Pétrichor

Chapitre 3

Manon

         Je quitte si rapidement l'enceinte du lycée que je manque de renverser une fille devant moi. Il ne faut pas que je loupe mon bus. C'est le dernier qui part en direction de l'hôpital et je suis déjà en retard.

- Eh, attends !

     C'est le garçon de tout à l'heure. Je n'ai pas retenu son prénom, pourtant je suis certaine de l'avoir déjà entendu depuis la rentrée.

     J'adorerai pouvoir continuer de l'embêter, mais je ne dois vraiment pas louper mon bus, alors je ne ralentis pas, déterminée à jouer la sourde oreille. 

     Au bout de la rue, je vois le véhicule qui vient de s'arrêter. Une dame âgée commence à monter dedans. Entre ses courses, son caniche et sa canne, j'ai encore le temps de le rattraper. Sans réfléchir, je me mets à courir.

- Manon !

    Il continue de me suivre, et sans le regarder, je peux presque parier qu'il est monté sur son skate au vu du bruit des roues qui s'est rajouté à la cacophonie ambiante de la ville. J'arrive devant le bus, toute essoufflée et monte après avoir salué le chauffeur. 

    Quand je m'assoie enfin, je jette un coup d'œil devant. Le garçon a disparu. J'ai dû le décourager. Tant pis. Je finirai bien par le recroiser un jour. 

- Tu pensais pouvoir t'échapper aussi facilement ?

- Ah ! Tu m'as suivi ?

    Il s'assoit à côté de moi, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. 

- On part en direction de quoi ? Juste pour savoir parce que, tu sais, je viens de grimper dans un bus pour pouvoir suivre une tarée. Oh, pardon, tu es là.

     Je lève les yeux aux ciel.

- Tu es monté tout seul comme un grand. Maintenant tu assumes.

     Il rit. 

- Bon, tu n'as pas l'air très ouverte à la discussion, alors je vais me renseigner auprès d'un petite dame qui se fera un plaisir de renseigner un garçon aussi beau que moi.

- Dans tes rêves.

     Il se tourne vers  la dame qui m'a permis de ne pas louper mon bus et lui lance un sourire charmeur.

- Excusez-moi, madame, puis-je vous poser une question ? Ma copine a dû mal à s'ouvrir à moi, aujourd'hui...

     Je hausse un sourcil. Il veut jouer à ça, donc ? 

- Bien sûr jeune homme, que se passe-t-il ?

- Sur quelle ligne sommes-nous ? Je me suis fait kidnapper à cause de mon sourire trop renversant et j'hésite entre appeler la police ou la laisser faire ce qu'elle veut de moi, voyez-vous ?

    La dame rit. Je ne peux pas m'empêcher de lever les yeux au ciel en constatant l'effet   qu'il fait à chaque personne qu'il croise.

- La neuf. L'hôpital est sur le chemin, peut-être est-ce un message ?

- Merci pour votre aide, je ferai attention à mes arrières la prochaine fois !

     Il commence à se tourner vers moi, prêt à me faire un clin d'oeil avec sa mine remplie de fierté mais j'ajoute assez fort pour que la dame entende :

- Mais enfin, chéri, tu sais très bien que nous allons rendre visite aux pauvres gamins que tu as défigurés !

     Devant nous, la dame s'éloigne, confuse et il ouvre la bouche, pris de court. Après un moment, il reprend.