t'en fais pas. Ce n'était que de la provocation, rien de plus.
— Et elle était vraiment nécessaire ? Parce qu'à mon avis, on aurait pu s'en passer.
— Tu devrais plutôt dire tout ça à Liam, se renfrogna-t-il.
Il n'avait pas complètement tort. Après tout, c'était Liam qui l'avait cherché en premier. Il détestait vraiment Eden, il n'y avait plus de doute. Mais maintenant que je savais d'où lui venait cette haine, je pouvais presque comprendre.
Liam en voulait terriblement à Eden parce qu'il le tenait pour responsable de l'agression de Lina. Même si j'étais persuadée qu'il n'en était rien, je ne pouvais pas en vouloir à Liam de vouloir protéger sa soeur. Pourtant, je devais éclaircir toute cette histoire avec Eden. Il était important que j'ai sa version à lui pour comprendre ce qui s'était véritablement passé ce soir là. Je ne savais pas s'il accepterait de m'en parler, mais il fallait au moins que j'essaie.
L'infirmière venait de terminer mes points de suture et se tourna vers moi.
— Je reviens, ne bougez pas.
Je perçus une légère déception dans sa voix à l'idée de nous laisser. Moi, j'en fus plutôt soulagée. Je préférais être seule avec Eden.
Dès qu'elle passa le rideau, il s'approcha lentement de moi.
— Tu m'en veux ?
Sa question me surprit. D'habitude, il me lançait une taquinerie pour me montrer que je m'emballais pour rien. Qu'il pose la question directement prouvait qu'il se souciait sincèrement de savoir si c'était le cas.
— Non, je ne t'en veux pas, répondis-je, un peu déstabilisée.
Il me fit son petit sourire en coin auquel j'avais du mal à résister.
— Tu es sûre ?
— Je suis sûre, oui.
Il s'était encore rapproché et venait de se pencher vers moi. Son visage, à quelques centimètres seulement du mien, me troubla automatiquement.
— Alors, tu veux bien me laisser te raccompagner ? Me demanda-t-il, dans un souffle chaud.
Je clignais plusieurs fois des yeux pour rassembler mes esprits.
— Pourquoi ?
Ma question n'était qu'un faible murmure. Malgré mon envie terrible de me faire ramener par Eden, je me forçais à ne pas céder aussi facilement à ses avances.
Eden eut la merveilleuse idée de caresser du bout des doigts ma mâchoire et je me sentis complètement à sa merci. Je n'eus d'autres choix que de plonger mon regard dans le sien et je savais que mes défenses allaient s'effondrer en un rien de temps.
En effet, je me sentis flancher sous son toucher léger, qui électrisa tout mon corps, tandis que je perdais pied dans le fond de ses yeux sarcelle aux cristaux émeraudes.
— Parce que je trouve que ce serait dommage de déranger ton oncle et de l'inquiéter sur ton état, alors que tu as déjà un chauffeur à ta disposition.
Sa voix suave m'envoûta et je fus bien contente d'être assise. Je sentais mes genoux trembler alors que je n'étais même pas debout.
Je m'humectais les lèvres, avant de trouver la force de lui répondre, de façon totalement béate.
— Oui, mais...
On aurait dit le piaillement d'un petit oisillon. Il déplaça légèrement sa main de manière à pouvoir me caresser la pommette de son pouce. Mon coeur se consuma instantanément. Il n'avait pas le droit de me faire cela deux jours de suite !
— S'il te plait, Wendy...
Il se rapprocha encore un peu et son souffle, doux sur ma peau, me procura une multitude de frissons. Mon coeur me faisait presque mal à présent.
Je crus que j'allais m'évanouir, pour la seconde fois dans la même journée, quand sa bouche se rapprocha dangereusement de la mienne. Instinctivement, je fermais les yeux et entrouvris les lèvres pour savourer le baiser que je pensais qu'il s'apprêtait à me donner.
— Wendy ?
— Mmm, dis-je pour toute réponse.
J'ouvris légèrement les yeux et contemplais avec ravissement sa bouche parfaite, fascinée par la manière dont elle prononçait mon prénom. Il se décala, des effluves de son parfum chatouillant agréablement mes narines et réveillant mes sens, afin de me murmurer au creux de l'oreille.
— Dis oui.
Son chuchotement me caressa le cou et finit de m'achever.
Il était évident qu'il venait de gagner. Sauf qu'avec toute la meilleure volonté du monde, j'étais incapable de lui répondre.
Il s'écarta lentement de moi, rompant le charme, un sourire sur les lèvres, et je vis l'infirmière faire irruption dans la pièce.
Je rougis jusqu'à la racine des cheveux et elle fronça légèrement les sourcils en me voyant. Je ne savais pas ce qu'elle était en train d'imaginer mais c'était sûrement davantage que ce que je n'avais eu, en réalité.
— Alors ? Me dit Eden imperturbable. Tu m'autorises à te ramener chez toi ?
Je papillonnais des yeux vers lui et je sentis à peine ma tête acquiescer.
— Parfait.
Il affichait un sourire radieux alors que je peinais toujours à me remettre de mes émotions.
— Voilà. Vous pouvez y aller, me dit l'infirmière en terminant mon bandage.
Je lui murmurais un merci avant de descendre du lit. Mes jambes se mirent à trembler, au moment où mes pieds touchèrent le sol. Avant que je ne perde l'équilibre, Eden se précipita vers moi et passa un bras puissant autour de ma taille pour me stabiliser.
Sa proximité soudaine et la manière dont il me pressait contre lui me plaisaient un peu trop. J'avais terriblement chaud, tout d'un coup.
— Ça va aller ? Demanda l'infirmière.
— Oui, ne vous inquiétez pas, répondit Eden à ma place. Je m'en occupe.
Il lui adressa un beau sourire et je vis la jeune femme perdre contenance. Je ne pouvais pas la juger, il m'avait fait le même coup. En dix fois pire ! Et cela m'avait littéralement fait perdre l'usage de mes jambes.
Eden m'entraîna vers la sortie, me maintenant toujours fermement contre lui. Je fis abstraction, non sans quelques difficultés, des muscles fermes que je pouvais sentir, même à travers son t-shirt.
En vérité, j'étais capable de marcher toute seule, à présent, mais je n'avais pas envie qu'il me lâche. J'étais horriblement faible.
Je le suivis jusqu'à sa voiture et je m'installais sur le siège tandis qu'il me tenait la portière. Je sentis alors une bouffée de culpabilité m'envahir en pensant à Liam. Eden fronça les sourcils en voyant mon air déconfit.
— Il y a un problème ?
Je me mordillais la lèvre. Je ne savais pas si c'était une bonne idée de lui reparler de Liam. Surtout si c'était pour lui dire que je m'en voulais de l'avoir congédié.
— Non, non, me dérobais-je.
Sans surprise, Eden ne me crut pas.
— Quand comprendras-tu, que ça ne sert à rien d'essayer de me mentir ?
Je dardais un regard dans sa direction, hésitant à lui dire ce qui me tracassait.
— C'est ton bras ?
— Non.
Je ne sentais plus vraiment la douleur, heureusement, seulement un léger tiraillement à cause des points. Le cachet que j'avais pris avait été efficace. A moins que ce ne soit la démonstration de charme d'Eden. Difficile à dire.
— Tu as le tournis ?
— Non, non.
— La nausée ?
— Je vais bien, Eden, soupirais-je. Tu vas continuer les questions encore longtemps ?
— Tant que tu ne m'auras pas dit quel est le problème, je continuerais.
Je levais les yeux au ciel. J'étais à deux doigts de lui cracher le morceau, mais je me ravisais, persuadée que ce n'était pas la meilleure solution.
— Mais il n'y a pas de problème.
Eden se pencha vers moi, me regardant intensément.
— Dois-je utiliser la même méthode que tout à l'heure, pour te faire céder ?
J'ouvrais de grands yeux et me reculais au maximum. La surprise me rendit insensible à sa voix de velours.
— Tu m'as piégé !
J'étais outrée mais lui semblait presque amusé.
— Je ne t'ai pas piégé.
— Ah non ? Et comment tu appelles ça ? Répliquais-je, consternée.
— Seulement être convaincant.
— Ben voyons !
Il poussa un bref soupir.
— Je ne vois pas où est le problème, c'est tout à ton avantage, après tout.
Je le toisais, abasourdie.
— Tu te fiches de moi ?! Tu ne vois pas où est le problème ?
— Dis moi.
Son air faussement innocent m'irrita.
— Je ne sais pas, peut-être le fait que tu aies utilisé ton charme pour arriver à tes fins.
Il éclata de rire et je le fusillais du regard.
— Tu trouves ça drôle, en plus ?
— Pour être complètement honnête avec toi, je ne pensais pas du tout que ça allait marcher aussi facilement. Tu n'étais pas très coopérative, au début.
J'écarquillais davantage les yeux. C'était la meilleure !
— Excuse-moi de vouloir garder le contrôle de moi-même en ne cédant pas de suite à tes beaux yeux !
— Il ne t'a pas fallu très longtemps, pourtant, pour abdiquer, souligna-t-il en levant un sourcil.
— Parce que tu m'as piégé ! Me défendis-je, ma voix partant dans les aigus sous le coup de l'indignation.
— Il faut toujours que tu dramatises tout, Wendy.
— Je ne dramatise rien du tout. Tu as profité de mon état pour ton bon plaisir, me révoltais-je.
Je voulus croiser les bras sur ma poitrine mais le tiraillement de ma plaie m'empêcha d'aller jusqu'au bout. Il me mettait tellement hors de moi que j'en oubliais que j'avais des points de suture.
— Rectification, c'est pour te rendre service que je l'ai fait. Même si je dois bien avouer que c'était assez amusant et...plaisant.
Je rougis devant ses paroles. Il tendit sa main et écarta une mèche de cheveux de mon visage tout en se penchant lentement vers moi.
— Ça n'avait pas vraiment l'air de te déplaire, non plus, chuchota-t-il de sa voix grave et enjôleuse.
Je fus tentée de le regarder mais je savais que je n'arriverais pas à garder ma maîtrise.
— Ce n'est pas le sujet, Eden, me dérobais-je.
Ma voix n'était pas bien assurée, malgré les efforts que j'avais déployé pour la contrôler. Ses doigts jouaient toujours avec mes cheveux, frôlant de temps en temps ma joue.
— Moi je crois que si, au contraire, dit-il doucement, près de mon oreille. Ça t'embête d'avoir succombé à mon charme, je me trompe ?
A vrai dire, j'étais davantage embêtée qu'il remarque l'effet qu'il avait eu sur moi. Malgré mon trouble, je levais les yeux au ciel et lui assénais une tape sur la main pour qu'il lâche mes cheveux.
— C'est très prétentieux de ta part, tu en es conscient, j'espère ?
Il eut un rire cristallin et s'écarta de moi, me permettant ainsi de respirer plus normalement.
— Quoique tu dises, je sais que j'ai raison.
Je tournais vivement mon visage vers lui, le regardant à travers mes cils.
— Au risque de te décevoir, je suis davantage embêtée que tu m'aies manipulé.
— C'est donc ça qui te contrarie ?
J'avais totalement oublié ma culpabilité à l'égard de Liam, alors que c'était elle qui avait déclenché cette conversation.
— Pas tout à fait..., admis-je.
Eden démarra le moteur qui vrombit avec puissance.
— Alors qu'est-ce qu'il y a de plus ?
— Tu ne lâcheras pas l'affaire tant que je ne te l'aurais pas dit, n'est-ce pas ?
— Tu as mis du temps à le comprendre, lâcha-t-il en quittant le parking de l'hôpital.
Je baissais les yeux sur mon bras et jouais distraitement avec le noeud du bandage.
— Je culpabilise un peu, en fait.
— A propos de quoi ?
Son air étonné ne me surpris pas. Je savais qu'il ne se doutait pas un instant que je puisse être contrariée à cause de Liam.
— Par rapport à Liam.
Je guettais sa réaction mais il resta stoïque.
— Pourquoi ça ?
— Parce que je lui ai menti.
Il se tourna vers moi, le front plissé d'incompréhension.
— Comment ça ?
— Je lui ai dis que je rentrerais avec mon oncle.
— Et alors ?
— Alors il s'avère que ce n'est pas vrai, tu le vois bien, puisque c'est toi qui me ramène.
Il semblait de plus en plus perplexe. Visiblement, il ne voyait pas où je voulais en venir.
— Et alors ? répéta-t-il.
— Alors je m'en veux de l'avoir congédié de cette façon et de lui avoir menti à propos de ça !
Eden reporta son attention sur la route mais je le sentis presque piqué.
— Tu préférais rentrer avec lui.
Ce n'était pas une question, il semblait réellement le penser.
— Non ! Pourquoi dis-tu ça ? Demandais-je, sans cacher ma surprise.
— Si tu t'en veux de l'avoir renvoyé chez lui, c'est que tu regrettes de ne pas avoir accepté sa proposition de te ramener, expliqua-t-il, les mâchoires serrées.
Il ne pouvait pas tomber plus à côté de la réalité, pour une fois.
— Ce n'est pas du tout ça, dis-je en baissant le ton de ma voix. C'est même tout le contraire, en vérité.
Il m'interrogea du regard et je me tournais vers la route, pour ne pas avoir à subir l'intensité de ses prunelles.
— C'est que...
Je réfléchis quelques instants à la meilleure façon de lui dire ce que je m'apprêtais à lui avouer.
Le silence s'éternisa.
— Je sais que tu aimes mettre à l'épreuve ma patience mais j'aimerais bien un joker, pour cette fois.
Je ne pus retenir un petit rire avant de reprendre mon sérieux.
— Je m'en veux d'avoir inventé une excuse pour rester avec toi, et pour que tu me raccompagnes.
Je finis ma phrase dans un murmure. Eden ne dit pas un mot. J'aurais préféré qu'il trouve quelque chose à répondre, pourtant. Le silence devenait beaucoup trop gênant et je sentis mon malaise augmenter à mesure que les secondes s'écoulaient.
Au bout d'un moment, qui me paru interminable, Eden ouvrit enfin la bouche pour me répondre.
— Tu ne devrais pas t'en faire pour Liam, Wendy.
— Tu dis ça parce que tu ne l'aimes pas, murmurais-je, déçue par sa réponse.
Ce n'était pas vraiment ce que j'avais espéré.
— Non, je dis ça parce que tu te soucies trop de ce que peuvent penser les autres.
— Et toi tu ne t'en soucies peut-être pas assez.
Je vis Eden se raidir face à ma répartie cinglante. Je m'en voulais d'avoir parlé sans réfléchir, sous le coup de la frustration.
— Tu penses que je ne me soucies pas des autres ?
Il ne semblait pas en colère, plutôt peiné que je puisse penser cela.
— Eh bien... Tu dois bien admettre que tu ne t'en formalises pas vraiment, de manière générale. Les émotions des autres ont tendance à te passer par-dessus, par moment.
Un éclat de tristesse passa dans ses yeux et mon coeur se serra de lui faire de la peine.
— C'est vraiment ce que tu penses ?
— Tu fais des efforts, bien sûr, tentais-je de me rattraper. Et puis, ça dépend aussi des personnes, certaines sont plus difficiles à cerner que d'autres...
— Et avec toi ?
— Moi ?
— Tu penses que tes émotions me passent au-dessus ?
Je me mordis la lèvre. D'un côté, j'avais envie de lui parler franchement, et de l'autre, je n'avais pas envie de lui faire encore plus de la peine.
— Ça dépend des fois, finis-je par dire, en penchant la tête sur le côté. Par moment, tu vas t'en soucier et par d'autres, tu vas les ignorer ou ne pas les percevoir.
— Quand est-ce que j'ai ignoré tes sentiments ?
— Pas plus tard qu'il y a quelques minutes.
Je savais que tout à l'heure, il avait choisi délibérément de ne pas répondre à ce que je lui avais dit.
— Je n'ai pas ignoré tes sentiments, Wendy.
Sa voix était calme, mais il semblait toujours perturbé par mes propos.
— Tu n'as pas répondu, pour autant, fis-je remarquer.
Il se passa une main dans ses cheveux, les yeux toujours fixés sur la route.
— Que veux-tu que je te réponde, Wendy ?
Sa question me blessa un peu et je me braquais.
— Je ne sais pas, Eden. Ce n'est pas à moi de te souffler quoi dire quand je t'avoues que dès que tu as débarqué à l'hôpital, je n'attendais qu'une chose, c'était d'être raccompagnée par toi !
Il ferma les yeux en soupirant doucement.
De nouveau, je lui avais parlé avec la plus grande franchise. Allait-il faire semblant de ne pas avoir entendu, encore une fois ?
— Ce n'est pas si simple, Wendy.
— J'ai bien remarqué, oui. Avec toi, rien n'est simple, dis-je d'un ton cassant.
— Tu ne comprends pas, murmura-t-il.
— Je ne demande que ça, Eden ! Comprendre. Te comprendre. Mais tu refuses toujours de m'apporter la moindre explication ! M'emportais-je.
— Parce que ce n'est pas si simple.
Son voix était plus forte et je sentais qu'il faisait tout son possible pour ne pas s'énerver.
— Tu l'as déjà dit, ça, raillais-je.
— Tu n'as pas l'air de l'intégrer, pourtant, alors je suis obligé de me répéter, répliqua-t-il, plus acerbe.
— Parce que moi je ne me répète pas, peut-être ?
— Tu attends quoi de moi, Wendy ? S'emporta-t-il à son tour, en se tournant vers moi.
— Que tu me dises honnêtement ce que tu penses !
— Très bien ! Je pense que tu devrais arrêter de chercher à savoir ce que je pense !
De nouveau, je me sentis blessée par ses propos. Je lui jetais un regard noir où transparaissait ma peine de me faire rejeter de la sorte.
— Tu sais quoi ? Va te faire voir, Eden ! explosais-je.
Un silence de plombs tomba entre nous. Je contemplais le paysage qui défilait à toute allure par la vitre, essayant de contenir les larmes de rage que je sentais monter en moi.
J'avais été bête de penser que, si je me montrais honnête avec lui, il allait faire de même avec moi. Mais cela aurait été trop beau. Si moi j'avais de plus en plus de mal à lui cacher ce que je ressentais, lui n'avait pas ce problème, visiblement.
C'était tellement injuste de me forcer à lui dire ce que je pensais, pour ensuite me remballer ! Le pire, c'était que je finissais toujours par lui révéler mes sentiments intimes. Mais, quand les rôles étaient inversés et que c'était moi qui cherchais à savoir ce qu'il ressentait et pensait vraiment, je me heurtais à un mur. Pourtant, la veille, il s'était ouvert à moi. J'avais pensé naïvement qu'il continuerait, mais je m'étais trompée sur toute la ligne. J'en avais assez d'être l'idiote de service.
Je sentis une larme s'échapper et rouler le long de ma joue. Je l'essuyais rageusement dans un geste vif, en espérant qu'Eden ne le remarquerait pas. Je détestais l'idée qu'il me voit pleurer, en cet instant. Mon orgueil était beaucoup trop touché pour l'accepter.
— Wendy ?
— Quoi ?
Ma voix était un peu rauque et mon ton beaucoup moins aimable que le sien. Je n'avais pas bougé et étais toujours tournée vers la vitre, de mon côté.
Je l'entendis soupirer doucement.
— Ça m'a fait plaisir, murmura-t-il enfin.
La surprise me poussa à darder un regard vers lui. Ses yeux regardaient la route sans la voir vraiment. Il semblait tourmenté.
— Ce que tu m'as dit, tout à l'heure, ça m'a fait plaisir. Et c'est là tout le problème, dit-il à demi-mot.
Je fronçais les sourcils, incapable de savoir si je devais être contente de son honnêteté, ou contrariée que ce soit, pour lui, un problème.
— Pourquoi ?
— Parce que ça m'a fait bien trop plaisir.
Ma colère s'évapora d'un seul coup et mon pouls s'affola. Pourtant, un pli barrait toujours son front.
— A la façon dont tu le dis, on dirait que ce n'est pas bien, soulevais-je prudemment.
— Non, ça ne l'est pas, en effet.
Il serra plus fort le volant et je me raidis sur mon siège.
— Pourquoi ça ?
— Parce que c'est trop dangereux.
Je dus tendre l'oreille pour distinguer les mots qu'il venait de prononcer. Quand j'en pris conscience, un frisson me hérissa la nuque. Le récit de Liam s'imposa à moi et je me demandais si c'était à cause de cela qu'Eden me repoussait. Je devais en avoir le coeur net.
— C'est par rapport à ce qui s'est passé avec Lina, la soeur de Liam ?
Eden se crispa et me jeta un bref coup d'oeil, interloqué.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Liam m'a raconté ce qui était arrivé à sa soeur.
J'observais son profil qui resta de marbre.
— C'est-à-dire ? Que t'a-t-il raconté, exactement ?
Je lui répétais ce que Liam m'avait dit avant que je ne m'évanouisse. Je veillais à bien choisir mes mots pour ne pas qu'il se braque et surtout, pour ne pas qu'il pense que j'accordais du crédit à la version de Liam. Au contraire, j'étais de plus en plus persuadée qu'Eden n'y était pour rien dans l'agression de Lina. Je devais juste avoir confirmation auprès du principal concerné.
Eden garda le silence quelques minutes après que j'eus terminé. Je me demandais à quoi il pouvait bien penser, mais son expression ne me laissa rien deviner. Il finit enfin par prendre la parole, sa voix ne trahissant aucune émotion.
— Tu penses que j'ai fait du mal à sa soeur.
Là encore, c'était plus une constatation qu'une question. Je me fis une certaine joie de le contredire.
— Pas le moins du monde.
Quand il tourna son visage vers moi, il paraissait réellement surpris. Il ne s'attendait certainement pas à cette réponse de ma part.
— Non ?
Je lui souris en secouant la tête. Il plissa les yeux.
— Pourquoi ?
Je haussais les épaules.
— Pour plusieurs raisons, à vrai dire. Tu veux toutes les entendre ?
— Crache le morceau, Wendy.
Je pouvais voir qu'il crevait d'envie de savoir.
— D'abord, je pense que Liam n'est pas très objectif. Il a vu sa soeur s'intéresser à toi et cette idée lui a clairement déplu, dès le début. Il est très protecteur vis-à-vis d'elle, ça se voit.
Eden ne réagit pas, mais il était attentif à mes paroles.
— Ensuite, de ce que j'ai compris, Lina ne se souvient pas très bien ce qui s'est passé ce soir-là. Je ne dis pas qu'elle a tout inventé, bien sûr, mais d'après ce que Liam m'a dit, c'est lui qui a refait le scénario en fonction des détails dont elle semblait se souvenir progressivement. Rien n'est totalement certain dans sa version. Elle a reçu un coup violent à la tête et s'est évanouie. Quand elle s'est réveillée, elle se rappelait vaguement de ton visage. Peut-être qu'elle a halluciné, je ne sais pas.
Eden sembla réfléchir un instant à mes propos, mais garda le silence.
— Et enfin, terminais-je. Je t'ai dit que je ne te croyais pas capable de faire du mal à qui que ce soit, tu te rappelles ? C'est toujours d'actualité.
Eden tourna ses prunelles vers moi et m'observa attentivement. J'avais du mal à contenir mon petit sourire satisfait.
— Tu es réellement en train de me défendre, alors que tous les éléments sont contre moi ? Demanda alors Eden, d'un air hébété.
— Je dirais plutôt que je viens de démontrer que tu n'y étais pour rien, rectifiais-je.
— Et si je l'étais ?
Sa question me fit frémir, mais je me ressaisis vite. C'était impossible.
— Je suis sûre que non.
— Réponds à ma question, Wendy, s'impatienta-t-il. Si j'étais vraiment le coupable de l'histoire, qu'est-ce que tu ferais ?
Son regard ardent me désarma un bref instant.
— Ce ne serait pas grave, répondis-je tout bas.
Il écarquilla les yeux, comme si je venais de dire une grosse bêtise.
— Pardon ?
— C'est du passé, Eden, dis-je en me détournant. Si c'est vraiment arrivé comme Liam me l'a raconté, je suis sûre que c'était un accident et que ce qui s'est produit était involontaire. Il manque une information, c'est évident ! Quoiqu'il en soit, je suis certaine que tu n'y es pour rien, même si tu essaies de me convaincre du contraire.
— Pourquoi tiens-tu tant à me tenir pour innocent ? Demanda-t-il, excédé, comme si la chose était impensable.
— Pourquoi tiens-tu tant à te tenir pour coupable ? Lui rétorquais-je.
— Parce que je sais que je le suis. D'une manière ou d'une autre.
Son murmure me fit tressaillir, malgré moi. Et si je m'étais trompée ?
J'observais en silence le visage d'Eden, marqué par la culpabilité, le regret et quelque chose qui ressemblait à du dégoût. Ma crainte s'envola aussitôt.
J'aurais voulu tendre ma main vers la sienne pour le rassurer et le réconforter, mais je m'abstins. Je ne voulais pas risquer de me prendre un vent.
Il finit par rompre le silence qui s'était installé.
— Même en sachant ça, tu n'as pas envie de fuir ?
— Non, murmurais-je.
— Pourtant, tu devrais.
Il avait remis son masque indéchiffrable qu'il revêtait quand il me mettait en garde. Mais maintenant, je comprenais mieux de quoi il avait peur.
— C'est pour cette raison que tu passes ton temps à me dire de faire attention ? Parce que tu as peur qu'il m'arrive la même chose qu'à Lina ?
Il se renfrogna, mais ses lèvres serrées me donnèrent la réponse.
— Pourquoi penses-tu que tu es un danger, Eden ?
— Je ne le pense pas. Je le suis.
Son ton était sans appel. Il avait du se répéter cette phrase tant de fois, qu'elle était désormais profondément ancrée en lui. A moins que ce ne soit quelqu'un qui le lui ait fait croire. L'un comme l'autre, c'était tellement évident pour lui qu'il semblait impossible de le convaincre du contraire.
— Moi, je n'en crois pas un mot.
Il soupira, comme si ce que je pensais n'avait pas d'importance.
— Tu n'as aucune idée de ce dont je suis capable.
Mon coeur battit plus fort. Je fis abstraction du sentiment de peur qui venait de m'envahir, avant de lui répondre.
— Etre capable de quelque chose ne veut pas dire que l'on va forcément le faire.
— Ce n'est pas aussi simple.
— Alors, dis-moi, tentais-je de le convaincre. Je suis sûre que je réussirais à te prouver que tu n'es pas une mauvaise personne. Après tout, j'ai bien réussi à te rendre plus patient et attentif.
Je lui adressais un petit sourire et fus heureuse de le voir me le retourner.
— Pas aujourd'hui.
Je sentis l'espoir naître au fond de ma poitrine devant cette porte entre-ouverte. Pour une fois, il ne me l'avait pas fermé à la figure. C'était inespéré.
— Bientôt ? Ne pus-je m'empêcher de demander.
— Je l'espère...
Je décidais de me contenter de cette réponse. Pour l'instant, en tout cas. S'il avait l'intention de se défiler et de ne pas me dire ce qui le torturait autant, je comptais bien lui rappeler la promesse qu'il venait de me faire.
Je regardais par la vitre et reconnus la route qui menait chez moi.
— Tu ne me ramènes pas à la librairie ? Demandais-je, surprise.
— Il est hors de question que tu travailles dans cet état, Wendy, répondit-il fermement. Tu dois te reposer.
— Mais, enfin...
— Ne t'en fais pas, Judy s'occupe de tout, m'interrompit-il. Elle a prévenu Christian quand on a trouvé le mot de Liam. Il veut, lui aussi, que tu récupères avant de revenir travailler.
J'ouvrais la bouche pour protester de nouveau mais il ne m'en laissa pas le temps.
— Ce n'est pas négociable, Wendy. Tu as interdiction de travailler durant les sept prochains jours.
— Sept jours ?! m'exclamais-je. Mais c'est beaucoup trop !
— C'est le minimum.
Je fis la moue mais ne dis rien. Je savais qu'il était inutile de batailler avec Eden. Il était bien trop têtu.
Il se gara devant la maison et éteignis le moteur. Evidemment, la voiture de Neil n'était pas là puisque c'était l'après-midi.
Je ressentis un pincement au coeur en me rendant compte qu'il était temps de me séparer d'Eden. Je n'en avais pas du tout envie.
A contre-coeur, je me tournais vers lui.
— Merci d'être venu à l'hôpital.
— C'est normal, me dit-il en souriant. Je me demande encore comment il est possible de s'évanouir en se plantant un cutter dans le bras, mais je suppose que toi-même, tu n'as pas la réponse à cette question essentielle.
Je lui fis la grimace et son sourire s'élargit, ce qui fit fondre le petit organe logé dans ma poitrine.
— Merci de m'avoir ramené.
Je posais la main sur la portière avant de m'arrêter.
— Il y a un problème ? Demanda Eden en penchant la tête.
— Ma voiture est encore sur le parking de la librairie, soupirais-je.
— Et alors ?
— Alors je ne sais pas comment je vais faire pour retourner travailler, réfléchissais-je tout haut.
Il soupira.
— Je te dis que tu as un repos forcé d'une semaine et tu penses déjà à reprendre. Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Se lamenta-t-il en secouant la tête.
— Ce n'est pas de ma faute. J'aime mon stage à la librairie, c'est tout.
— Si ça peut te rassurer, je peux te déposer ta voiture, devant chez toi, proposa-t-il.
Je le regardais, ressentant des palpitations à l'idée de le revoir bientôt.
— Mais tu dois me promettre que tu ne t'en serviras pas, rajouta-t-il.
Je lâchais un petit rire. Je me doutais qu'il y aurait une condition.
— Tu promets ?
Je levais les yeux au ciel, amusée.
— C'est promis, oui, capitulais-je.
— Merci.
Je regardais son visage, m'émerveillant de ses traits si parfaits. Eden finit par se racler la gorge et je détournais mes yeux, rouge de gêne.
— Je devrais y aller, lançais-je.
— Wendy ? M'appela-t-il, m'arrêtant dans mon geste.
Il semblait attendre alors je lui jetais un regard interrogatif.
— Tu n'oublies pas quelque chose ?
Je réfléchis un instant et poussais une petite exclamation en comprenant où il venait en venir.
— Tu veux mes clés, c'est ça ?
— C'est plus pratique, oui, en général pour démarrer une voiture, plaisanta-t-il.
J'étouffais un petit rire et sortis mon trousseau de clés de la poche de ma veste, avant d'hésiter une seconde.
— Qu'est-ce qu'il y a, encore ? Soupira-t-il en voyant mon indécision. Tu as peur que je n'abîme ta voiture ?
Il se retenait de rire.
— Non, mais je veux que tu me promettes que tu ne rouleras pas comme un fou, lui dis-je en plissant les yeux.
Il leva les siens au plafond.
— Ta voiture n'a pas les capacités idéales pour ça, rétorqua-t-il d'un ton plein d'arrogance. Même si je le voulais, je prendrais bien moins de plaisir que j'en prends avec la mienne.
— Tu es beaucoup trop prétentieux pour que je prenne la peine de répondre.
Il éclata de rire.
— Au fait, tu vas rentrer comment ? Demandais-je, en lui tendant les clés.
— Je me débrouillerais, répondit-il, distrait par le trousseau qui se balançait au dessus de sa paume ouverte.
Il fronça les sourcils tout en observant le porte-clé. Son regard s'arrêta alors et je le vis se figer légèrement.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Euh...un porte-clé, vraisemblablement, répondis-je sans comprendre le vrai sens de sa question.
— Non. Ça.
Il me montra la petite clé que j'avais trouvé dans le local de la librairie. Avec tout ce qui s'était passé ces derniers jours, elle m'était complètement sortie de l'esprit.
— Où as-tu trouvé ça ? Me demanda-il, comme je ne répondais pas.
Son ton sec me fit sursauter.
— Je l'ai trouvé dans le local. Je ne sais pas à qui elle appartient. Comme elle est petite et que j'avais peur de la perdre, je l'ai accroché à mon trousseau de clé pour ne pas oublier d'en parler. Mais avec tout ce qui s'est passé, je n'y ai plus pensé.
Eden continuait de fixer la petite clé gravée d'un E. Ses prunelles s'étaient assombries et je vis ses narines se dilater légèrement.
— Il y a un problème ? Voulus-je savoir en voyant son expression.
Il ne me répondit pas mais il regardait toujours la clé comme si elle était maudite. Il finit par relever les yeux vers moi, retrouvant sa normalité.
— Non, aucun.
Il m'adressa un léger sourire, censé me rassurer ou me dissuader de poser d'autres questions. Je fouillais dans le fond de ses yeux pour tenter de discerner ce qui l'avait tracassé, mais son expression était indéchiffrable. Pourtant, son revirement d'attitude était plutôt perturbante.
— Je crois savoir à qui elle appartient, dit-il alors. Je peux la récupérer ?
— Oui, bien sûr. Je n'en ferais rien de toute façon.
Il détacha la petite clé et la glissa dans sa poche.
— Tu devrais aller te reposer, maintenant, me dit-il, recouvrant sa douceur.
Je hochais la tête.
— Je te ramènerais ta voiture d'ici quelques jours, ajouta-t-il.
— D'accord, merci.
J'ouvris la portière et avant que je ne sorte de la voiture, Eden se pencha vers moi, me retenant. Le contact de sa main sur mon poignet déclencha une décharge le long de mon épiderme.
— Fais attention à toi, Wendy, me souffla-t-il avec un regard brûlant d'intensité.
— Il ne peut plus rien m'arriver de pire, pouffais-je en lui montrant mon bras bandé.
Eden émit un petit grognement.
— Fais attention. S'il te plaît.
Son ton suppliant me fit acquiescer sans broncher.
J'avais de plus en plus de mal à me défaire de son regard hypnotique et à me séparer de lui. Comme je ne bougeais pas, je vis un sourire se dessiner aux coins de ses lèvres avant qu'il ne se rapproche. Je retins mon souffle alors qu'il écartait une mèche de mes cheveux pour la glisser derrière mon oreille.
— Je reviendrais te voir, Wendy, me chuchota-t-il, son souffle chaud me picotant la peau.
Je me retrouvais dans l'incapacité de bouger, savourant l'effet que ses doigts qui effleuraient ma clavicule me procurait. Je pris soudain conscience qu'il usait du même stratagème qu'à l'hôpital.
Je me reculais doucement, en essayant d'afficher une expression mécontente, malgré mon pouls instable et mes joues écarlates.
— Ne recommences pas avec ça, bougonnais-je.
Eden sourit en regagnant sagement sa place, comme si de rien n'était.
— Ce fut un plaisir, Wendy, me lança-t-il d'une voix suave.
Ce fut à mon tour de pousser un petit grognement avant de sortir de la voiture. Je me précipitais vers l'entrée, sentant le regard d'Eden sur moi. Je me forçais à ne pas me retourner.
Au moment où je m'engouffrais à l'intérieur, j'entendis le moteur se mettre en marche avant de s'éloigner complètement. Je m'adossais à la porte d'entrée et fermais les yeux en écoutant les battements de mon coeur ralentirent progressivement.
Je n'arrivais pas à me défaire du visage d'Eden et je sentis une vague de chaleur m'envelopper à mesure que mon esprit s'attardait sur ses moindres détails. Je revoyais sa bouche s'étirer en un petit sourire charmeur, ses cheveux bruns légèrement ondulés, aux reflets cuivrés, qu'il passait son temps à ébouriffer en passant une main dedans, sa petite mèche qui ne cessait de retomber sur son front et qui le rendait irrésistible. Je ressentais la caresse de ses doigts qui effleuraient délicatement ma peau, son souffle, son parfum envoûtant, qui me procurait mille frissons.
Mais par-dessus tout, je revoyais ses yeux à la couleur presque indescriptible, aux tons de vert émeraude et de bleu sarcelle, qui me regardaient toujours intensément et qui suffisaient à me faire perdre complètement le contrôle de mes sentiments. Ses prunelles profondes avaient le don de chambouler mon coeur quand j'avais le malheur de plonger dedans.
Je rouvris les paupières d'un coup, quand l'évidence s'imposa brutalement à moi. Je pris conscience, avec une force inouïe qui me serra le ventre et perturba mon coeur, que je ressentais davantage qu'un simple attachement.
J'étais littéralement en train de tomber amoureuse d'Eden et je ne pouvais plus rien faire pour empêcher cela.PS : 🌟 merci de cliquer sur la petite étoile en bas du chapitre si vous avez aimé 🌟
VOUS LISEZ
Anmore Cove
ParanormalA dix-huit ans, Wendy décide de partir vivre avec son oncle qui lui a trouvé un stage dans la librairie de sa ville, Anmore Cove. Encore marquée par l'abandon de son père quand elle avait six ans, la jeune fille voit dans ce changement l'échappatoir...