Chapitre 23

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Je restais chez ma mère jusqu'à la fin de la semaine et cela me fit beaucoup de bien.
J'avais réussi à profiter de ce séjour pour chasser Eden de mon esprit. La chose avait été plus facile en journée. J'avais aidé ma mère au magasin de
fleurs, elle m'avait amené faire les magasins ou prendre l'air dans le parc où j'aimais venir quand j'étais petite. Je m'étais aussi occupée de Gentleman, le sortant, jouant et faisant de longues promenades avec lui. Mais c'était les soirées que j'avais préféré, de tout mon séjour.
Nous nous retrouvions tous les trois dans la petite cuisine de la maison de James. Ma mère avait emménagé avec lui, le temps de trouver leur nouvelle maison. James faisait le repas, tandis qu'il nous écoutait patiemment et avec intérêt décrire notre journée.
Je m'étais vraiment sentie bien avec eux, j'avais eu cette sensation que nous étions réellement une vraie famille. Au début, cela m'avait fait bizarre, n'ayant pas l'habitude de ce genre de soirée familiale à trois, et je ne voulais pas non plus m'immiscer dans leur vie. Mais dès le deuxième soir, je m'étais sentie à l'aise et j'avais pris plaisir à ces moments. James cuisinait à merveille et il était d'une telle jovialité que je m'étais surprise à rire, à de nombreuses reprises, avec lui.
Hélas, dès que la nuit survenait, et qu'il était l'heure d'aller se coucher, je me retrouvais prise au piège de mes pensées et avais beaucoup de difficulté à trouver le sommeil.
Je me tournais et me retournais inlassablement dans le grand lit de la chambre d'ami, incapable de m'endormir. Je m'efforçais tellement de taire mes pensées à propos d'Eden au cours de la journée, que je me retrouvais assaillis par elles quand venait le soir. J'aurais voulu que mon cerveau cesse de se jouer de moi de cette manière en me repassant constamment le visage que je fuyais désespérément. Ma tête n'était qu'un manège de bois qui tournait en boucle sur le visage d'Eden, pour mon plus grand désarrois.
Je n'avais plus reparlé de lui avec ma mère et elle n'avait plus mentionné son prénom, non plus. Elle me demandait souvent comment j'allais et son expression trahissait la peine qu'elle ressentait pour moi. Je finissais, malgré tout, par la rassurer sur mon état et elle finissait par ne plus me poser la question.
Mon téléphone était resté éteint durant tout ce temps. Je l'avais seulement rallumé pour prévenir Neil que j'étais bien arrivée. J'avais pu constater qu'Eden m'avait laissé deux autres messages, me demandant de lui octroyer un moment pour parler, mais je les avais ignoré. Tout comme ses trois appels.
J'avais de nouveau éteint mon portable et ne l'avais pas allumé une seule fois.
Mais ce matin, alors que je me retrouvais devant la librairie et que je m'apprêtais à affronter Judy, et peut-être même Eden, je ne pouvais contenir le stress que j'avais tenté de ravaler ces derniers jours.
Je restais un moment pétrifiée dans ma voiture, incapable de me décider à sortir. Pourtant, il allait bien falloir que j'y aille.
Je sentais des petits picotements au bout de mes doigts, alors que mes yeux restaient fixés sur la porte de la boutique. J'avais remarqué la voiture de Judy et j'espérais sincèrement que Eden n'était pas avec elle.
Je ne savais pas trop comment allait être Judy avec moi. La dernière fois, son comportement avait été tellement étrange que je redoutais un peu de la revoir.
Je regardais l'heure sur mon téléphone, que j'avais rallumé. La boutique ouvrait dans pas moins de cinq minutes. D'habitude, j'aimais arriver tôt pour bien préparer l'ouverture et discuter avec mon amie, mais ce matin, je ne m'étais pas pressée sur la route, guère désireuse d'arriver avant l'heure.
Je pris une dernière profonde inspiration et sortis de la voiture. Je me dirigeais d'un pas traînant vers la boutique, le ventre toujours noué.
En entrant par la porte de derrière, j'étais tellement angoissée, que je crus que mes jambes ne réussiraient pas à me porter jusqu'à l'accueil.
Je déposais mon manteau avant de passer la porte menant à la boutique.
Il n'y avait personne.
Je m'autorisais à respirer un peu plus normalement en m'avançant vers les ordinateurs, qui n'étaient pas encore allumés puis en allant retourner la pancarte de la porte d'entrée.
Quand je fis volte-face pour retourner au comptoir, Judy se tenait dans l'encadrement de la porte menant à l'arrière-boutique. Elle affichait un petit sourire gêné.
— Salut, Wendy.
— Salut, lui répondis-je avec peu d'entrain.
Elle paraissait hésitante mais je l'ignorais. Je m'approchais de l'ordinateur et entrepris de vérifier les commandes du jour sur le site Internet. Judy n'avait toujours pas bougé et me regardait sans rien dire.
Le silence de plombs qui régnait entre nous me mis franchement mal à l'aise, mais je n'avais aucunement l'intention de le briser en première. J'en avais assez de penser aux autres alors qu'eux ne se souciaient nullement du mal qu'ils me faisaient. J'en avais marre d'essayer de réparer les pots cassés avec cette famille alors qu'ils me prenaient pour une idiote depuis le début.
Du coin de l'oeil, je vis Judy danser d'un pied sur l'autre avant qu'elle ne se décide à prendre la parole.
— Je te demande pardon, Wendy. Pour mon comportement de la dernière fois. Tu as dû te poser des questions sur mon attitude.
Je me tournais lentement vers elle, prête à lancer une réplique cinglante, mais son expression m'arrêta. Elle paraissait réellement s'en vouloir.
— Je n'aurais pas dû te parler comme je l'ai fait, reprit-elle. J'étais...préoccupée par quelque chose et je ne m'attendais pas du tout à te voir. J'espère que tu me pardonneras.
Elle n'osait pas me regarder dans les yeux. J'aurais aimé lui dire que, oui, je l'avais trouvé bizarre et que, effectivement, sa réaction m'avait peiné. Mais au lieu de cela, je fus touchée par la culpabilité que je pouvais clairement voir dans ses yeux et je ne parvins pas à lui en vouloir.
— Ce n'est rien, n'en parlons plus, la rassurais-je.
— Tu en es sûre ?
Je hochais la tête en lui adressant un petit sourire. Je la vis se détendre instantanément.
— Je suis tellement soulagée, soupira-t-elle. Je m'en voulais atrocement de t'avoir laissé partir comme ça. J'aurais voulu t'appeler ou t'envoyer un message, mais Eden m'en a dissuadé. Il pensait qu'il était préférable que j'attende de te parler de vive voix.
Je me raidis automatiquement en entendant le prénom de son frère et pinçais les lèvres pour ne pas trahir mes émotions devant Judy, mais sentis son regard peser lourdement sur moi.
Je détournais les yeux et reportais mon attention sur l'écran de l'ordinateur, me demandant si elle était au courant de ce dont j'avais été témoin.
— Tout va bien ? me demanda-t-elle en plissant les yeux.
— Oui.
Je me refusais toujours à la regarder.
— Vraiment ? Parce que je te trouve bien pâle, fit-elle remarquer.
Je gardais le silence, espérant que cela allait la dissuader de poursuivre son interrogatoire. Elle s'assit sur son fauteuil, à côté de moi.
— Qu'a-t-il fait, encore ?
Je la regardais, incrédule.
— J'imagine qu'Eden a fait quelque chose qui ne t'a pas plu, expliqua-t-elle devant mon regard interrogateur. Ta réaction quand j'ai parlé de lui était assez révélatrice. Je me doutais que quelque chose clochait de son côté. Il n'a pas l'air très bien, depuis quelques jours. J'ai la sensation qu'il s'en veut, mais il refuse de m'en parler. Je lui ai demandé s'il était question de toi mais il s'est fermé comme une huitre et m'a envoyé balader, ajouta-t-elle en levant les yeux ciel, comme si elle avait l'habitude.
Je retins un rire sarcastique. Qu'Eden soit capable de se sentir coupable était plutôt déroutant. Lui qui ne m'avait pas donné l'impression de se soucier de me faire du mal ou pas, ce jour-là.
— Et maintenant que je te vois, j'en déduis qu'il s'est réellement passé quelque chose.
Je ne bronchais toujours pas. Je n'avais pas envie de reparler de toute cette histoire. Je commençais à peine à m'en remettre.
— Tu ne veux pas m'en parler ?
— Pas vraiment, désolée.
Je me forçais à ne pas m'attarder sur son expression déçue. Je détestais être celle qui remballait les gens, mais je savais que c'était une mauvaise idée de lui parler de ce que j'avais entendu. Il aurait fallu que je lui avoue les véritables sentiments que j'éprouvais pour son frère et c'était hors de question.
— J'imagine que ça doit être conséquent.
Les mots qu'Eden avait prononcé ce jour-là résonnèrent brutalement dans ma tête et je dû ravaler la boule qui venait de se former au fond de ma gorge, à l'évocation de ce souvenir douloureux.
— Je ne te poserais pas plus de question si tu ne veux pas en parler, me dit-elle avec tendresse. Mais m'en accorderais-tu juste une seule, s'il te plaît ?
Elle me gratifia d'un regard suppliant.
— Je t'écoute, cédais-je, malgré moi.
— Penses-tu que ça peut s'arranger ?
Sa question me laissa interdite. Elle paraissait réellement vouloir que les choses s'arrangent entre son frère et moi. Malheureusement, elle allait être déçue.
— J'en doute.
Un voile de tristesse enveloppa son regard, mais elle finit par hocher lentement la tête.
— J'en suis sincèrement désolée, alors.
— Tu n'y es pour rien.
— Non. Mais j'aurais aimé qu'il ne te fasse pas autant de mal.
Je sentis un flot d'émotion me submerger et je baissais la tête pour ne pas qu'elle voit les larmes perler aux coins de mes yeux. Moi aussi, j'aurais aimé qu'il ne me fasse pas autant de mal.
Son téléphone se mit à sonner, nous faisant sursauter toutes les deux. Elle fronça les sourcils et décrocha prudemment.
— Je t'écoute, dit-elle d'une voix froide.
Son ton me surprit mais pas davantage que le fait qu'elle prenne un appel devant moi. Généralement, elle s'éclipsait dans l'arrière-boutique pour avoir un peu plus d'intimité.
— Tu ne crois pas que tu en as assez fait, comme ça, Eden !
J'ouvrais des yeux ronds et la dévisageais, en proie à la panique. Je comprenais mieux, maintenant pourquoi elle avait décroché devant moi. Elle semblait vouloir me montrer qu'elle était de mon côté. Mais cette idée, bien que touchante, ne parvint pas à calmer mon état de stress.
Je pouvais sans mal imaginer qu'Eden cherchait à savoir si j'étais à la librairie. J'avais ignoré tous ses messages et ses appels mais il avait été convenu que je pouvais reprendre le travail aujourd'hui. Visiblement, il ne l'avait pas oublié, lui non plus.
— Non, elle ne m'a rien dit, reprit-elle d'un ton toujours aussi dur. Mais elle n'a pas eu besoin de le faire pour que je devine que tu avais fait fort, cette fois-ci !
Le rouge me monta aux joues. Cela avait été déjà assez humiliant d'entendre Eden parler de moi en termes peu élogieux, il fallait que Judy enfonce le clou en laissant sous-entendre que je n'étais toujours pas remise.
J'aurais voulu me cacher dans un trou de souris et ne jamais en ressortir.
— J'espère bien, oui, que tu t'en veux ! s'exclama-t-elle.
Savoir qu'il s'en voulait ne m'apaisa pas. Il devait seulement s'en vouloir d'avoir été pris sur le fait entrain de parler de moi, mais cela ne changeait rien à ce qu'il ressentait.
— Non, Eden ! Eden !
Elle soupira et reposa son téléphone avant de lever des yeux paniqués vers moi.
— Il est en route pour venir.
Je me figeais tandis que les picotements dans mes doigts refirent surface à cause du stress.
— Quoi ?! Ici ? m'exclamais-je, paniquée.
Elle hocha gravement la tête.
— Je n'ai pas eu le temps de l'en dissuader.
Je me levais de mon fauteuil précipitamment, cherchant un échappatoire.
— Je n'ai pas envie de le voir.
Judy se leva également et me prit les épaules, pour me calmer.
— Je sais. C'est bien pour ça que j'aurais voulu le dissuader de venir.
Je tâchais de contenir ma respiration et les battements de mon coeur, qui avaient redoublé sous le coup de l'affolement.
— Je ne peux pas rester ici. Je dois partir, lâchais-je, à bout de souffle.
— Oui, je pense que c'est ce que tu dois faire, m'encouragea-t-elle.
Je fus touchée par sa compréhension. Après tout, c'était son frère, elle aurait très bien pu être de son côté. Pourtant, en cet instant, elle cherchait réellement à m'aider.
— File par derrière, me dit-elle en me poussant vers l'arrière-boutique. Oh et tiens ! Prends ma veste.
Elle me força à enfiler son imperméable beige.
— J'ai une veste, tu sais, lui rappelais-je.
— Je m'occupe de la cacher. Il vaut mieux brouiller les pistes.
Je ne la contredis pas et la laissais me pousser vers la porte arrière. J'eus à peine le temps de me retourner vers elle avant qu'elle ne ferme la porte.
— Merci, Judy.
— Tu me remercieras quand on aura réussi à le semer, me dit-elle avec un petit sourire de connivence. Pars, maintenant, avant qu'il n'arrive. Il ne devrait plus tarder.
Je hochais la tête tandis qu'elle refermait la porte derrière moi.
Je longeais le mur du bâtiment afin de me diriger vers le parking de la librairie avant de m'arrêter à l'angle. J'observais la place et eus un moment d'hésitation. Si je partais avec ma voiture, je prenais le risque de le croiser sur la route. Ce n'était vraiment pas une très bonne idée. Il serait là d'un instant à l'autre, il fallait que je me dépêche de trouver une solution.
Aller chez Ben n'était pas la meilleure option, non plus. Non seulement Eden se douterait que je serais là-bas et n'aurait aucun scrupule à aller me chercher, mais en plus, je ne voulais pas vraiment mêler Ben à cette histoire. Après l'accident de Lina, il ne portait sûrement pas Eden dans son coeur, comme son fils, et je ne tenais pas à en rajouter. Sans compter que je n'avais pas envie de me donner en spectacle devant tout le monde et que c'était ce qui risquait d'arriver.
J'entendis alors, au loin, le bruit d'un moteur, poussé à pleine vitesse et je me pétrifiais.
Bon sang, il avait fait vite !
Je m'empressais de faire demi-tour vers l'arrière de la librairie mais je me retrouvais bloquée.
Qu'est-ce que je pouvais bien faire, maintenant ? Il serait là dans quelques minutes, à peine.
Je contournais le bâtiment pour me retrouver complètement derrière. Je pouvais attendre ici qu'il se décide à repartir, mais c'était beaucoup trop dangereux. Cherchant autour de moi une issue, je tombais sur un portillon en bois donnant sur la forêt. C'était ma dernière chance d'échapper à Eden.
J'ouvris le loquet et m'engageais sur le chemin avant de revenir rapidement sur mes pas pour refermer le verrou. Il ne s'agissait pas de laisser bêtement des indices.
Je commençais à m'enfoncer dans les fougères, quand le bruit de pneus crissants sur l'asphalte me fit sursauter. Une bouffée d'adrénaline me submergea et je me mis à courir à travers les arbres. Je devais mettre de la distance entre lui et moi, au plus vite. Judy allait certainement le retenir quelques instants, ce qui me laissait le temps de trouver une cachette.
La situation avait de quoi être risible. Je n'aurais jamais cru que je serais amenée à fuir mon lieu de travail pour échapper à Eden. Heureusement que je pouvais encore compter sur Judy et cette idée me rasséréna quelque peu.
Au bout de quelques minutes, je ralentis ma course et m'arrêtais, afin de reprendre mon souffle. J'avais un point de côté et terriblement chaud. Je retirais l'imperméable de Judy et m'assis sur une grosse pierre, au bord du sentier, en veillant à poser la veste sur mes genoux pour ne pas la salir.
Le silence qui régnait dans la forêt était apaisant et me fit oublier, l'espace d'une seconde seulement, le ridicule de ce qui était en train de m'arriver. J'ignorais complètement où je me trouvais et j'espérais que je ne m'étais pas perdue, mais cela m'importait peu, au fond.
Je fermais les yeux, appréciant la sensation de l'air frais sur mon visage, rougi par l'exercice. Je me demandais si Judy avait fini par renvoyer Eden chez lui mais il me semblait qu'il était trop tôt pour rebrousser chemin. L'idée de m'imaginer me retrouver nez-à-nez avec Eden me noua l'estomac. Je me rendis compte que si je ne voulais pas le voir, ce n'était pas qu'à cause de l'humiliation que je ressentais.
C'était par peur.
Peur de lui montrer le mal qu'il m'avait fait. Peur d'éclater en sanglots devant lui. Peur de lui dévoiler, sans le lui dire, les sentiments que j'éprouvais pour lui et dont il n'avait que faire.
Une image me revint soudain en mémoire.
Je me revoyais, bébé, faisant mes premiers pas dans la pelouse du jardin de chez mes parents. Le sourire aux lèvres, je me dirigeais fièrement, mais un peu maladroitement, vers mon père qui me tendait les bras et qui affichait un grand sourire face à ma prouesse.
J'ignorais pourquoi, mais le souvenir s'arrêtait juste avant que je ne parvienne à atteindre les bras de mon père. Une volute de fumée semblait l'envelopper et je me retrouvais seule sur la pelouse, regardant à droite et à gauche, essayant de savoir où mon père avait bien pu se cacher.
Je rouvris les yeux face à ce flash et sentis les larmes me monter aux yeux tandis que des gouttes de pluie s'écrasaient sur mon visage.
Je pris conscience que ce souvenir n'en était pas vraiment un. C'était un cauchemar que j'avais l'habitude de faire quand j'étais plus jeune, suite au départ de mon père. Toutes les nuits, je me réveillais en sursauts, frustrée de ne pas avoir réussi à retenir mon père dans mon rêve mais surtout dans la vraie vie.
Je me rendis alors compte que ces derniers jours, j'avais plus ou moins fait le même songe. Sauf que ce n'était pas mon père que j'essayais d'atteindre, mais Eden.
Il se tenait face à moi, à quelques mètres de là où je me trouvais et me regardait de ses yeux intenses. Au début, ses prunelles étaient douces et m'incitaient à venir vers lui. Mais plus je m'approchais, plus je voyais son expression changer. Ses traits se durcissaient tout comme son regard. Il ne me regardait plus avec douceur mais avec une sorte de dégoût. Pourtant, je continuais à m'avancer vers lui.
Je n'avais pas peur. J'étais déterminée à m'approcher davantage, même si tout dans son attitude voulait me repousser. Mais plus je m'approchais, plus il reculait.
Je finissais par me réveiller, une sensation de vide dans le coeur. En y réfléchissant bien, ce n'était pas vraiment un rêve. C'était assez représentatif de la réalité.
J'avais tenté de m'approcher d'Eden, mais à chaque fois, il reculait d'un pas, désireux de m'empêcher de l'atteindre. Je n'avais, cependant, jamais envisagé qu'il faisait cela pour me faire comprendre qu'il ne désirait pas ma compagnie.
La pluie tombait de plus en plus et emportait avec elle les larmes qui s'étaient mises à rouler sur mon visage.
Je soupirais rageusement. Je devais arrêter de pleurer. Je devais être forte et passer à autre chose. J'avais réussi avec mon père, je pourrais très bien réussir avec Eden. Il était impératif que je ne me laisse plus avoir par lui. Il me faudrait peut-être un peu de temps pour arriver à estomper les sentiments que j'avais développé pour lui, mais je devais me forcer à les faire disparaître définitivement. Je refusais de rester amoureuse d'un homme qui ne se souciait pas de moi, comme j'avais refusé de continuer à aimer mon père qui m'avait abandonné.
Je refusais d'être la fille désespérée au coeur brisé.
C'était aujourd'hui que je remettais la carapace que je m'étais forgée et que j'avais laissé Eden m'enlever. Et la nouvelle allait être beaucoup plus solide que la précédente, je m'en faisais la parole.
Je serrais le poing et sentis une petite décharge remonter de mon avant-bras à mon épaule.
Je baissais les yeux sur la cicatrice que j'avais au bras. Elle était encore rouge mais elle commençait à cicatriser. Il ne lui faudrait que quelques jours de plus pour ne plus être qu'un lointain souvenir.
Je repensais alors à la venue soudaine d'Eden aux urgences. Il avait paru réellement inquiet, ce jour-là, de me découvrir dans cet état et c'était lui qui avait insisté pour me ramener. Avait-il joué la comédie, là encore ? Mais dans quel but ?
Je secouais vivement la tête. Je ne devais pas me rendre malade avec ce genre d'interrogations. Cela n'avait pas d'importance. Eden n'avait plus d'importance. Je n'étais rien pour lui ? Il ne serait rien pour moi non plus, désormais.
Je laissais la pluie dégouliner sur moi, me trempant de la tête aux pieds, tout en serrant mes deux poings, faisant blanchir mes jointures.
— J'en ai fini avec toi, Eden, grognais-je les dents serrées de colère.
L'eau fraîche de la pluie emporta avec elle mes larmes salées, qui de tristesse, s'étaient transformées en larmes de rage.
Je m'autorisais quelques minutes pour évacuer tout ce que j'avais à sortir avant de me décider à me lever pour me remettre en route et retourner à la librairie. Il devait être parti, à présent.
Je ne pris pas la peine d'enfiler la veste de Judy. C'était trop tard, de toute façon, j'étais déjà trempée.
Je pris une profonde inspiration et avançais d'un pas avant de me figer.
Les yeux écarquillés de stupeur, je me retrouvais face à deux yeux sarcelles qui me fixaient intensément et que j'avais espéré ne jamais revoir.

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