J'avais passé ma soirée à pleurer à chaudes larmes dans mon oreiller.
L'annonce du prochain mariage de ma mère et son déménagement avec James avaient eu l'effet d'un raz-de-marée en moi.
Toutes les émotions que je passais mon temps à refouler et à ignorer étaient remontées en même temps avec une violence telle que j'avais été incapable de les maitriser.
Neil ne vint pas me déranger ce soir-là et je lui en fus reconnaissante. Je n'aimais pas pleurer devant les autres, je préférais me morfondre seule et attendre que cela passe. Cela finissait toujours par passer, de toute façon. Jusqu'à la prochaine vague.
Je m'étais finalement endormie toute habillée, sur mon oreiller qui était, à présent, trempé de larmes salées.
Quand j'ouvris les yeux, la chambre était encore plus sombre que lorsque je m'étais effondrée sur le lit en pleurs. Aucun bruit ne me parvenait d'en bas ou dans le couloir et j'en conclus que mon oncle était en train de dormir. Il devait être très tôt.
Je me redressais sur mon lit et constatais qu'une couverture avait été étendue sur moi. Neil avait dû venir voir si j'allais bien et m'avait trouvé endormie.
J'imaginais sans mal l'inquiétude qui avait dû le gagner quand ma mère lui avait annoncé la nouvelle, à lui aussi. Sauf que lui avait sûrement ressenti une inquiétude réelle pour ma mère et non pas une peur égoïste.
Je soupirais et rejetais la couverture afin de me lever. Je frissonnais instantanément et récupérais mon portable qui était resté dans la poche de mon jean.
Il était deux heures du matin. Je baillais à m'en décrocher la mâchoire et reposais mon téléphone sur le lit.
Je n'avais même pas mangé mais le chagrin m'avait coupé la faim, ce qui tombait plutôt bien parce que je ne voulais pas réveiller Neil.
Je me déshabillais dans la pénombre et enfilais rapidement mon pyjama avant de me glisser sous la couette. Je remontais la couverture sous mon menton et tournais mon regard vers la fenêtre, contemplant la lune ronde et pleine qui se dessinait dans le ciel nocturne, au dessus de la forêt.
Je poussais un autre soupir en me rendant compte que je n'avais plus sommeil. J'étais complètement décalée dans mon cycle, à présent, ce qui était assez embêtant pour ma journée de travail qui commençait dans quelques heures.
Si je ne me rendormais pas, je risquais de vivre très difficilement mon réveil. Judy remarquerait sans doute mes yeux rouges et gonflés et les cernes qui creuseraient mon regard. Nul doute qu'elle me poserait mille questions sur ce qui s'était passé.
En m'imaginant lui raconter ce que ma mère envisageait pour son avenir, je pouvais déjà percevoir ses exclamations de joie dans mon oreille et je souris dans le noir. A coup sûr, elle me dirait que cette nouvelle est formidable, qu'elle aimerait participer à la préparation du mariage et qu'elle voulait absolument voir la robe et donner des conseils pour la décoration de la future maison.
C'était cette réaction que j'aurais dû moi-même avoir, en réalité.
Quand elle m'avait posé la question, quelques jours plus tôt, sur un éventuel mariage entre ma mère et James, j'avais été loin d'imaginer que cela se ferait aussi vite. Pourtant, les mots qu'elle a avait eu ce jour-là m'avait plutôt fait du bien et même rassuré. Mais pas suffisamment, apparemment.
Je me tournais dans mon lit en poussant un soupir exaspéré. Je n'allais pas réussir à dormir si mon cerveau tournait à ce point en boucle.
Je me mis sur le dos et observais le plafond, la tête fourmillante de pensées.
Récupérant mon téléphone, j'entrepris d'aller sur le site de la librairie, histoire de faire un peu de shopping. Cela faisait plutôt longtemps que je n'avais pas acheté de livres, ce qui était assez ironique, quand on y réfléchissait bien.
Arrivant sur la page d'accueil du site, je m'arrêtais sur la bannière tout en haut de la page et reconnus de suite la citation qu'il y avait dessus.
« Oh ! Apprends à aimer ! La leçon est bien simple et une fois sue, elle n'est jamais oubliée ».
Je ne l'avais pas remarqué quand Christian nous l'avait brièvement montré, mais cette citation de Shakespeare était l'une de mes préférée. Je souris bêtement en pensant que ce devait être aussi celle d'Eden. A moins que ce ne soit Christian qui l'ai choisie ?
Mon esprit se remémora la première fois que j'avais lu le recueil de cet auteur. Malgré mon jeune âge, je devais avoir dix ans, je me rappelais avoir été émerveillée par la poésie et la délicatesse des mots employés par Shakespeare. Bien sûr, je ne comprenais pas toutes les formulations de phrases, mais en les relisant au fil des années, j'avais redécouvert chaque sonnet avec un regard neuf, et l'avais davantage aimé. Relire cette citation me donna envie de me replonger dans la poésie de Shakespeare.
Je fis le tour du site, m'attardant sur les livres qui m'intéressaient et les ajoutant à mon panier au fur et à mesure. Au bout de quelques minutes, je me retrouvais avec une dizaine de livres. Au vu du chiffre qui affichait le total de ma commande, j'allais devoir attendre de les acheter petit à petit, histoire de ne pas me ruiner.
Je me demandais alors si en tant que stagiaire, je pouvais éventuellement prétendre à un rabais. J'hésitais cependant à poser la question à Judy. Je ne voulais pas passer pour une pingre.
En déroulant le menu, je remarquais une rubrique qui m'interpella. C'était un jeu gagnant sur une citation livresque. Prise de curiosité je cliquais dessus.
Je basculais sur une page avec quelques phrases expliquant le principe du jeu. Celui-ci était simple : tous les mois, une nouvelle citation était disponible. Il fallait trouver de quel livre elle était extraite, ou bien l'auteur. Si l'on parvenait à citer les deux, les chances de gagner étaient doublées. Le gagnant tiré au sort gagnerait alors le livre correspondant à la citation ainsi qu'un bon d'achat de trente euros. Ceux qui auront participé et auront trouvé la bonne réponse se verrait offrir un marque-page ainsi qu'une remise de dix pour-cent sur leur prochain achat.
Je me demandais pourquoi Christian ne nous avait pas parlé de ce jeu-concours, quand il nous avait présenté le site. J'imaginais que c'était également à nous de préparer la commande pour le gagnant. A moins que ce ne soit Eden qui ait rajouté ce jeu.
En découvrant la citation du mois, je souris inconsciemment.
« On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux ».
Une autre de mes citations favorites de Saint-Exupéry extraite du Petit Prince.
Quel était le pourcentage de chance pour qu'Eden ne sélectionne que des citations que j'aimais ? Notre conversation, quand il m'avait ramené de notre repas au restaurant, y était-elle pour quelque chose ?
Me demandant si c'était lui qui allait se charger du tirage au sort, je décidais de jouer.
Je donnais le nom de l'auteur ainsi que l'ouvrage où apparaissait la citation et validais ma réponse. Je remplis un formulaire avec mes coordonnées pour enregistrer ma participation. Une fois envoyé, je reçus immédiatement un mail de confirmation qui m'invitait à patienter à la fin du mois pour découvrir si j'avais gagné ou pas.
Ce concours ne pouvait pas mieux tomber car je n'avais pas pu prendre ce livre dans mes cartons puisqu'il appartenait à ma mère.
Mon oncle le lui avait offert quand elle était enceinte de moi et je me rappelais qu'elle me le lisait souvent quand j'étais enfant. J'étais donc ravie de pouvoir le gagner.
Mon téléphone vibra soudain dans ma main. Je regardais l'écran avec la notification d'un SMS entrant d'un numéro que je ne connaissais pas.
Ce devait être un message de confirmation pour le jeu.
Je l'ouvris et je sentis mon coeur faire un bond dans ma poitrine tout en me redressant brusquement dans mon lit.
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Anmore Cove
ParanormalA dix-huit ans, Wendy décide de partir vivre avec son oncle qui lui a trouvé un stage dans la librairie de sa ville, Anmore Cove. Encore marquée par l'abandon de son père quand elle avait six ans, la jeune fille voit dans ce changement l'échappatoir...