Chapitre 9

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Liam

    La première chose que je vois en ouvrant les yeux, est mon père qui me secoue. Je les frotte du dos de la main, surpris.

- Lève-toi.

- Hein ? Mais, papa, j'ai cours à neuf heures, j'y vais en skate.

- Je t'emmène.

    Il est déjà debout près de la porte et son regard est froid, comme d'habitude depuis notre dispute. Je ne pensais pas qu'il serait possible que nous soyons moins proches, mais je me trompais. Il ne m'adresse plus la parole, si ce n'est pour évoquer mes notes, ne m'attend jamais pour manger, et rentre de plus en plus tard. Presque un mois que ça dure, je ne connais personne d'aussi têtu, pour tout dire.

    Le réveil brutal me fait serrer des dents, pourtant, je tente de le raisonner en utilisant un ton qui ne traduit pas mon agacement.

- Papa, c'est vraiment gentil de vouloir me prendre mais comme je viens de te le dire, je n'ai cours qu'à...

- Liam, tu te lèves, tu te prépares et tu montes dans ma voiture. Je ne veux plus aucun retard, ni aucune absence, tant que ton attitude ne se sera pas améliorée. Entendu ?

    Je le regarde, désemparé. Je viens de perdre deux heures de sommeil à tout casser.

- Je dois partit tôt pour le boulot, mais ce n'est pas grave, tu auras le temps de bosser avant que les cours ne commencent.

- Mais le lycée n'ouvre pas avant sept heures tre...

- Liam. Tu te lèves. De suite.

     Il me fusille du regard et je déglutis prudemment. Il est tout juste six heures et il est absolument hors de question que j'ai le droit de si bon matin à sa colère.

    Je sors de mon lit et m'étire. Papa est toujours adossé à la porte, son regard est porté sur mon bureau où je peux distinguer le cadre brisé de la photo, cassé sous sa colère. Je n'ai eu, ni la force, ni l'envie de le remplacer. Et le poser sur mon bureau me sert de rappel tranchant lorsque j'ai envie de tout foutre en l'air. Un mois que je n'y ai pas touché, il faut croire que nos disputes me touchent plus que ce que je ne voudrai laisser paraître.

    Il a le regard trouble mais finit par secouer la tête et s'en va, non sans m'avoir jeté un coup d'œil pour vérifier que je sois bien levé. 

    L'esprit encore embrumé, j'attrape un t-shirt blanc et un jean clair, par-dessus lesquels j'enfile un pull beige. Simple, rapide, efficace. Je prends mes baskets, mon sac et je suis en bas.

    Papa est près de l'entrée, sac en main, prêt à partir. Pourtant, je fais comme si je ne l'avais pas vu et pars m'installer dans la cuisine. Je croque une pomme, laissant une tasse de café couler tranquillement, puis ouvre un sachet de gâteau. 

    J'ai bien compris, pour une raison obscure, que mon père était pressé et souhaitait m'entraîner avec lui, mais il est hors de question que je loupe mon repas préféré, même si je me dois d'en faire un simple résumé.

    Une fois fini, en trois minutes chrono, je passe dans la salle de bain. À peine eu le temps de me brosser les dents que je me retrouve sur le siège en cuir de la voiture de mon père. 

- Et ton code, pour la conduite ? fait-il au bout de quelques minutes.

- Quoi, mon code ?

- Liam, sur un autre ton, de suite.

     Je ne relève pas. Je ne relève plus.

- Il faut t'inscrire.

    Je hoche la tête. En réalité, j'ai juste envie de lui rappeler que depuis septembre je lui en parle, et que le papier qu'il était censé signer est dans son classeur « divers » consacré à, à peu près, tout ce que j'ai pu un jour osé demander. Le hochement de tête lointain suivi d'un « je verrai plus tard » est la formule que mon père sait le plus utiliser.

    Nous n'avons que cinq minutes de voiture avant d'arriver au lycée, c'est d'ailleurs pour cette raison que je fais le voyage en bus et skate, matin et soir habituellement. Il fait encore nuit quand il me dépose.

    Je sors de la voiture, et il repart, sans un regard ni une explication.

    J'avance en direction du lycée, où le portail – fermé – me nargue.

- Très marrant. Vraiment, très marrant, je crache aux grilles de fer.

***

    Mes doigts sont gelés, bien qu'il ne fasse pas si froid en ce début décembre, mais passer une heure à l'extérieur ne doit pas aider.

    Je me précipite vers un des radiateurs du hall principal et place mes mains sans attendre. Le contraste entre le froid et le chaud me fait grimacer mais je m'en moque éperdument. J'ai juste besoin d'un peu de chaleur.

    Dix minutes plus tard, une fois l'usage de mes doigts retrouvé, je navigue sur mon téléphone. Quand je relève la tête brièvement, j'aperçois Evan qui arrive.

- Mec, qu'est-ce que tu fous là ?

- Au lycée ?

- Il est sept heures quarante !

- L'être lunatique qui me sert de père a décidé de me connecter avec les aurores. Je le soupçonne de manquer de patients de pneumonie à l'hôpital, pour laisser son fils attendre dans le froid. 

- Mais pourquoi ?

- Comme si j'en avais la moindre idée !

    Evan me fixe, éberlué. 

- Je ne sais même plus comment t'aider, mon pote.

    Je hausse les épaules. 

- On parle de moi, mais toi, qu'est-ce que tu fais à une heure pareille, ici ? Tu ne commences pas à dix heures ?

- Je dois avancer un exposé avec Lise et Saul. Ils ont proposé de se retrouver, donc j'ai pris le premier bus qui passait.

- Si tôt pour un exposé ? Ils sont plutôt déterminés.

- Il y a surtout intérêt à ce qu'ils soient plus réveillés que moi.

     Je ris, et finis par le suivre quand il me propose de les suivre dans une salle plus confortable que le couloir.

PétrichorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant