Chapitre 45

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Manon

     Je me prépare, à l'aide de la lumière de mon portable pour ne pas réveiller Liam qui dort dans notre lit. J'attrape un jean et une veste et ouvre la porte de notre chambre pour rejoindre la cuisine. 

     Le soleil est levé depuis longtemps, et baigne le salon d'une douce lumière à travers la baie vitrée. J'enfile mes vêtements, et sors un verre pour me servir du jus de fruits. Le réfrigérateur est presque vide et je m'occupe de noter sur un post-it ce qu'il manque puis l'aimante sur la porte. 

     Je souris en croisant du regard les photos qui trônent à côté. J'ai toujours du mal à me revoir dans la peau de la jeune fille de dix-sept ans que j'ai un jour été. La seule photo que j'ai de cette période date du premier Noël que nous avons passé ensemble, Liam et moi. Je me rappelle encore de l'odeur chaleureuse du café où nous avions échangé nos cadeaux. 

     Quand je repense à tout ce qui a suivi, c'est avec une sorte de tendresse amère que je fais jouer les souvenirs. L'été qui a suivi ce Noël a été un des plus durs que j'ai vécu. La chimiothérapie était intense, et mon corps l'a reçu avec une violence inouïe. Mais j'étais accompagnée. J'avais ma mère, qui a été plus forte que jamais. J'avais Clémentine, qui passait des heures à me remonter le moral. Jasper, qui se déplaçait aussi souvent qu'il le pouvait. Et Liam. 

     Il ne m'a pas abandonné une seule fois. Il était là quand mes cheveux tombaient par poignée, et que j'ai dû les raser une fois pour toutes. Il est resté lorsque je lui criais dessus pendant mes sautes d'humeur importantes. Il ne m'en voulait pas quand je devenais exécrable. Il a continué à venir, tous les jours, alors même qu'il devenait de plus en plus occupé pour s'occuper de l'organisation de l'année d'après. 

    Quand j'ai eu fini mes cinq semaines de traitement intensif, Evan était passé me voir, au bras de Lise, qui, je l'avais appris à ce moment-là, était désormais sa copine. Je mentirai si je disais que je n'avais pas était heureuse de cette visite. 

    Les épreuves du baccalauréat ne s'étaient pas mal déroulées, mais j'avais été déçue de ne pas avoir la mention que je visais. Pourtant, au mois de septembre, j'intégrais l'école de commerce où j'avais postulé.

    Liam, de son côté, avait intégré une école dans l'optique de se diriger vers le métier d'ingénieur en astronomie. Après les nombreuses discussions qu'il avait eu avec son père, ce dernier l'avait laissé libre de son choix. Même s'ils avaient réussi à se dire les choses en face, dix-sept ans de silence venaient parfois se mettre entre eux, mais le point positif à chercher à améliorer les choses est qu'on ne recommence pas les erreurs passées. À ma plus grande surprise, d'ailleurs, Alexandre venait de présenter à son fils quelques semaines avant, une femme qu'il voyait de temps en temps. Très compréhensive et plutôt ouverte, Elodie s'était de suite plu avec son beau-fils, et Liam avait l'air d'apprécier cette nouvelle présence féminine dans sa famille.  

    Les mois qui ont suivi cet été-là n'étaient pas des plus simples. J'ai découvert que les rêves de Liam n'avaient pas tari, bien qu'il essayait de me les cacher, mais après des mois de négociations, il a accepté d'en parler à quelqu'un pour tenter de se décharger de sa culpabilité. La magie n'existe pas, et ce fut un processus très long, mais il va mieux. Pendant ce temps, j'attendais anxieusement que l'on m'annonce que la chimio n'était pas suffisante, que je devais recommencer à nouveau, que c'était la fin pour moi, pourtant, les mois sont passés, se sont transformés en année, et après cinq ans de rémission complète, le docteur qui me suivait m'avait annoncé, le sourire aux lèvres, que je pouvais enfin dire que j'étais guérie. 

    C'était il y a un mois, pourtant j'ai toujours du mal à y croire. 

    Clémentine, elle, a vu son état empirer de plus en plus à partir de cette année-là. Pour ses dix-huit ans, on lui a annoncé qu'elle rentrait dans un stade de la maladie où il était de plus en plus compliqué de la soigner. Un an après, elle acceptait la greffe du foie malgré les risques soulevés par les médecins. L'opération de la dernière chance lui a-t-on dit. Elle m'a avoué avoir accepté pour ne pas partir sans se battre une dernière fois. 

PétrichorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant