Manon
Il est dix-sept heures quand nous nous décidons à sortir de ma chambre pour rejoindre la cuisine. Liam tape un message sur son téléphone et croise mon regard interrogateur quand il le range à nouveau dans sa poche.
- Mon père. Il se demandait ce que je faisais.
- Oh.
Je ne veux pas lui montrer mon trouble quand il est question de son père, pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. Hier, à la même heure, j'étais en face de lui pour qu'il m'annonce que je côtoierai encore quelques temps son bureau alors que la semaine d'avant, je venais de m'enfuir de sa maison pour ne pas que son fils fasse le rapprochement entre mes visites régulières à l'hôpital et le fait que je le connaissais.
Je ne sais pas s'il lui en a parlé. S'il l'avait prévenu que son binôme de travail ne serait peut-être pas si efficace à cause des centaines de traitements qu'on lui faisait ingurgiter. J'avais encore espoir que non. Que ce moment-là n'aurait pas lieu parce qu'un miracle arriverait. C'était stupide sur les bords, mais je m'en fichais.
J'aurai tout donné pour que Liam n'arrête jamais de me regarder comme il l'avait fait tout à l'heure, au parc. Comme si j'étais Manon. Point.
- Tu veux quelque chose à boire ?
- De l'eau fraîche, si tu as, s'il te plaît.
Je sors deux verres et la bouteille du frigo puis les amène jusqu'au canapé où il s'est installé.
- D'ailleurs, je me posais une question. Je ne sais pas si c'est un sujet sensible mais tu éclaireras peut-être ma lanterne. Tu ne me parles jamais de ton père, mais où est-il ?
Surprise, je cherche mes mots avant de répondre.
- Je suis désolé, c'est peut-être un peu brusque. Ne te sens pas obligée de répondre.
- Ah non, non. Pas de souci, c'est simplement que puisqu'on n'en parle jamais, ça m'a étonné de t'entendre l'évoquer.
- Tu as raison, c'était déplacé.
- Non, c'est juste que... En réalité, je n'en ai aucune idée. Je ne le connais absolument pas. Ma mère est tombée enceinte de moi assez jeune et le père n'était pas prêt à le devenir. Elle a décidé de me garder, de gérer toute seule sa grossesse et la suite.
- Et tu l'as déjà rencontré ?
- Lui, non. Je crois qu'il est venu le jour où je suis née, pour s'excuser auprès de ma mère, mais elle ne lui en a jamais voulu alors ç'a été plus simple. J'ai quand même vécu avec une figure paternelle pendant trois ans, de mes sept à dix ans.
- Ta mère a rencontré quelqu'un ?
- Oui. Si mes souvenirs sont bons, c'était un amour de collège qu'elle a recroisé. Il s'est de suite comporté comme mon père, sans jamais se poser de questions, et je me souviens que je l'aimais beaucoup. Stéphane, il s'appelait. Il avait une âme d'aventurier, toujours à tester les limites de tout. Il a cherché celles de l'amour qu'il portait à ma mère, et elles se sont montrées plus vites que prévues, j'imagine.
- Il est parti du jour au lendemain ?
- Je ne sais pas. Je n'ai aucun souvenir de la manière dont ma mère me l'a dit. Peut-être même qu'il me l'avait confié, lui-même. Je sais juste, qu'un jour, nous avons déménagé de son appartement, et que je ne l'ai pas revu. J'ai reçu des cartes postales du bout du monde les premières années, mais je n'ai pas eu de nouvelles depuis longtemps.
- Je suis désolé, déclare Liam, ça n'a pas dû être facile, autant pour l'un que pour l'autre.
Je fronce les sourcils.
VOUS LISEZ
Pétrichor
RomanceQuand elle apprend qu'elle a une leucémie, Manon n'a pas d'autre choix que celui de s'accrocher à sa vie du mieux qu'elle peut. À tant vouloir reprendre une existence normale, elle érige des barrières entre elle et le monde à coups de non-dits. Liam...