Je roulais sans but sur la route bordée de forêt. Je n'avais aucune idée d'où j'allais, à vrai dire. Je voulais simplement fuir. Partir loin d'ici et surtout loin d'Eden. Je n'avais fait que pleurer et j'avais bien failli, plusieurs fois, dévier de la route à cause des larmes qui obstruaient ma vue.
Les sanglots me comprimaient la poitrine et j'aurais voulu crier pour faire passer la douleur, si tant est qu'il était possible de la faire disparaître.
Je n'arrivais pas à me défaire du regard perçant d'Eden. Les paroles qu'il avait prononcé résonnaient en moi, me meurtrissant toujours davantage.
La vie avait voulu que je sois témoin des vrais sentiments d'Eden à mon égard quand je m'étais moi-même rendue compte des miens envers lui, quelques jours auparavant.
C'était assez ironique, quand on y pensait. J'aurais même pu en rire. Seulement, je n'en avais pas le coeur. Je n'avais plus de coeur du tout, à vrai dire. Je croyais qu'il n'était pas possible que je le perde, une seconde fois, la première étant quand mon père nous avait abandonné. Mais visiblement, je m'étais trompée.
J'avais lu, un jour, dans un roman, une phrase qui m'avait marqué et qui, aujourd'hui, prenait tout son sens.
Un coeur était capable de continuer de battre, même après avoir été détruit.
Je n'avais jamais pensé qu'un jour, je serais amené à vivre ce phénomène.
Je pris un petit chemin de terre à travers les arbres et m'y arrêtais. Je coupais le
moteur et enfouis mon visage contre le volant, les larmes continuant de couler, inlassablement.
Seule ma respiration saccadée comblait le silence qui régnait autour de moi. Le temps était maussade et quelques gouttes de pluie clapotaient, de temps en temps, sur le pare-brise résonnant sur la carrosserie de la voiture.
Pourquoi avais-je céder à la curiosité ? La première fois ne m'avait-elle pas servie de leçon ? Il ne fallait pas écouter une conversation qui ne nous regardait pas. Bien que là, ce n'était pas vraiment le cas puisqu'il avait été question de moi.
J'aurais tout de même préféré ne pas être témoin de cette discussion. Cela m'aurait épargné d'avoir le coeur en bouillie.
Depuis le début, Eden s'était joué de moi. Je ne lui faisais que pitié, d'après ce que j'avais cru comprendre.
Mon coeur se serra. Je me sentais bête et affreusement humiliée. J'avais cru à son intérêt, j'avais répondu à ses questions sans me douter qu'en réalité, il s'en fichait royalement. Il avait seulement voulu être gentil avec moi, pour ne pas me faire de la peine, dirait-il sans doute. Pourtant, il ne pouvait pas égaler la peine qu'il venait de me faire en cet instant.
Une nouvelle salve de larmes m'assaillit et je sanglotais, le front appuyé contre le volant. Pourquoi avait-il fallu que je me laisse emporter par mes sentiments aussi facilement ? J'avais cru en la sincérité d'Eden et je me retrouvais à aimer une personne pour qui j'étais complètement indifférente.
Cela aurait été plus facile si je n'étais pas tombée amoureuse de lui. Malheureusement, malgré le mal qu'il m'avait fait, il m'était impossible de balayer ce que je ressentais pour lui d'un revers de la main. Là encore, j'aurais préféré en être capable, histoire de ne pas paraître aussi lamentable que je l'étais à présent.
Je pleurais à chaudes larmes pendant encore de bonnes minutes, avant de prendre une décision. Il me restait encore quelques jours avant de devoir reprendre le travail et je n'avais pas envie de rester ici. Je devais partir et m'éloigner d'Eden et de tout ce qui se rapprochait de lui pendant un temps.
Je fis demi-tour et rentrais à la maison. Une fois arrivée, je grimpais rapidement les escaliers et fis ma valise. J'avais conscience que je fuyais, mais c'était la meilleure solution pour moi. De toute façon, je n'avais aucune envie de rester ici à ne rien faire et à ruminer ma peine.
J'emportais quelques affaires et ma trousse de toilettes et redescendis. Je jetais ma valise dans le coffre de ma voiture et m'installais de nouveau derrière le volant.
Je soupirais en pensant à Neil. Je ne pouvais pas le laisser comme cela, pas après ce qu'il avait fait pour moi.
Je sortis mon téléphone et l'appelais. Il répondit au bout de la quatrième sonnerie.
— Wendy ? s'étonna-t-il.
Je n'avais pas vraiment l'habitude de l'appeler. Il devait sans doute croire que j'avais un problème.
— Ça va Neil ? Je ne te dérange pas ? Demandais-je d'une voix que j'espérais normale.
— Non, mais... tout va bien ? s'inquiéta-t-il.
Je fixais le pare-brise, sans le voir.
— Oui. Je voulais juste te prévenir que je vais chez maman, les quelques jours qui me restent, répondis-je.
— Oh, très bien.
Il semblait dubitatif, je pouvais le ressentir.
— Ça ne te dérange pas ? m'enquis-je.
— Non, pas du tout. Mais tu es sûre que ça va ? Tu as une petite voix.
Je grimaçais. Il allait vraiment falloir que je travaille sur la dissimulation de mes
émotions.
— Je vais bien, Neil, ne t'en fais pas, tentais-je de le rassurer alors que je sentais ma gorge se serrer.
Cela n'allait pas recommencer !
J'entendis sa respiration à l'autre bout du fil.
— D'accord, finit-il par dire. Sois prudente sur la route. Je ne sais pas si c'est une très bonne idée que tu conduises avec ton bras, d'ailleurs.
— Je n'ai presque plus mal.
— Bon. Ecris moi quand tu arrives, quand même. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose et que tu te casses un autre membre, plaisanta-t-il doucement.
Je ne parvins pas à sourire. Il ne pouvait pas se douter que c'était mon coeur qui était cassé.
— Promis. Je rentrerais dimanche.
— Très bien. Passe le bonjour à Rebby.
— Ce sera fait. A plus tard, Neil.
Je raccrochais après avoir entendu sa réponse et posais mon téléphone sur le siège passager.
Je devais faire en sorte de me calmer avant de me retrouver face à ma mère. J'avais envie de la voir, mais je ne savais pas si j'étais prête à évoquer Eden. La déchirure était bien trop vive pour que j'arrive à en parler sans pleurer. Il allait falloir que je profite des quatre heures de route qui m'attendaient pour reprendre le contrôle.
Je démarrais le moteur et me tournais vers le téléphone qui venait de signaler la notification d'un message.
Je sentis mon coeur battre plus fort en lisant le message d'Eden.

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Anmore Cove
ParanormalA dix-huit ans, Wendy décide de partir vivre avec son oncle qui lui a trouvé un stage dans la librairie de sa ville, Anmore Cove. Encore marquée par l'abandon de son père quand elle avait six ans, la jeune fille voit dans ce changement l'échappatoir...