Bonus #1

1.5K 67 7
                                    

     Cet été-là

Liam

    Fatigué mais déterminé, je passe à nouveau la porte de l'ascenseur et marche en direction de la chambre de Manon. La pluie qui tombe à flot dehors crée une drôle d'ambiance dans ces couloirs d'hôpitaux immaculés. Je passe une main dans mes cheveux quand j'arrive devant la porte qui revêt le numéro 209. 

    J'hésite avant de rentrer. Une part de moi a toujours peur de voir que son état s'est détérioré. Je déteste découvrir ses traits un peu plus tirés à chaque fois que je viens. Elle devrait pouvoir profiter de son été, sortir tous les soirs, bronzer au soleil, au lieu de quoi, elle est enfermée à subir un traitement qui l'épuise. 

    Je finis par toquer, et une petite voix me répond. Elle est dos à moi quand je rentre, et je sens qu'aujourd'hui est une de ces journées compliquées. Il fait lourd, en ce mois d'août, et l'air est dense à cause de la météo orageuse, mais je sais que parler de la pluie et du beau temps n'intéresse pas Manon. Elle continue de fixer la vitre sur laquelle s'échoue la pluie. 

- C'est moi, je murmure à son intention avant de m'installer sur la chaise à côté de son lit.

    Elle ne se retourne pas.

- Comment tu te sens, Manon ?

    Elle ne dit rien pendant un moment et finit par soupirer bruyamment.

- Je suis fatiguée.

- Tu ne veux pas te retourner que je puisse au moins te voir ?

- Pourquoi faire ?

    Je décide de ne pas rentrer dans son jeu. Ce n'est pas la première fois que j'ai le droit à ses piques bâties par la colère qu'elle refoule sans cesse contre le monde entier. Dans une semaine, elle pourra sortir et arrêter la chimiothérapie pour de longs mois je l'espère. Mais les journées qu'elle passe là en attendant, à ruminer, finissent par la pousser à bout.

    J'ai beau venir tous les jours depuis le début, j'ai l'impression d'être inutile. Je la regarde se renfermer petit à petit sur elle, de plus en plus, sans pouvoir rien faire. C'est un sentiment qui me mine, j'ai l'impression de revivre son plongeon en mer, quand tout ce que je pouvais faire, c'était attendre et prier pour qu'elle s'en sorte. Ce souvenir me fait grimacer. 

- Liam, tu n'avais pas une visite d'appartement à faire ?

- Si, je réponds plus calmement, heureux de voir que la conversation repart sur un ton plus calme. Je viens de rentrer.

- Et, alors ?

- Je crois que j'ai trouvé le bon. Il est petit mais je n'ai pas besoin de plus. Il est très bien placé aussi. Pas loin du cinéma. Ce sera pratique quand on voudra y passer des soirées et ne pas rentrer trop tard.

- Parce que tu crois que je viendrai ?

- Et pourquoi pas ?

    Je fixe son dos, soucieux. Elle m'a l'air si fragile dans sa chemise de nuit. Elle a recouvert son crâne chauve d'un bandeau coloré, mais je sais à quel point elle le déteste. J'entends d'ici ses méninges remuer et je voudrai la prendre dans mes bras pour la rassurer mais aujourd'hui n'est pas le bon jour. La fatigue amplifie sa mauvaise humeur et c'est comme si elle cherchait à faire payer à tout le monde ce qui lui arrive. 

    Je ne lui en veux pas. Je ne peux pas imaginer combien elle doit en souffrir. Ses nerfs sont rudes, mais il leur arrive de lâcher. J'accepte malgré tout de rester à ses côtés, parce que je me suis fait la promesse de rester là dans les bons comme dans les mauvais moments. 

PétrichorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant