Pétrichor

Chapitre 39

Liam

     C'est la troisième fois en une heure qu'un infirmier me demande si je suis accompagné. 

     C'est la troisième fois en une heure que je lui répète que j'attends quelqu'un.

     Manon est dans une salle où une batterie d'examens lui sont administrés. Ils vérifient que tout rentre dans l'ordre. Et je continue de poireauter sans avoir été mis au courant de quoi que ce soit. 

     Merde. 

     J'avais tout prévu. Tout. On devait passer une soirée ensemble, la dernière avant les épreuves finales. On devait manger ensemble, profiter ensemble, s'amuser ensemble. On devait passer une soirée extraordinaire, entrecoupés de moments inoubliables. 

     J'avais tout prévu. Absolument tout. 

    Il ne me manquait qu'une seule option pour être paré à toutes les éventualités. Je n'avais pas imaginé une chute de tension soudaine qui nous aurait envoyé tous les deux dans la morsure de la Méditerranée glacée du mois de Mai.

    Les secours sont arrivés, peu après que j'ai réussi à mettre la main sur le portable de Manon, qu'elle avait laissé par miracle dans sa veste sur la plage. Mon père a été prévenu rapidement une fois que les infirmiers ont eu accès à son dossier de santé. La chute de tension due aux traitement nécessitait son aide. 

    J'ai imaginé qu'après qu'il ait été prévenu, mon téléphone au fond de l'eau avait sonné et sonné sans arrêt. Je ne l'ai pas croisé une seule fois, mais je sais qu'il n'est pas loin. Parfois, quand un bout de silence retombe sur ce couloir blanc, j'entends sa voix grave traverser les murs. Il n'est pas loin, mais pas là non plus. C'est un peu l'histoire de ma vie, finalement.

    Une femme déboule dans le couloir, les yeux cernés, le visage tiré par l'inquiétude. Je l'observe mais finit par la reconnaître rapidement. Elle est là pour sa fille. Sa fille que j'ai remonté trop tard. Sa fille que je n'ai pas su retenir. 

    La mère de Manon passe dans un coup de vent devant moi, et s'arrête devant un infirmier. Je ne distingue pas leur conversation et leur voix ne sont qu'un simple murmure de là où je me trouve. Je ferme à nouveau les yeux pour ne pas voir le monde autour de moi. Ne pas croiser son regard qui lui aussi sera teinté de déception.

***

     Quand je me réveille, l'aiguille sur la pendule en face de moi n'a pas beaucoup avancé. Il est  une heure et demie et je n'ai dormi qu'une demie-heure. 

- Tu as pu te reposer ?

    Je me tourne vers la voix claire qui vient de prononcer ses mots.

     À nouveau, Florence a un regard très doux et bienveillant en dépit des cernes qui lui tombent sous les yeux. Tout son visage n'inspire que la confiance et je pourrais presque retrouver le sourire de ma mère dans le sien à ce moment-là.

- Je... Oui, je crois.

     Elle me tend un Mars encore emballé.

- J'ai imaginé que tu aurais certainement besoin de quelque chose.

     Je la remercie et mange avec hésitation la sucrerie. La femme blonde ne se départit pas de son air bienveillant et attend que je finisse pour s'adresser de nouveau à moi. 

- Je voulais te remercier, Liam.

     Je tente un sourire même si ce geste me coûte.

- C'est l'infirmier qui m'a tout expliqué, je sais combien tu as été courageux ce soir. Je suis désolée que votre soirée se soit achevée ainsi.