Manon
Quelques heures avant
Je grimpe directement au troisième, et au fil des étages qui défilent sur le cadran de l'ascenseur, je sens ma boule au ventre peser de plus en plus lourd.
J'ai passé tout le début de semaine à éviter Liam, même après la remontée de la part de Clémentine. Je ne pouvais me résoudre à lui laisser entrevoir cette partie de moi tant que je n'aurai pas entendu les mots « Tu es guérie, pour de bon ». Il doit me détester, mais au fond, c'est peut-être le mieux pour lui.
Je n'attire que de la souffrance autour de moi, il ne la méritait pas.
Les portes s'ouvrent. Je sors et replace mon sac sur mon épaule, signe de nervosité. Je me dirige vers un des sièges vides devant le cabinet du docteur Barle. J'ai préféré venir seule. Si le résultat n'est pas celui attendu, je ne veux pas assister à la décomposition du visage de maman alors que mon cœur se brisera en miettes. Je ne pourrai pas gérer ces deux choses à la fois.
La porte s'ouvre, le docteur Barle me fait face, et me tend la main.
- Bonjour, Manon.
- Bonjour.
Il me fait signe d'entrer et je le suis à l'intérieur de la pièce. Quand je m'assois, je sens un nouveau poids s'abattre sur mes épaules. Aujourd'hui, le tableau pastel ne m'inspire rien d'autre qu'une mare de couleurs informe.
- Bien. On va rentrer directement dans le vif du sujet, qu'en penses-tu ?
- Vous m'avez habitué à moins de formes, docteur. Si vous me disiez enfin ce que je veux savoir ?
Il prend une mine grave et se racle la gorge. Les papiers qu'ils manipulent dans tous les sens ne me disent rien de bon. Enfin, il finit par en poser un devant moi.
Je m'interdis de baisser les yeux dessus alors que je commence à deviner ce qui s'y trouve.
- Manon, je suis désolé...
- Arrêtez. Arrêtez de me parler comme à une gamine. J'ai dix-sept ans, et d'ici quelques mois, je me prendrai en charge toute seule. Alors, traitez-moi comme une adulte. Dites-moi simplement si oui, ou non, je vais encore subir cette merde pendant des mois.
Ma voix a tremblé sur les derniers mots. Parce que je sais ce qu'il va me dire, je l'ai lu dans ses yeux depuis que j'ai croisé son regard quand il m'a serré la main dans le couloir. Je n'avais juste pas eu le courage de l'affronter en face.
- Tes résultats... Ne sont pas ceux que nous espérions. Je suis désolé. Les cellules sont toujours présentes. Le traitement n'a pas fonctionné comme souhaité, et les risques d'aggravation ne sont pas à écarter...
Sa phrase me déchire le cœur. Chacun de ses mots s'infiltre sous ma peau et dans ma tête, laissant une brûlure vive sur leur passage. Je sens une larme couler sur ma joue avant même d'avoir compris l'ampleur de ce qu'il vient de m'annoncer. Une deuxième la suit, ensuite. Suivie d'une troisième, d'une quatrième, et ce jusqu'à ce que je ne les compte plus.
Elles sont silencieuses, contrairement à la voix dans ma tête qui me hurle que tout est de ma faute, que je le mérite, que je finirai par mourir avant d'avoir pu déclarer être majeure.
- Je suis désolé, Manon, tellement désolé...
Les sanglots qui me secouent deviennent violents, et même si je ne distingue plus rien à travers mes larmes, je sens que le docteur Barle tente de chercher mon regard.
VOUS LISEZ
Pétrichor
RomanceQuand elle apprend qu'elle a une leucémie, Manon n'a pas d'autre choix que celui de s'accrocher à sa vie du mieux qu'elle peut. À tant vouloir reprendre une existence normale, elle érige des barrières entre elle et le monde à coups de non-dits. Liam...