Liam
Je suis assis dans l'herbe, et je fais tournoyer mon téléphone dans les mains en attendant qu'Evan me rejoigne. La dernière fois que nous nous sommes adressés la parole remonte à deux jours, lors de notre dispute. Je crois, sans me tromper, que c'est la première fois que nous tenons aussi longtemps sur nos positions.
Il m'a juste envoyé un message concis, il y a une heure, pour que l'on se retrouve, comme d'habitude. Seulement, cette fois, notre endroit perd son charme de lieu de retrouvaille où nous nous changeons les idées.
Je n'ai aucune idée de ce que je lui dirai. Je ne suis pas sûr qu'il sache non plus. C'est malheureux, mais chacun a prononcé des mots qu'il va être compliqué d'oublier. Pourtant, mon meilleur ami me manque. Les journées sont plus longues sans discussions à bâtons rompus.
Evan est venu à pieds, lui n'habite qu'à un pâté de maisons d'ici. Il a les mains dans les poches, mais toujours un air grave sur le visage qui ne lui ressemble pas. Il prend place à côté de moi, sans un mot. J'enlève mes écouteurs des oreilles. De toute façon, je n'entendais plus la musique à force de réfléchir.
Nous regardons tous les deux droits devant nous. Ce sont nos fiertés qui sont assises l'une à côté de l'autre à cet instant, mais aucun de nous n'est prêt à l'avouer.
Le mois de mars est déjà bien entamé, mais les soirées sont fraîches. Je me concentre sur les bruits qui nous entourent pour ne pas laisser voir ma nervosité quant à ce qui va arriver. Les feuilles des arbres qui remuent dans l'air, les quelques voitures qui passent non loin, un chien qui aboie dans le voisinage, un briquet qui s'allume à côté de moi.
Bientôt, la fumée de la cigarette d'Evan vient me chatouiller le nez. Cette odeur habituelle a quelque chose de réconfortant, bien que je ne l'avouerai jamais.
- Tu crois qu'on a été trop loin cette fois ?
C'est sa voix. Mais elle ne lui ressemble pas. Trop peu assurée, cette fois.
- Tu le penses vraiment ?
- Je ne sais pas. Merde, Liam, regarde-nous ! Ça ne nous ressemble pas.
- De s'engueuler ?
- De se balancer nos quatre vérités avant de se murer dans le silence.
Il tire sur sa cigarette, et je tourne ma tête dans sa direction. Il a toujours les yeux perdus dans le vide. La lueur des lampadaires se reflète sur son visage triste. Je sais que j'ai le même.
- Pourquoi ?
Je ne sais pas quoi répondre à sa question. Je ne sais pas de quoi il parle. Je ne sais même pas si elle m'est adressée.
- Pourquoi tu la détestes autant ? finit-il par préciser.
- Je ne la déteste pas.
- Ah, non ?
- Je m'inquiète pour toi, c'est différent.
- Et si tu me faisais confiance, pour une fois ?
Je ne dis rien. Je sais qu'il a raison. Que ça ne me regarde pas. Qu'il est heureux et que c'est le principal.
- Je sais que parfois notre relation, ou peu importe ce qu'Amandine aimerait appeler ça, est un peu bancale, mais j'aimerai que tu m'encourages quand ça marche. Je ne suis pas stupide, tu sais. Je suis au courant qu'elle me jette quand ça l'arrange. Mais, merde, Liam, j'aime cette fille !
Je suis retourné par ses mots. Je n'aurai jamais pensé qu'Evan s'en était rendu compte, et plus encore, qu'il acceptait sa position de mouchoir d'Amandine.
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Pétrichor
RomanceQuand elle apprend qu'elle a une leucémie, Manon n'a pas d'autre choix que celui de s'accrocher à sa vie du mieux qu'elle peut. À tant vouloir reprendre une existence normale, elle érige des barrières entre elle et le monde à coups de non-dits. Liam...