Manon
Ma rancœur a eu tout le week-end pour mariner, et aujourd'hui ne va certainement pas l'améliorer. J'avais encore l'espoir idiot, ce matin, en le voyant arriver, qu'il dirait quelque chose, n'importe quoi, pour me rassurer sur le fait que je n'étais pas seule à avoir vécue samedi soir.
Je me suis sentie idiote quand je l'ai entendu rire dans mon dos. J'apprécie vraiment Liam, et même s'il a fait ressortir des choses que je n'aurai pas imaginer en sa présence, j'aimerai vraiment qu'on puisse rester amis.
Comme d'habitude, je me suis laissée déborder par mes émotions et il ne voudra certainement plus jamais entendre parler de moi, après mon petit numéro de gamine. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de lui en vouloir : il était là, samedi soir, je n'ai absolument rien imaginé, alors pourquoi m'a-t-il laissé faire s'il n'attendait rien ?
Je me mords les doigts en attendant le cours de physique, j'ai beau être toujours remontée, je me sens plutôt humiliée et honteuse à cause de mon comportement. Il a raison, c'est ridicule. Depuis le début, c'est absurde, mais là, je viens d'atteindre le sommet. À nouveau, c'est la honte qui me brûle les joues.
Monsieur Ornier ouvre la salle avant que Liam ne soit dans le couloir et je respire un peu mieux. Il m'évite déjà quelques minutes de gêne. Je m'installe à ma place habituelle et baisse les yeux. Plus je rejoue la scène de ce matin dans ma tête, plus je suis embarrassée de mon comportement.
J'entends la chaise à côté de moi se déplacer et quelqu'un s'y installer.
- Je ne joue pas avec toi.
Je sens qu'il attend une réponse mais je ne veux pas lui donner ce plaisir-là. Nous sommes encore seuls dans la classe car la sonnerie vient juste de résonner.
- Manon, s'il te plaît. Tu ne m'as pas laissé le temps de m'expliquer ce matin, laisse moi cette heure là pour le faire.
Liam me regarde avec de grands yeux, et il attend ma réponse.
Alors que je commence ma phrase, monsieur Ornier nous interpelle.
- Les enfants, le cours est annulé. Désolé de vous prévenir si tard mais je viens d'apprendre que ma fille est malade et qu'il faut absolument que j'aille la récupérer.
Les yeux au ciel, il finit de nous expliquer qu'il n'a pas le choix parce que l'école a vraiment insisté et qu'à la place du cours, nous aurons des exercices à réaliser pour la prochaine fois. Dans le couloir, les petites exclamations de joie des nos camarades de classe se font entendre. Nous sommes les seuls à avoir déjà sorti nos affaires avec Liam, et donc les seuls à devoir les ranger.
Évidemment, il prend cette occasion comme une excuse pour continuer d'insister.
- Bien, on a donc deux heures devant nous pour s'expliquer...
Je ne laisse pas un seul regard traîner vers lui et sors de la salle sans l'attendre. Je dévale rapidement les escaliers et essaie de calmer mon cœur. C'est évident qu'il va me rattraper, c'est évident que je vais devoir expliquer pourquoi j'ai agis ainsi, mais je ne sais même pas comment lui dire sans passer pour une folle. Une excuse, il me faut une...
Je sens une main se poser sur mon épaule et la surprise m'empêche de réagir assez vite pour comprendre ce qu'il se passe. Liam se penche sur mes lèvres et m'embrasse sans crier gare. Tout autour de moi, une fragrance boisée m'entoure et ses lèvres douces sur les miennes me laissent pantelante. C'est un baiser doux, rempli de tendresse.
Quand il se détache de moi, la lueur de ses yeux est teinté d'une pointe de désir.
- Qu'est-ce... Qu'est-ce que c'était que ça ?
Il arbore un sourire confus en réponse à ma question, mais l'éclat rieur de ses pupilles rend le tout particulièrement charmant.
- C'était ma façon de me faire pardonner. J'ai cru que...
- Oh. Par rapport à ça.
La mention de ce matin me fait redescendre sur Terre. S'il m'a embrassé, c'était simplement pour se faire pardonner après ce que j'ai insinué. Évidemment.
- Ce n'était pas dans ce sens-là, tu sais que j'ai... Enfin ce que j'ai dit... Ce n'était pas... Quand je te parlais de chaud et de froid, c'était... Enfin, ce n'était pas...
Je mens. Je m'embrouille dans mes mensonges qui paraissent tout sauf convaincants. Et pourtant, vu l'expression de son visage, il y croit dur comme fer.
- Oh ! D'accord. Bien sûr. Évidemment.
Il passe une main dans sa nuque avant de relever son visage vers moi.
- Je l'ai fait pour t'embêter, articule-t-il avec un sourire gêné, et je crois bien que j'ai réussi mon coup...
Il passe une main sur ma joue brûlante tandis que des sifflements résonnent entre nous. Il a l'air beaucoup moins assuré que ce qu'il ne tente de laisser paraître.
- Je te déteste.
Mais je n'arrive pas à masquer le sourire que ce contact a fait naître.
- Du coup, c'est moi qui suis confus, je ne voulais pas vraiment t'embrasser... Je pensais que tu ne te laisserais pas faire et j'ai... Enfin... Désolé.
À son tour d'être hésitant. J'en suis presque étonnée de le voir dans cette position.
- Tu sais quoi ? On n'a qu'à faire un pacte puisque c'était un malentendu. Ni l'un, ni l'autre ne mentionnera cet accident, parce que c'en est un. Et on oublie.
Je lui tends la main.
- Wow, Manon, tu n'aimes pas faire les choses à moitié, toi. Un pacte, carrément ?
Je me renfrogne en l'entendant se moquer de moi à nouveau.
- Je blague, encore une fois, assure-t-il en voyant ma mine boudeuse. Allez, on le fait ce pacte.
Il serre ma main et nous laissons échapper un rire en même temps devant le ridicule de la situation.
L'apprécier non plus, je ne le fais pas à moitié.
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Pétrichor
RomanceQuand elle apprend qu'elle a une leucémie, Manon n'a pas d'autre choix que celui de s'accrocher à sa vie du mieux qu'elle peut. À tant vouloir reprendre une existence normale, elle érige des barrières entre elle et le monde à coups de non-dits. Liam...